1.2 Les mod` eles atomiques et le calcul ab-initio
1.2.1 Les processus de fragilisation
1.2.1.2 Fragilisation par effet ´ electronique : affaiblissement des liai-
a priori contradictoire avec un effet de taille. Toutefois, en accord avec des exp´eriences men´ees
sur le mˆeme syst`eme ([15]), un seuil de concentration en atomes de soufre dans le joint de
grains est observ´e. En dessous de ce seuil, aucun ph´enom`ene de fragilisation n’est observable.
La pr´esence de ce seuil indique que la fragilisation provient d’une forte r´epulsion entre les
atomes de soufre, lorsque ces derniers ont atteint une certaine concentration et sont alors
trop confin´es.
Si ce m´ecanisme de fragilisation par effet de taille semble bien ´etabli et bien accept´e, il n’en
va cependant pas de mˆeme lorsqu’il s’agit d’attribuer `a un couple m´etal solide/m´etal liquide
donn´e un m´ecanisme sp´ecifique. A titre d’exemple, l’effet de taille attribu´e aux syst`emes
cuivre/bismuth et nickel/soufre fait encore d´ebat, puisque d’autres auteurs affirment que
pour ces syst`emes, le m´ecanisme de fragilisation repose sur un effet ´electronique ([5] et partie
1.2.1.3).
1.2.1.2 Fragilisation par effet ´electronique : affaiblissement des liaisons atomiques
Ce mod`ele repose sur l’affaiblissement des liaisons entres les atomes du m´etal solide,
dans le voisinage proche d’une impuret´e. Une partie des ´electrons liant les atomes du m´etal
solide sont localis´es afin de former des liaisons covalentes avec les impuret´es. L’affaiblissement
provient donc d’une d´epl´etion en ´electrons dans les liaisons atomiques. Ce mod`ele a vu le
jour `a la fin des ann´ees 1970, avec comme syst`eme mod`ele le syst`eme nickel/soufre ([27]). Un
sch´ema d’un joint de grains dans le nickel est pr´esent´e sur la figure 1.7(a).
Le nickel a la structure ´electronique suivante :
[Ar]3d94s1 (1.8)
La liaison entre un atome de nickel et un atome de soufre est due `a l’hybridation des
orbi-tales 3p4 du soufre avec les orbitales 4s1 des atomes de nickel voisins. Cette hybridation est
(a) (b)
Figure 1.7 – Repr´esentation sch´ematique d’un joint de grains pur (1.7(a)) et contenant des impuret´es s´egr´eg´ees
(1.7(b)). Dans le cas du couple nickel/soufre (les atomes de soufres sont repr´esent´es par les croix encercl´ees), les
liaisons covalentesσlocalis´ees entres les atomes de soufre et les premiers atomes de nickel engendrent une d´epl´etion
des ´electrons constituant les liaisons entre les atomes de nickel directement adjacents. Cette d´epl´etion entraine un
affaiblissement des liaisons atomiques, repr´esent´ees par les traits pointill´es entre les atomes de nickel ([27]).
repr´esent´ee sur les sch´emas de la figure 1.8. Les ´electrons d´elocalis´es des orbitales `a sym´etrie
sph´erique 4s1 du nickel sont alors localis´es dans le plan joignant l’atome de soufre, le long des
orbitales 3p. Ces ´electrons localis´es ne sont alors plus disponibles pour participer aux liaisons
nickel-nickel dans le voisinage des impuret´es, et en cons´equence les liaisons atomiques entre
les atomes de nickel sont affaiblies (figure 1.7(b)). La figure 1.7(b) repr´esente le mˆeme joint
de grains que celui de la figure 1.7(a), mais contenant des atomes de soufres repr´esent´es par
les croix encercl´ees. Les doubles traits repr´esentent les liaisons entre les atomes de soufre
et les premiers voisins (ces doubles traits ne font pas r´ef´erence `a une double liaison). Les
traits pointill´es repr´esentent les liaisons entre atomes de nickel affaiblies par la d´epl´etion
d’´electrons.
Figure1.9 –Effet fragilisation de diverses impuret´es dans le fer et le nickel ([32]).
