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G´ en´ eralit´ es sur le ph´ enom` ene de mouillage

Le mouillage joue un rˆole de premi`ere importance dans le ph´enom`ene de fragilisation par

les m´etaux liquides. En effet, comme nous l’avons vu dans la partie 1.1.2, l’apport de m´etal

liquide en pointe de fissure ainsi que le bon mouillage des surfaces cr´e´ees par l’avanc´ee de

fissure par le m´etal liquide sont des conditions n´ecessaires `a la propagation de la fragilisation.

Pour le syst`eme cuivre/mercure, nous avons vu dans les chapitres 2 et 3, que le mercure

li-quide recouvre totalement la surface de cuivre, une fois la couche d’oxyde natif supprim´ee.

Cette situation de contact intime entre un liquide et un solide est appel´eemouillage total ou

mouillage parfait et est donc caract´eris´ee par un ´etalement complet du liquide sur le solide,

ainsi qu’une forte adh´erence du liquide `a la surface ([6]).

Le ph´enom`ene de mouillage r´esulte en partie de l’abaissement de l’´energie de surface du solide

par la pr´esence du liquide. Plus pr´ecis´ement, on peut ´etablir le bilan des forces d’un syst`eme

compos´e d’un solide (S) suppos´e id´eal, c’est-`a-dire plan, sans rugosit´e et chimiquement

ho-mog`ene, et d’une goutte de liquide (L) pos´ee `a sa surface. La ligne d´efinie par l’intersection

des trois milieux (S,L et V) est appel´eeligne triple, et l’angle θ form´e entre la tangente `a la

surface de la goutte `a la ligne triple et le plan horizontal est appel´eangle de mouillage (figure

5.1).

Les forces par unit´e de longueur, ou tensions, s’exer¸cant sur la ligne triple sont les

ten-sions interfaciales Solide/Vapeur, Liquide/Vapeur et Solide/Liquide, exprim´ees enN.m1 et

not´ees γSV, γLV et γSL, respectivement. Alternativement, on peut voir ces tensions comme

des ´energies (par unit´e de surface) et les exprimer en J.m2, comme ce sera le cas dans la

suite du document.

L’origine physique de ces ´energies de surface (ou d’interface) r´eside dans ce que l’on

pour-rait appeler un d´efaut de coordination des atomes en surface (ou `a l’interface). En effet,

dans le cas d’une surface solide ou liquide par exemple, contrairement aux atomes pr´esents `a

l’int´erieur de la phase solide ou liquide qui sont totalement entour´es dans les trois directions

de l’espace par d’autres atomes de la mˆeme phase, les atomes en surface perdent en premi`ere

approximation la moiti´e de leurs voisins.

Plus formellement, on peut caract´eriser cette perte de voisins en calculant le nombre de

co-ordination d’un atome en surface. Si l’on prend l’exemple du cuivre qui cristallise selon une

maille cubique `a faces centr´ees, le nombre de coordination pour un atome de la maille est

NC = 12. Maintenant, si l’on coupe le r´eseau cristallin selon un plan (100), on peut facilement

v´erifier que pour un atome pr´esent `a la surface (100),NC = 8 (pour une surface parfaitement

plane). Un atome pr´esent `a une surface n’est donc plus dans le mˆeme ´etat physique que les

atomes `a l’int´erieur de la phase (qui sont dans l’´etat le plus stable `a une temp´erature donn´ee),

et il en r´esulte une augmentation de son ´energie potentielle. Cette diff´erence d’´energie entre

un atome pr´esent en surface et un atome pr´esent `a l’int´erieur de la maille est l’origine

phy-sique des ´energies de surface. Pour plus de d´etails on pourra se r´ef´erer `a [6] ou [5].

L’angle de mouillage (figure 5.1), entre le solide et le liquide, est en th´eorie l’angle qui minimise

l’´energie totale du syst`eme solide+liquide. En pratique, cependant, cet angle peut ne jamais

ˆ

etre atteint ([5]). Cela peut provenir par exemple de la rugosit´e de la surface empˆechant ou

rendant difficile le mouvement de la ligne triple. D’un point de vue ´energ´etique, la rugosit´e

peut jouer le rˆole d’une barri`ere de potentiel, bloquant le syst`eme dans un ´etat ´energ´etique

qui n’est pas le minimum global.

