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gain entropique est alors inf´erieur au coˆut ´energ´etique pour s’adapter `a la fronti`ere gel´ee), soit relaxe en ayant acc`es `a une multitude d’´etats m´etastables, ce qui va per-mettre une r´eorganisation pour R > ξ (le gain entropique domine). L’int´erˆet de cette reformulation r´eside dans l’origine plus claire de l’organisation en mosa¨ıque de goutte-lettes, mais surtout dans la possibilit´e de pouvoir calculer de mani`ere analytique (dans certains mod`eles [43,44]) et num´erique (dans les syst`emes vitreux [45,46]) la longueur ξ via l’introduction de fonctions de corr´elation d’ordre ´elev´e, de type « point-to-set ». Pour cela, il faut d´efinir une grandeur appropri´ee q(R) caract´erisant le recouvrement (la similitude) entre la configuration ´equilibr´ee de d´epart et les configurations ´equili-br´ees avec le champ ext´erieur. La variation de q(R) lorsque R augmente permet `a priori d’acc´eder `a la longueur ξ qui doit caract´eriser la d´ecroissance de q(R), ´etant donn´e que q(R) →

R→01 (´etat initial bloqu´e par le champ ext´erieur) et q(R) →

R→∞0 (relaxation vers une multitude d’´etats m´etastables et d´ecorr´elation).

Un probl`eme difficile `a aborder dans cette approche est le lien entre la longueur statique ξ et la longueur associ´ee `a la dynamique qui, dans une approche champ moyen de type couplage de mode, diverge `a TD. Des travaux r´ecents utilisant des mod`eles de Kac tentent de r´epondre `a cette question [43,44].

2.5 Frustration

Un syst`eme est dit frustr´e lorsqu’il ne peut minimiser son ´energie en satisfaisant les diff´erentes contraintes locales. Le concept de frustration a ´et´e th´eoris´e par Toulouse en 1977 [47] dans le contexte des mod`eles de spins. Cependant, ce concept est plus g´en´eral et peut s’appliquer `a de nombreux syst`emes. Les contraintes peuvent avoir des origines diverses, ce qui permet de diff´erencier diff´erents types de frustration :

- La frustration peut provenir d’un d´esordre gel´e comme dans les verres de spin [48]. Elle est alors impos´ee au syst`eme qui n’est pas intrins`equement frustr´e. Dans les syst`emes r´eels, ce sont des impuret´es fixes qui sont responsables de ce d´esordre. Cependant ce type de frustration n’est pas pertinent dans le cas des liquides surfondus o`u le caract`ere vitreux et h´et´erog`ene est engendr´e par le syst`eme lui-mˆeme.

- la frustration peut ˆetre homog`ene et provenir des propri´et´es de l’espace lui-mˆeme. On parle alors de frustration « g´eom´etrique » ou encore « topologique », « uni-forme » ou « structurale » (pour une introduction d´etaill´ee `a la frustration g´eo-m´etrique, voir le livre de Sadoc et Mosseri [49]). Dans le cas o`u le syst`eme est sur un r´eseau, c’est la topologie de ce r´eseau plutˆot que celle de l’espace qui peut ˆetre `a l’origine de la frustration : l’arch´etype de ce genre de frustration est un syst`eme de spins d’Ising sur un r´eseau triangulaire (`a deux dimensions) avec des interactions antiferromagn´etiques entre proches voisins. Si l’on regarde un triangle local quelconque, on se convainc ais´ement que les trois spins ne peuvent satisfaire les diff´erentes contraintes ´energ´etiques simultan´ement (interactions spin-spin an-tiferromagn´etiques), d’o`u l’apparition de frustration.

Nous allons d´etailler plus longuement l’approche en terme de frustration ´etant donn´e qu’elle est `a la base de notre travail de th`ese.

l

σ

Figure 2.2 – Manifestation de la frustration de l’ordre icosa´edrique dans les syst`emes atomiques tridimensionnels : la sym´etrie d’ordre 5 de l’icosa`edre mise en ´evidence sur cette figure n’est pas compatible avec un pavage de l’espace et la distance ℓ entre particules externes est sup´erieure au diam`etre d’un particule σ correspondant `a la distance entre la particule centrale et ses voisines qui sont au contact (l’interstice entre les particules externes est indiqu´e en rouge sur la figure).

