D’une mani`ere g´en´erale, la s´egr´egation d’impuret´es aux joints de grains joue un rˆole
fon-damental dans tout ph´enom`ene faisant intervenir l’´energ´etique des joints de grains ([11]).
Avant d’´etudier l’influence que peut avoir une impuret´e sur un joint de grains donn´e, il est
int´eressant de savoir si sa pr´esence dans le joint de grains est ´energ´etiquement favorable.
Il existe plusieurs mani`eres pour un atome ´etranger de se d´eplacer dans un joint de grains.
L’atome ´etranger peut y diffuser depuis l’ext´erieur, ou bien y s´egr´eger lorsque ce dernier ´etait
d´ej`a pr´esent dans la maille cristalline du mat´eriau. Dans cette ´etude, nous allons supposer
que des atomes de mercures sont initialement pr´esents en position substitutionnelle dans la
maille cristalline du cuivre. Nous allons d´eterminer leur tendance `a s´egr´eger aux joints de
grains Σ3 et Σ5.
Pour cela, le mod`ele classiquement utilis´e est de consid´erer que la force motrice de la s´egr´egation
d´erive de la diff´erence d’´energie entre la situation initiale o`u l’impuret´e se trouve dans le
cris-tal, et la situation finale o`u l’impuret´e se trouve dans le joints de grains.
L’´energie de s´egr´egation (par atome) Eseg d’un atome A d’un milieu X vers un milieu Y est
formellement d´efinie comme la diff´erence d’enthalpie de m´elange de A dans X et dans Y :
Eseg = ∆HXA−∆HYA (6.4)
D’un point de vue pratique, le calcul de l’´energie de s´egr´egation revient `a diff´erencier les
´
energies totales d’une cellule contenant le joint de grains ainsi qu’un atome de mercure dans
le cristal d’une part,EHg/cri, et d’une cellule contenant le joint et un atome de mercure dans
le joint d’autre part, EHg/jdg :
Eseg = EHg/jdg−EHg/cri
NHg (6.5)
Compte tenu de la nature des cellules utilis´ees pour nos calculs (deux joints de grains par
cellule), et dans un soucis de sym´etrie, nous ferons syst´ematiquement s´egr´eger un atome de
mercure dans chaque joint.
L’´energie de s´egr´egation ne d´epend th´eoriquement pas de la position initiale de l’impuret´e
dans le cristal puisque tous les sites sont ´equivalents, `a condition d’ˆetre suffisamment ´eloign´e
du joint. `A l’inverse, l’´energie de s´egr´egation d´epend de la position finale dans le joint. Ljoint
Σ3 est l’exception, tous ses sites atomiques sont ´equivalents et il n’existe donc formellement
qu’un seul site de s´egr´egation. Le cas du Σ5 est plus complexe (figure 6.10) ; il existe quatre
sites non-´equivalents ; un seul est dans le plan du joint, les autres sont dans les trois couches
successives. Les sites ´etudi´es sont num´erot´es de 1 `a 4. Par sym´etrie par rapport au plan du
Figure 6.9 – Sch´ema illustrant le calcul de l’´energie de s´egr´egation d’un atome de mercure dans le joint Σ3. Les
atomes rouges sont les atomes de mercure, initialement dans le cristal de cuivre puis dans le joint de grains.
Figure6.10 –Les quatre diff´erents sites de s´egr´egation dans un Σ5. Tous les sites comportant le mˆeme num´ero sont
´
equivalents.
joint, tous les sites comportant le mˆeme num´ero sont ´equivalents.
Les ´energies de s´egr´egation d’un atome de mercure dans le joint Σ3 et les diff´erents
sites du joint Σ5, calcul´ees avec l’expression 6.5, sont pr´esent´es dans le tableau 6.2 sous
la notation Eseg(Hg). Une ´energie de s´egr´egation n´egative signifie donc qu’il est favorable
´
energ´etiquement pour un atome de mercure de s´egr´eger dans le joint de grains.
On remarque de fortes variations de Eseg(Hg) selon le site de s´egr´egation dans le joint Σ5,
allant de −0,13 eV /at `a presque −0,9 eV /at pour les sites 4 et 1 respectivement. Le site 1
est donc le site le plus favorable pour la s´egr´egation d’un atome de mercure, avec une ´energie
de s´egr´egation `a peu pr`es ´egale `a l’´energie de liaison du mercure calcul´ee en phase liquide.
Le site 3 a une ´energie de s´egr´egation assez ´elev´ee, quoique bien inf´erieure `a celle du site 1.
Le site 2 pr´esente une ´energie de s´egr´egation encore inf´erieure.
Le cas du joint Σ3 est totalement diff´erent. Le seul site d’adsorption exhibe une ´energie de
s´egr´egation n´egative mais pratiquement nulle (−0,03eV /at). Le gain ´energ´etique `a d´eplacer
un atome de mercure de la maille cristalline du cuivre dans un joint Σ3, ainsi que la force
motrice qui en r´esulte, sont donc tr`es faibles. Le flux J des atomes de mercure peut ˆetre
site Eseg(Hg) (eV/at) δ/δ0jdg(%) ∆HjdgHg (eV /at) γjdg(Hg) (J.m−2)
Σ3 1 -0,03 +1 +0,67 0,25
Σ5 1 -0,87 +42 -0,26 0,93
2 -0,30 +65 +0,31 1,26
3 -0,53 +10 +0,09 1,13
4 -0,13 +24 +0,48 1,36
Table6.2 –Energies (E
seg(Hg)) de s´egr´egation d’un atome de mercure dans le joint Σ3 (unique site) et les diff´erents
sites du joint Σ5. L’expansionδ/δ
0est calcul´ee relativement `a la cellule contenant le joint de grains sans impuret´e.
