Tous les r´esultats pr´esent´es ici ont ´et´e obtenus apr`es relaxation totale des cellules. Les
param`etres de calculs peuvent ˆetre trouv´es dans l’annexe A.
6.2.4.1 Energ´´ etique du joint de grains
L’´energie (par unit´e de surface)γjdg d’un joint de grain repr´esente le surplus d’´energie (par
unit´e de surface) engendr´e par le remplacement d’une portion de cristal parfait par ce joint
de grains, tous les autres param`etres ´etant ´egaux par ailleurs. Elle traduit directement le
d´efaut d’arrangement que repr´esente le joint par rapport au cristal parfait, et la modification
du potentiel chimique des atomes du joint.
L’´energie d’un joint de grains est calcul´ee comme la diff´erence des ´energies totales d’une
cellule contenant le joint de grains, Ejdg, et d’une cellule de mˆeme structure et contenant le
mˆeme nombre d’atomes, mais dispos´es selon la maille cristalline parfaite,Ecri :
γjdg = Ecri−Ejdg
2S (6.1)
o`u S est la section de la cellule. Le facteur 2 provient du fait que les cellules contiennent
deux joints de grains. Les r´esultats pour les joints Σ3 et Σ5 sont pr´esent´es dans le tableau
6.1.
On remarque tout de suite une importante diff´erence entre les deux joints de grains. L’´energie
du Σ5, γjdg = 1,080 J.m−2, est plus de deux ordres de grandeur sup´erieure `a celle du Σ3,
γjdg = 1,080 J.m−2, qui est par ailleurs quasiment nulle. Cette tr`es faible ´energie du Σ3
s’explique par sa structure tr`es proche du cristal (figure 6.4).
Les valeurs obtenues sont en bon accord avec les valeurs de la litt´erature. Pour le Σ3 on
trouve : 0,022 J.m−2 obtenue par l’utilisation d’un potentiel EAM ([4]) dans [5], 0,020
J.m−2 obtenue avec l’utilisation d’un potentiel semi-empirique ([6], [7]) dans [8]. Pour le Σ5,
on trouve γjdg = 0,996 J.m−2 obtenue par dynamique mol´eculaire (`a '0K) dans [3].
Par ailleurs ([9]), afin de comparer valeurs exp´erimentales mesur´ees g´en´eralement `aT >>0K
et valeurs calcul´ees g´en´eralement calcul´ees `aT '0K, la d´ependance en temp´erature des joints
de grains peut ˆetre approximativement ´evalu´ee par l’´equation lin´eaire due `a Murr ([10]) :
γjdg(T) = γjdg0 +T∂γjdg
∂T =γ
0
jdg −T Sjdg (6.2)
o`u γ0
jdg est l’´energie du joint de grains `a T = 0K, Sjdg = ∂γ
jdg∂T est l’entropie d’interface, et T
est la temp´erature (en K). La valeur de Sjdg a ´et´e ´evalu´ee ([10]) `a Sjdg = 0,1 mJ.m−2K−1
pour les joints de grains g´en´eraux et Sjdg = 0,02 mJ.m−2K−1 pour les joints de grains
sym´etriques `a forte co¨ıncidence (typiquement les CSL). Compte tenue de cela, on voit que
des diff´erences de temp´erature de l’ordre de 900K (la diff´erence entre un calcul `a 0K et une
exp´erience typique `a T = 900K) engendre des variations de γjdg de 18 mJ.m−2. Cette faible
correction des effets de temp´erature justifie qu’il est possible de comparer de fa¸con directe
Σ3 Σ5
γjdg (J.m−2) 0,008 1,080
Erup0 (J.m−2) 3,26 3,32
δ(%) -0,15 +125,7
Table6.1 –Principales caract´eristiques des joints de grains Σ3 et Σ5 d´etermin´ees par DFT-LDA. Les termesγ
jdget
E
rupsont calcul´es en utilisant les ´equations 6.1 et 6.3 respectivement. L’expansionδdes joints de grains est exprim´ee
par rapport au cristal parfait, et normalis´ee par la distance r´eticulaire dans la direction [111] pour le joint Σ3 et [210]
pour le joint Σ5 .
les r´esultats obtenus par calculs `a T = 0K et ceux r´esultants d’exp´eriences `a temp´erature
plus ´elev´ee. De plus, tous nos essais de fragilisation ont eu lieu `a temp´erature ambiante, soit
environ 300K. Les r´esultats ´energ´etiques obtenus par calcul `a 0K peuvent donc ˆetre compar´es
`
a nos r´esultats exp´erimentaux.
6.2.4.2 Energie de rupture´
L’´energie de rupture (par unit´e de surface) Erup0 d’un joint de grain est d´efinie comme
l’´energie n´ecessaire pour rompre le joint de grains et pr´esenter deux surfaces libres. Par
d´efinition, elle est donc calcul´ee de la fa¸con suivante :
Erup0 = 2γSV −γjdg (6.3)
o`u γSV est l’´energie de surface dans l’orientation consid´er´ee, (111) pour le Σ3 et (210) pour
le Σ5. Nous rappelons que les ´energies de surfaces γSV ont ´et´e calcul´ees dans la section 5.3,
les r´esultats pour les surfaces (111) et (210) sont pr´esent´es dans les tableaux 5.9 et 5.6,
res-pectivement.
Les deux ´energies de rupture sont positives, ce qui signifie que la pr´esence du joint de grains
est ´energ´etiquement plus favorable que la pr´esence de deux surfaces libres. Les ´energies de
rupture calcul´ees pour les joints Σ3 et Σ5 sont tr`es proches ; Ceci est dˆu `a une compensation
entre la faible ´energie du joint Σ3 et l’´energie de surface (111) qui est de 0,6J.m−2 sup´erieure
`
a celle de l’orientation (210).