2.5.1 Frustration g´eom´etrique

Afin de mieux comprendre la nature de la frustration g´eom´etrique, il est utile de consi-d´erer un exemple typique des syst`emes amorphes tridimensionnels : l’ordre icosa´edrique dans les liquides compos´es de particules monodisperses et interagissant via un poten-tiel de paire sym´etrique et isotrope. L’´etat fondamental minimisant l’´energie pour un syst`eme de quatre particules est un t´etra`edre r´egulier. Si l’on augmente le nombre de particules, on remarque que pour 13 atomes, le syst`eme s’organise de mani`ere icosa-´edrique : la particule centrale est entour´ee de 12 particules r´eparties aux sommets d’un icosa`edre (voir figure 2.2). Localement, l’organisation est toujours t´etra´edrique mais les 20 t´etra`edres composant l’icosa`edre ne sont alors plus r´eguliers (voir figure 2.2). Frank a ´et´e le premier `a noter l’importance de l’ordre local icosa´edrique dans les liquides atomiques simples et les m´etaux liquides [50]. Il a montr´e que l’arrangement le plus stable de 12 atomes autour d’un atome central ´etait un icosa`edre et non une des deux structures cristallines compactes : cubique `a faces centr´ees ou hexagonale compacte. Cependant, dans l’espace Euclidien `a trois dimensions, cette structure loca-lement pr´ef´er´ee icosa´edrique ne peut pas se propager afin de paver l’espace : c’est ce qu’on appelle la frustration g´eom´etrique‡8.

Comme le montre la figure 2.2, la frustration peut ˆetre envisag´ee de diff´erentes mani`eres : soit comme une contrainte globale li´ee aux sym´etries et aux pavages (ici,

2.5 Frustration 31

la sym´etrie d’ordre 5 de l’icosa`edre est incompatible avec la possibilit´e de paver l’es-pace), soit une contrainte locale plus en ad´equation avec la d´efinition originale de la frustration, c’est-`a-dire l’impossibilit´e pour l’ensemble des particules de se trouver si-multan´ement au minimum de leur potentiel de paire.

Dans le cas de l’ordre icosa´edrique, un moyen de supprimer la frustration consiste `a se placer dans un espace courb´e positivement [51,49] : la structure localement pr´ef´er´ee qu’est le t´etra`edre r´egulier peut alors paver l’espace dont la courbure est choisie de mani`ere ad´equate. L’icosa`edre est alors compos´e de 20 t´etra`edres r´eguliers et peut alors lui aussi paver l’espace courbe (une hypersph`ere) afin de former un cristal. Dans ce cas, la frustration a disparu car l’ordre local peut s’´etendre `a l’ensemble du syst`eme. Cette structure id´eale non frustr´ee a servi d’´etat de r´ef´erence dans deux types d’ap-proches th´eoriques des syst`emes amorphes : d’une part les travaux de Sadoc, Kl´eman et Mosseri [51, 52, 53, 54, 55, 49] et d’autre part ceux de Nelson et ses collabora-teurs [56,57,58,59,60,61] et de Sethna [62,63] (voir [64,65] pour une revue). Dans tous les cas, l’id´ee de base de ces approches est qu’il est n´ecessaire d’introduire des d´efauts topologiques dans cet ordre id´eal afin de pouvoir le plonger dans l’espace Eu-clidien. Les disinclinaisons ont ´et´e propos´ees comme les d´efauts topologiques pertinents dans ce cas [53, 49, 56, 57]. Celles-ci brisent l’ordre rotationnel et, `a trois dimensions, sont des structures lin´eaires. Dans les phases amorphes, elles sont suppos´ees former un r´eseau d´esordonn´e de lignes s´epar´ees par des r´egions o`u l’ordre est identique `a celui de l’´etat de r´ef´erence id´eal sans frustration. Les lignes de d´efauts peuvent ´eventuelle-ment former un r´eseau ordonn´e `a basse temp´erature, comme on peut l’observer dans les verres m´etalliques avec les phases de Frank-Kasper [49, 66, 67]. En se basant sur cet ´etat de r´ef´erence, Sadoc et Mosseri ont ´etudi´e la mani`ere de produire des empilements amorphes les plus denses possibles en « d´ecourbant » l’ordre id´eal via l’in-troduction de disinclinaisons, tandis que Nelson et ses collaborateurs ont d´evelopp´e une approche de m´ecanique statistique de l’ordre icosa´edrique frustr´e en introduisant un param`etre d’ordre caract´erisant l’ordre id´eal (dont la sym´etrie est de type SO(4)) et en construisant une fonctionnelle d’´energie libre d´ependant de ce param`etre d’ordre. Ces approches ont notamment permis une meilleure compr´ehension de la structure des verres m´etalliques, mais aucune ´etude de la dynamique n’a ´et´e alors entreprise. De plus, l’ordre icosa´edrique ´etant fortement frustr´e dans l’espace Euclidien, son extension ne peut gu`ere d´epasser deux diam`etres de particules, ce qui rend difficilement applicable tout mod`ele bas´e sur une proc´edure de « coarse-graining ».

