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Les freins à la communication

Il existe des freins à la communication spécifiques au service de réanimation.

Le premier est l’absence de réponse du patient. En effet, l’infirmier n°4 exprime avoir des difficultés à parler aux patients profondément sédatés ne montrant aucun signe de réveil. Le soignant pense avec conviction que la communication améliore le vécu de l’hospitalisation.

Cependant, du fait que le patient ne soit pas éveillé il est parfois compliqué de penser à communiquer. L’esprit est occupé par la charge de travail ou bien par les problèmes personnels. L’article « La communication, un apprentissage au service du prendre soin » (Terrat, 2020) reprend les quatre éléments composant le processus de communication : l’émetteur est celui qui code un message, le message en lui-même transmet une information, le récepteur décode ce message et enfin le feed-back correspond à la réponse du récepteur à l’émetteur. L’auteure met l’accent sur l’importance de la réponse. Pour qu’une communication dynamique est lieu, il est nécessaire qu’une réponse soit donnée, que le récepteur devienne émetteur à son tour. En l’absence de ce feed-back, le terme de monologue est plus adapté. L’infirmier n°4 exprime que la communication à sens unique est compliquée.

Il est plus facile de parler avec quelqu’un qui nous répond. De plus, il ajoute qu’il est possible que les patients n’entendent pas, il y a peu de personnes qui ont des souvenirs ou alors simplement des brides. Pour autant, il n’en fait pas une généralité. Il sait que certains patients ont des souvenirs de cette période et que, par conséquent, ils étaient en capacité d’entendre des paroles. Le fait de ne pas savoir si le patient est conscient, de ne pas être sûr que la communication établie soit bénéfique pour le patient entraîne un réel frein à l’élaboration d’une communication.

Comme j’ai pu l’observer lors de la phase exploratoire, l’absence de réponse du patient incite également les soignants à discuter entre eux devant le patient sédaté. L’infirmière n°3

explique qu’un des pièges de la réanimation est de parler entre soignants en présence du patient. Lors de la toilette, le patient est inclus dans le soin. Les soignants le préviennent de leurs gestes mais il est parfois oublié dans la discussion. L’infirmière et l’aide-soignante vont aborder leur vie privée en oubliant que le patient peut comprendre la conversation.

L’infirmier n°4 appuis également cette pensée. Il relate que parler avec une personne qui répond est plus simple. C’est pour cela que les soignants échangent entre eux devant le patient. Cependant, il ajoute que ce n’est pas obligatoirement négatif. Le patient peut apprécier d’entendre d’autres sujets de conversation et, s’il est éveillé, il est invité à participer à l’échange. Il reste important de faire attention à ce que l’on peut dire ainsi qu’aux sujets que l’on peut aborder.

La sédation incite les soignants à parler sans inclure le patient dans l’échange. Le risque étant que le patient ne se sente plus pris en compte en tant que personne. Une communication entre les soignants en présence du patient peut être réalisée à condition de ne pas exclure le patient. Il est donc nécessaire de ne pas aborder des sujets trop personnels ou bien en rapport avec le patient. Il est également important de faire comprendre au soigné qu’il n’est pas oublié.

La technicité des soins

Lors de mon premier entretien, l’infirmière exprimait que la technicité des soins de réanimation pouvait être un frein à la communication. Dans ce sens, elle expliquait que pour réussir à apporter une communication adaptée au patient il fallait d’abord maîtriser les soins techniques. Pour développer cette idée, je trouvais intéressant d’interviewer une infirmière jeune diplômée, qui est toujours dans l’apprentissage de ces soins, pour découvrir son ressenti. L’infirmière m’explique que pour elle, la technicité n’est pas un frein à la communication mais au contraire parler avec son patient lors d’un soin va instaurer un climat rassurant. La communication est un soutien car parler normalement à son patient aide à normaliser la situation. Dans ce sens, je peux dire que la communication peut être bénéfique à la réalisation de soins techniques. Elle permet de rendre la situation moins stressante pour la soignante, ce qui va lui permettre d’être à l’aise lors de son soin. J’ai également voulu connaître l’avis d’un soignant plus expérimenté. L’infirmier n°4 relate que lorsqu’il a débuté il était très concentré sur les soins et que cela pouvait influer sur sa communication. La technicité de la réanimation joue un rôle dans la communication lorsque l’on est encore dans l’apprentissage. Avec son expérience, il a pu observer qu’être jeune diplômé ou étudiant

communication. L’infirmier explique, qu’aujourd’hui, étant à l’aise avec les soins, il réalise que la technicité n’est plus un frein à sa communication.