d´efini par la relation suivante :
J =−D∇µ (6.6)
o`uDest un coefficient de diffusion et∇µle gradient de potentiel chimique entre l’´etat initial
et l’´etat final. La faible valeur de l’´energie de s´egr´egation signifie que le potentiel chimique
d’un atome de mercure est pratiquement le mˆeme dans le cristal de cuivre que dans un joint
de grains Σ3. Le flux d’atomes de mercure, d’apr`es l’´equation hors ´equilibre 6.6, est donc
proche de z´ero.
On peut en conclure que la s´egr´egation d’atomes de mercure dans un joint Σ3 est quasiment
nulle, si non nulle.
Ces r´esultats sont en accord avec ceux obtenus dans [12], o`u la s´egr´egation d’atomes de
bismuth dans des bicristaux de cuivre est ´etudi´ee exp´erimentalement. Une forte s´egr´egation
des atomes de bismuth est observ´ee dans les joints Σ5, avec une ´energie de s´egr´egation
com-prise entre−0,8 et−1,0et/at, alors qu’aucune s´egr´egation n’a pu ˆetre d´etect´ee dans les joints
sym´etriques Σ3. Nos donn´ees obtenues pour des atomes de mercure refl`etent exactement les
mˆemes tendances et les mˆemes ordres de grandeurs.
Il est ´egalement possible que l’´energie de s´egr´egation d´epende de la contrainte appliqu´ee
au mat´eriau. Une forte d´ependance a ´et´e mesur´ee, d`es 40M P a, dans le cas de la s´egr´egation
d’atomes de phosphore dans un acier chrom´e ([13]). Nous n’avons cependant effectu´e aucun
calcul sur ce point.
6.3.1.2 D´ependance de Eseg `a la concentration en mercure dans le jointCjdgHg
L’´energie de s´egr´egation d´epend ´egalement de la concentration (ou densit´e) d’atomes de
mercureCjdg pr´esents dans le joint. On s’attend g´en´eralement `a ce qu’elle augmente lorsque la
densit´e augmente, en raison d’interaction attractive entre atomes s´egr´eg´es. Cette interaction
peut ´egalement devenir r´epulsive pour des concentrations trop importantes pour lesquelles
les distances entre atomes s´egr´eg´es deviennent trop faibles. Une telle ´etude a ´et´e men´ee
exp´erimentalement pour le syst`eme cuivre/bismuth ([12]). Il est observ´e une augmentation
de l’´energie de s´egr´egation lors de l’augmentation de la densit´e d’atomes de bismuth dans un
Figure 6.11 –Energie de s´egr´egation d’atomes de bismuth dans un joint de grains Σ51 de cuivre en fonction de la
densit´e de bismuth dans le joint. Courbe emprunt´ee `a [12]
joint de grains Σ51 (figure 6.11).
Compte tenu des conditions aux limites p´eriodiques ainsi que des dimensions des cellules
uti-lis´ees pour cette ´etude, la densit´e d’atomes de mercure ne peut prendre que quelques valeurs
discr`etes. Plus quantitativement, les concentrations minimales que nous puissions mod´eliser
sont engendr´ees par l’ajout d’un unique atome de mercure dans le joint et correspondent `a
des concentrations de 2,3at.nm−2 et 3,6at.nm−2 pour les joints Σ3 et Σ5 respectivement.
L’ajout d’un deuxi`eme atome dans les joints double cette concentration pour atteindre la
concentration maximale que nous ayons pu mod´eliser dans cette ´etude (tableau 6.3). Les
concentrations mod´elis´ees sont de l’ordre de grandeur des concentrations observ´ees dans le
syst`eme cuivre/bismuth ([12]).
Nous avons d´etermin´e l’´energie de s´egr´egationEseg(2Hg) d’un atome de mercure alors qu’un
autre atome de mercure se trouve pr´ealablement dans le joint. Cette valeur correspond `a
l’´energie de s´egr´egation pour des concentrations ´egales `a 2,3at.nm−2 et 3,6at.nm−2 pour les
joints Σ3 et Σ5 respectivement. Ces ´energies de s´egr´egation sont pr´esent´ees dans le tableau
6.4, et sont calcul´ees selon la formule suivante :
Eseg(2Hg) = EHg/jdg(2Hg)−EHg/cri(2Hg)
NHg (6.7)
o`u EHg/jdg(2Hg) est l’´energie totale de la cellule contenant deux atomes de mercure dans le
joints, et EHg/cri(2Hg) est l’´energie totale de la cellule contenant un atome de mercure dans
le joint et un dans le cristal. Cette situation est repr´esent´ee pour le joint Σ3 sur la figure
6.12.
Dans le cas du joint Σ3 une seule situations est `a consid´erer (tous les sites sont ´equivalents).
Dans ce cas, la s´egr´egation d’un second atome de mercure est ´energ´etiquement d´efavorable
(´energie de s´egr´egation positive). Dans ce cas, la concentration croissante en atomes de
mer-cure bloque la s´egr´egation.
Dans le document
Fragilisation du cuivre par le mercure liquide : étude expérimentale et numérique
(Page 197-200)