L’application du concept de frustration aux liquides peut se r´esumer par trois pro-positions qui dans l’exemple pr´ec´edent de l’ordre icosa´edrique sont plutˆot bien ´etablies, mais qui restent des postulats dans le cas de syst`emes r´eels plus complexes tels que les liquides mol´eculaires [68] :

- un liquide poss`ede un ordre localement pr´ef´er´e diff´erent de l’ordre cristallin. Cet ordre local minimise une ´energie libre locale `a la mani`ere de l’ordre icosa´edrique et ne peut ˆetre d´etect´e que par des fonctions de corr´elations complexes permettant de d´eterminer la sym´etrie de l’arrangement local, ce qui est exp´erimentalement difficile.

- L’ordre localement pr´ef´er´e d’un liquide ne peut paver l’espace. Il s’agit l`a du concept de frustration. Lorsque le syst`eme est frustr´e, l’ordre local ne peut pas

s’´etendre `a l’ensemble de l’espace ; la cristallisation du liquide a lieu via une tran-sition fortement du premier ordre car il est n´ecessaire de r´eorganiser les structures locales. Ainsi, comme sugg´er´e par Frank, [50] la pr´esence de frustration pourrait permettre de surfondre les liquides.

- Il est possible de construire un syst`eme abstrait de r´ef´erence o`u la frustration a ´et´e supprim´ee. Cela peut s’effectuer en modifiant la m´etrique et/ou la topologie de l’espace dans lequel est plong´e le liquide.

Des avanc´ees dans l’application du concept de frustration aux syst`emes vitreux ont ´et´e effectu´ees, que ce soit par l’´etude de mod`eles `a frustration Coulombienne [69, 70,

71,72] ou par la mise en ´evidence de l’existence d’un point critique ´evit´e pour plusieurs mod`eles frustr´es [73,74,75]. Une description ph´enom´enologique des liquides surfondus bas´ee sur le concept de frustration a ´et´e propos´ee.

2.5.2 Th´eorie des domaines limit´es par la frustration

La th´eorie des domaines limit´es par la frustration [76, 77, 78, 79, 68] s’appuie sur le concept de transition ´evit´ee. En l’absence de frustration l’ordre local peut s’´etendre `a l’ensemble de l’espace et la cristallisation associ´ee s’effectue alors par une transition de phase soit du second ordre soit faiblement du premier ordre. En pr´esence de frustration (mˆeme infinit´esimale), cette transition disparaˆıt, elle est « ´evit´ee ». La proximit´e du point critique ´evit´e induit un comportement collectif (ou coop´eratif), mais qui reste limit´e `a des ´echelles m´esoscopiques car la frustration qui empˆeche l’ordre « id´eal » (l’ordre localement pr´ef´er´e du liquide) de s’´etendre au-del`a d’une certaine distance (l’existence d’un point critique ´evit´e est av´er´ee pour toute une vari´et´e de syst`emes frustr´es [73, 74, 75, 69, 70]). Dans ce contexte, la temp´erature pertinente dans l’´ela-boration d’une description du ralentissement visqueux est celle de la transition ´evit´ee T ayant lieu dans le syst`eme non frustr´e, `a condition bien sˆur que la frustration du liquide r´eel ne soit pas trop forte.

La premi`ere ´etape consiste `a consid´erer la nucl´eation contrari´ee de la phase ordonn´ee id´eale au sein du liquide. L’´energie libre d’un domaine de la phase id´eale de taille L plong´e dans le liquide est donn´ee `a trois dimensions par :

F (L,T ) = σ(T )L2− φ(T )L3+ s(T )L5. (2.10) Le premier terme (surfacique) correspond `a un coˆut d’´energie libre pour cr´eer un domaine d’une phase dans un autre ; σ(T ) correspond alors `a une tension de sur-face. Le second terme (de volume) correspond `a la diff´erence d’´energie libre entre les deux phases. Le dernier terme super-extensif correspond `a l’´energie libre de d´eforma-tion de l’ordre id´eal due `a la frustrad´eforma-tion. Pour un espace de dimension d ce terme croˆıt comme Ld+2. On peut l’estimer en consid´erant une portion d’espace courbe de rayon de courbure l ≪ L avec L la taille de ce domaine que l’on d´eforme ´elastique-ment afin de le plonger dans l’espace Euclidien de dimension d. Le coˆut ´energ´etique varie alors comme φ(L,l)Ld et si l’on d´eveloppe φ(L,l) en puissance de L/l, on a : φ(L,l) = φ0(l) + φ1(l) L l + φ2(l) L l 2 + o L l 2

. Le terme φ1 ´etant nul car on peut choisir l’espace Euclidien tangent `a l’espace courbe, on retrouve bien une variation en

2.6 Questions ouvertes 33