La communication peut être bénéfique à l’élaboration d’un soin car elle instaure un climat de confiance. Cependant, la forte technicité des soins demande beaucoup de concentration, en particulier lorsque l’on est jeune diplômé ou étudiant. J’ai pu le constater en tant qu’étudiante. Dans tous les services et en particulier en réanimation, l’apprentissage des soins techniques demande du temps. L’attention est donc principalement porter sur le geste effectué à défaut de la communication avec le patient.

L’urgence

L’urgence fait partie intégrante d’un service de réanimation. Lors de mon dernier entretien, l’infirmier exprime que dans l’urgence la communication passe d’autant plus en second plan.

En effet, durant ces situations les soins techniques sont à effectuer dans la plus grande des rapidités. La concentration est encore plus centrée sur les soins. De plus, dans ces circonstances, la communication entre les soignants est primordiale pour assurer les meilleurs soins possibles. L’urgence engendre des situations de stress pour le soignant mais également pour le soigné. En plus de voir des professionnels de santé s’affairer autour de lui, sans la communication, le patient n’est pas en possession des informations nécessaires pour saisir ce qui lui arrive. Ce manque d’information peut être très anxiogène pour le patient, ce qui par conséquent complique la prise en soin. Pour arriver à mettre le patient au centre de sa prise en soin il est nécessaire qu’il comprenne ce qui lui arrive.

J’ai découvert qu’il existait des freins importants à la communication. Cependant, ils sont perçus différemment selon les soignants. L’infirmière n°3 porte une grande importance à la communication car c’est un besoin pour elle. Malgré les freins présents, l’intérêt qu’elle porte à la communication est supérieur. C’est pour cette raison qu’elle voit la communication comme une aide et non comme un frein à la réalisation des soins techniques. Pour l’infirmier n°4, l’élaboration d’une communication est plus compliquée car, pour lui, les bénéfices sont avant tout pour le soigné. De plus, le fait de ne pas savoir si le patient est conscient remet en doute les bénéfices que la communication pourrait lui apporter. Il est donc plus difficile de créer une communication lorsqu’il existe des doutes sur les bienfaits qu’elle pourrait apporter.

Les freins à la communication sont inévitablement présents mais c’est avant tout la personnalité, les convictions ainsi que les besoins des soignants qui influent sur l’importance donnée à ces freins.

La formation

Lorsque je suis arrivée en stage de réanimation, je n’avais pas conscience que la communication que je pouvais établir avec les patients pouvait avoir de telles conséquences sur leur hospitalisation.

J’ai voulu savoir si les soignants travaillants tous les jours auprès de personnes sédatées se sentaient assez sensibilisés sur ce sujet. L’infirmière n°3 affirme que la sensibilisation sur la communication avec les personnes sédatées se fait avant tout sur le terrain grâce aux professionnels de santé. Entrer en communication avec les patients a été plus facile lorsqu’on lui a expliqué qu’il y avait toujours une possibilité qu’ils l’entendent.

L’infirmier n°4 atteste également qu’il n’existe pas de formation en communication spécifique à la réanimation. La formation proposée est la même pour tout le centre hospitalier et concerne les patients communicants. De plus, ils sont en accord pour dire que ce n’est pas un sujet travaillé lors de la formation au sein de l’IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers). Je suppose que le manque de connaissances sur l’importance de la communication et sur les moyens de l’élaborer avec une personne sédatée peut être un frein.

L’infirmière n°3 illustre cette notion. Lorsqu’elle a compris que les patients pouvaient l’entendre, entrer en communication avec eux a été plus facile. L’infirmier n°4 a eu des retours de médecin expliquant qu’il y avait peu de chance, lorsqu’une forte sédation est administrée, pour que le patient entende ce qu’il se passe autour de lui. Dans ce sens, il est plus compliqué de percevoir les bénéfices de la communication face à une personne sédatée.

Pour conclure sur les bénéfices de la communication pour les soignants, je peux dire que c’est avant tout propre à chaque personne. Leur vision personnelle de la communication conditionne l’importance qu’ils lui donnent dans leurs soins.

Cependant, je peux assurer, au vu de mes recherches, que la communication est inévitablement nécessaire à la construction d’une relation de confiance entre le soignant et le soigné. Les trois années que j’ai passé au sein de l’Institut de Formation en Soins

d’améliorer considérablement la prise en soin d’un patient. En effet, une personne se sentant en confiance avec le soignant va plus facilement faire part de ses inquiétudes, de ses besoins ainsi que de son ressenti. Le professionnel de santé peut par la suite adapter la prise en soin en fonction des informations recueillies.

A la suite de mes recherches, je peux émettre l’hypothèse que la création de formations ajustées à la communication avec les personnes sédatées permettrait d’apporter les connaissances et outils nécessaires pour établir une communication adaptée.