D’apr`es ce mod`ele, la fragilisation du nickel par le soufre se produit par rupture
intergranu-laire en rompant les liaisons nickel-nickel fragilis´ees, et non les liaisons nickel-soufre, qui sont
´
energ´etiquement plus stables.
Ce point de vue est partag´e par Messmer ([32]). Une ´etude de la fragilisation du nickel et
du fer par diverses impuret´es est r´ealis´ee en examinant la projection de certaines orbitales
atomiques afin d’´evaluer le degr´e de localisation des ´electrons, en fonction de la nature de
l’impuret´e. Il a ´et´e montr´e, en comparant ces donn´ees avec des donn´ees exp´erimentales sur
la fragilisation du fer et du nickel (tableau 1.9), que plus l’impuret´e est fragilisante et plus
les ´electrons sont localis´es autour de l’impuret´e, affaiblissant ainsi fortement les liaisons
ato-miques voisines. Ceci est illustr´e par une repr´esentation de la probabilit´e de pr´esence des
´
electrons entre un atome de soufre et quatre atomes de nickel d’une part (figure 1.10(a)),
et un atome de bore et quatre atomes de nickel d’autre part (figure 1.10(b)). Le soufre est
connu exp´erimentalement pour fortement fragiliser le nickel, alors que le bore est connu pour
le renforcer (tableau 1.9). Les cercles concentriques sont centr´es sur l’impuret´e. On
re-marque en particulier que les ´electrons sont beaucoup plus localis´es sur l’impuret´e dans le cas
o`u l’impuret´e est un atome de soufre, alors que dans le cas d’un atome de bore, le domaine
des ´electrons est beaucoup plus ´etendu.
Cet effet d’affaiblissement n’est pas le seul effet ´electronique connu. Il en existe un second,
dont le principe est `a l’inverse de durcir les liaisons atomiques voisines.
1.2.1.3 Fragilisation par effet ´electronique : durcissement des liaisons atomiques
Consid´erant toujours le syst`eme nickel/soufre, Losch ([27]) suppose l’existence d’un deuxi`eme
m´ecanisme menant `a une fragilisation du m´etal solide par des impuret´es s´egr´eg´ees aux joints
de grains.
L’impuret´e pr´esente dans le joint de grains peut se lier aux atomes voisins par des liaisons
plus directionnelles que les liaisons atomiques pr´esentent dans le m´etal solide ([27], [13]). Cela
peut ˆetre le cas, comme nous venons de le voir, pour le syst`eme nickel/soufre. Ces liaisons plus
directionnelles sont ´egalement moins flexibles et moins mobiles, et rendent ainsi plus difficile
(a) (b)
Figure 1.10 – Probabilit´e de pr´esence ´electronique dans le cas du syst`eme nickel/soufre (figure 1.10(a)) et dans
le cas du syst`eme nickel/bore (figure 1.10(a)) ([32]). Dans les deux cas, seuls deux de quatre atomes de nickel sont
repr´esent´es.
l’´emission de dislocations. Dans ce cas, on peut alors observer une transition ductile/fragile
due `a un accroissement de Gdisl.
On peut cependant trouver dans la litt´erature un contre exemple `a ce mod`ele. Dans les m´etaux
nobles, l’hybridation des orbitales atomiques s et d entraine une directionnalit´e des liaisons
atomiques qui se traduit par un renforcement de ces derni`eres ([45]). Des observations ([5])
par spectroscopie de perte d’´energie des ´electrons sur un joint de grains Σ5 dans du cuivre
montrent que la r´eduction de l’hybridation des orbitales s et d, due `a la pr´esence d’atomes
de bismuth, entraine une r´eduction de la directionnalit´e des liaisons. Cette r´eduction de
di-rectionnalit´e est interpr´et´ee comme la cause de leur affaiblissement et de la fragilisation du
cuivre. Cet exemple contredit donc le m´ecanisme selon lequel la fragilisation est entrain´ee par
une certaine directionnalit´e (rigidit´e) des liaisons atomiques du m´etal solide. Les explications
d´ecrites dans [5] sont cependant contredites dans [44], qui favorise la fragilisation par effet
de taille pour ce mˆeme syst`eme.
Dans le document
Fragilisation du cuivre par le mercure liquide : étude expérimentale et numérique
(Page 32-36)