6.2.4.3 G´eom´etrie et expansion du joint de grains
D’un point de vue g´eom´etrique, on peut ´egalement caract´eriser un joint de grain
relative-ment au cristal parfait selon la mˆeme orientation. On peut d´efinir l’expansion δ du joint de
grains, d´efinie comme la diff´erence de longueur d’une cellule contenant le joint de grains et
d’une cellule contenant du cristal parfait, divis´ee par la distance r´eticulaire dans la direction
consid´er´ee. Les valeurs deδ pour les joints Σ3 et Σ5 figurent dans le tableau 6.1.
L’expansion est pratiquement nulle pour le Σ3, avec environ−0,15% de la distance r´eticulaire
dans la direction [111] ; cela s’explique par la structure cristalline du joint qui est extrˆemement
Figure6.7 –Distances inter-couches atomiques dans la direction [111], perpendiculaire au joint Σ3.
proche de la structure cristalline du cristal ; en particulier, le nombre de coordination du seul
site atomique du joint est ´egal au nombre de coordination d’un atome pr´esent dans le cristal.
Ce r´esultat va donc dans le sens d’une tr`es faible ´energie pour le joint Σ3.
L’expansion (selon la direction [210]) due `a la pr´esence du joint Σ5 repr´esente environ 125%
de la distance r´eticulaire dans cette mˆeme direction. Nous avons donc ici une forte distorsion
du r´eseau cristallin qui explique la haute ´energie du joint Σ5. D’un point de vue intuitif dans
un premier temps, il peut sembler ´evident que cette dilatation de la cellule dans la direction
[210] provient de la proximit´e des deux atomes de cuivre plac´es aux sites atomiques num´ero
2 (voir la figure 6.10 pour la d´efinition des sites). En effet, leur distance de s´eparation initiale
pr´evue par le mod`ele CSL et de seulement 1,6 ˚A, bien inf´erieure `a la distance du premier
voisin dans le cristal parfait (2,5 ˚A). Ces deux atomes sont donc initialement en situation de
compression. La forte force r´epulsive r´esultant de cet ´etat de compression explique
l’expan-sion de la cellule lors de la relaxation.
Cette approche peut ˆetre compl´et´ee en d´ecomposant l’expansion de la cellule le long de
l’axe [210] (et [111] pour le Σ3). Pour cela, nous calculons les distancesd[111]etd[210] s´eparant
deux plans atomiques successifs le long des axes [111] et [210] respectivement. Ces distances
inter-atomiques sont repr´esent´ees sur les graphiques 6.7 et 6.8. La couche atomique dans le
plan du joint de grains est num´erot´ee 0, puis les couches successives de part et d’autre de
ce plan sont num´erot´ees +n et−n (les couches +n et−n sont les deux couches sym´etriques
par rapport au plan du joint).
Comme attendu, on remarque que le joint de grains Σ3 ne perturbe en rien les distances
inter atomiques dans la direction [111]. La valeur d[111] est constante est ´egale `a la distance
r´eticulaire dans la direction [111], d[111] = 2,034˚A.
Le cas du Σ5 est plus complexe ; on remarque des oscillations `a proximit´e du joint de grains.
Ces oscillations sont la traduction d’un succession de compression/dilatation des couches
atomiques par rapport `a la distance r´eticulaire d[210] = 0,788 ˚A. La couche imm´ediatement
Figure6.8 –Distances inter-couches atomiques dans la direction [210], perpendiculaire au joint Σ5.
adjacente au joint, qui est la couche contenant le site atomique num´ero 2 pr´esent´e sur la
figure 6.10 et que nous suspections d’ˆetre responsable de l’expansion de la cellule du fait de
sa proximit´e avec son sym´etrique -2, est en effet largement repouss´ee du plan du joint (couche
num´ero 0). La distance entre la couche 0 et la couche 1 est d’environ 1,12 ˚A, `a comparer
avec la valeur du cristal d[210] = 0,788 ˚A, soit une augmentation d’environ 42%. Dans cette
configuration, les deux atomes de cuivre pr´esents aux sites 2 et -2 du joint voient leur
dis-tance de s´eparation passer de 1,6 ˚A `a 2,24 ˚A. Une cons´equence directe de cette expansion
est la compression des deux couches suivantes, pour lesquelles les distances inter atomiques
chutent `a environ 0,54 ˚A. En s’´eloignant encore du joint, il persiste quelques oscillations
qui disparaissent rapidement pour finalement retrouver la valeur de la distance r´eticulaire
d[210] = 0,788 ˚A.
Les structures (apr`es relaxation) tr`es diff´erentes des joints Σ3 et Σ5 expliquent leur diff´erence
´
energ´etique. Bien que sym´etrique et de forte co¨ıncidence, le joint Σ5(012) <100 >36.87◦ a
une structure assez ´eloign´ee de celle du cristal, avec notamment des zones de compression et
de dilatation `a proximit´e du plan du joint. Ces perturbations expliquent son ´energie
relati-vement ´elev´ee. Le joint de grains Σ3(111)<110 >70,52◦, compte tenu de sa structure tr`es
proche de celle du cristal parfait, est caract´eris´e par une ´energie et une expansion
pratique-ment nulles.
Les caract´eristiques des joints Σ3 et Σ5 ´etant ´etablies, nous abordons maintenant la s´egr´egation
d’atomes de mercure dans ces derniers.
Dans le document
Fragilisation du cuivre par le mercure liquide : étude expérimentale et numérique
(Page 193-197)