`

A l’´equilibre m´ecanique, la projection dans le plan du solide du bilan des forces repr´esent´ees

sur la figure 5.1 conduit `a une relation liant l’angle de mouillageθ et les trois ´energies

inter-faciales. Cette relation, due `a Young et Dupr´e et appel´ee relation deYoung-Dupr´e, s’exprime

de la fa¸con suivante :

γSV =γLV.cos(θ) +γSL (5.1)

Le fait que la fonction cosinus soit une fonction born´ee sur son domaine de d´efinition impose

une contrainte sur les valeurs relatives des diff´erentes ´energies d’interface. On peut r´e´ecrire

l’´equation 5.1 sous la forme :

cos(θ) = γSV −γSL

γLV

(5.2)

qui conduit directement `a la conclusion que si la valeur absolue de la diff´erence entre les deux

´

energies de surfaceγSV etγSL est sup´erieure `aγLV, alors l’´equation de Young-Dupr´e n’admet

aucun angle de mouillage θ comme solution.

Cette conclusion permet de distinguer deux cas particuliers de mouillage : le mouillagepartiel,

pour lequel il existe un angle θ >0 v´erifiant la relation de Young-Dupr´e, et le mouillagetotal

pour lequel on a la relation γSV −γSL ≥ γLV, et θ = 0 par convention. La solution θ = 0

n’est exacte que dans le cas o`u γSV −γSLLV.

Pour r´esumer simplement la situation, on peut d´efinir un param`etre ´energ´etique, appel´e

param`etre d’´etalement, not´e S et exprim´e en J.m2, ´egal `a :

Selon le signe de S, on distingue les deux cas suivants :

1. S >0, le liquide mouille totalement le solide (θ = 0) ;

2. S <0, le liquide ne mouille que partiellement le solide (θ >0).

Il existe ´egalement une situation de mouillage particuli`ere non prise en compte par le

pa-ram`etre d’´etalement et non directement d´ecrite par la loi de Young-Dupr´e. Cette situation

consiste en un film liquide tr`es fin (nanom´etrique/microm´etrique) en ´equilibre entre le solide

et la goutte liquide, toujours caract´eris´ee par un angle de mouillage sup´erieur `a 0. Ce type de

mouillage est appel´emouillage pseudo-partiel, et est observable pour le syst`eme cuivre/plomb,

au moins pour les orientations (100) et (111) ([16]).

La description qualitative du mouillage (mouillage total ou partiel) pour un syst`eme donn´e

d´epend donc de trois param`etres ´energ´etiques, γSV, γSL et γLV.

Le but de ce chapitre est d’estimer chacun de ces termes par calcul ab-initio, `a T = 0K et

pour le syst`eme cuivre/mercure. Les termesγSV etγSL seront calcul´es pour trois orientations

diff´erentes, (100), (210) et (111) afin de ne pas arrˆeter la comparaison avec les observations

exp´erimentales `a une unique orientation.

Les valeurs obtenues par calculs seront valid´ees en calculant le param`etre d’´etalement, et en

s’assurant que ce calcul permet bien de rendre compte du mouillage total du cuivre par le

mercure liquide observ´e `a temp´erature ambiante.

Nous poursuivons ce chapitre par le calcul de l’´energie de surfaceγSV. La ligne triple est une

zone d’´equilibre thermodynamique entre les trois phases pr´esentes. En particulier, la phase

vapeur doit ˆetre en ´equilibre avec les phases liquide et solide, et on s’attend `a observer de

l’adsorption d’atomes du liquide sur la surface du solide. Cela est particuli`erement vrai dans

le cas du mercure liquide, qui poss`ede une tension de vapeur ´elev´ee et qui favorise donc

son ´evaporation afin d’atteindre l’´equilibre thermodynamique. Le calcul de γSV doit donc

prendre cette adsorption en consid´eration et γSV doit ˆetre d´efinie comme la valeur minimale

de γSV(Θ), o`u Θ est le taux de recouvrement de la surface.