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: ENTRETIEN AVEC L’INFIRMIERE N°3

Expérience personnelle

Ü Avez-vous déjà eu des personnes sédatées à prendre en charge ? Dans quel service ? Combien de temps ?

Oui, très souvent. Je travaille en réanimation à Chambéry depuis octobre. Je prends en charge des personnes qui peuvent être parfois sédatées pour de longues durées. Parfois plus de deux mois.

Ü Quelle importance donnez-vous à la communication dans vos soins ?

Personnellement ça a une importance majeure. Je sais qu’ils sont sédatés mais je leur parle comme s’ils étaient là car je trouve ça important de ne pas déshumaniser le soin. Je me présente à eux, dès que je vais entreprendre quelque chose je leur dis même si je sais qu’ils ne vont pas forcément le ressentir. Je les préviens de tout ce que je vais faire. Je leur parle des actualités dans le monde car il y a la possibilité qu’ils nous entendent. J’aime bien leur parler comme s’ils étaient réveillés.

Vécu des patients

Ü Pouvez-vous me raconter, si vous en avez eu, les retours des patients qui ont des souvenirs du vécu de leur coma ?

Personnellement, je n’ai pas encore eu de retours. Je sais que c’est possible, j’en ai entendu parler mais pour le moment je n’en n’ai pas encore eu. Le problème est le fait que ce sont souvent des patients COVID ou des personnes qui ont été endormies longtemps que je prends en charge. Ils sont tellement ensuqués lorsqu’ils se réveillent qu’ils ne se souviennent plus de toi avant la sédation.

Avec le COVID pour que certains patients tolèrent la respiration on est obligé de beaucoup les endormir et sur des longues durées et c’est pour cela qu’ils sont beaucoup ensuqués lorsqu’ils se réveillent.

Les moyens de communication

Ü Quels moyens de communication avez-vous développés avec les personnes sédatées ?

Je suis beaucoup dans le parler. Il m’arrive de toucher le patient pour les soins. J’aurai peur de me perdre dans le toucher et d’en oublier la parole. J’apprécie leur parler, je passe beaucoup par la communication verbale.

Bénéfices de la communication

Ü Pouvez-vous m’expliquer les signes cliniques que vous avez pu remarquer et qui montrent l’importance de communication ?

On ne sait pas si c’est notre interprétation ou non mais certaines fois on voit des changements dans la fréquence cardiaque et la tension. Quand ils sont contrariés on va pouvoir voir qu’ils augmentent en tension et en fréquence cardiaque. On dirait vraiment que la façon dont on est avec eux ressort sur le plan clinique, comme s’ils ressentaient tout ce qu’il y a autour d’eux.

Il m’est déjà arrivé que des familles viennent et que les scopes qui ne sonnent pas d’habitude se mettent à sonner car la famille rentre dans la chambre. Dans ce cas, j’augmente l’intervalle de mes alarmes et je dis à la famille peut être qu’il sent que vous êtes là. Je ne peux pas m’avancer mais je pense que ça peut être une réaction à votre présence.

C’est vrai qu’on ne peut pas avérer mais on a des signes en général.

Ü Pensez-vous que le maintien d’une communication avec une personne sédatée permet un meilleur vécu de l’hospitalisation ?

C’est compliqué à dire. Le problème c’est que puisqu’on est beaucoup de soignants à tourner dans le service je ne sais pas comment sont mes autres collègues dans la communication.

Je pense que ça joue forcément un peu car on a l’impression qu’ils réagissent cliniquement donc je pense que ça joue sur leur façon d’être au réveil.

Je dirais que oui mais sans pouvoir l’affirmer.

Les soignants

Ü Pour vous, que peut apporter la communication au soignant ?

Pour moi, ça nous permet de ne pas déshumaniser les soins, rester dans des soins humains.

Ne pas être seulement dans la technicité des soins. Ne pas simplement se dire dans la chambre 24 cette nuit j’ai ça à faire. C’est vraiment considérer la personne, s’intéresser à

comment est la personne (son métier, sa famille). Pour moi, c’est vraiment humaniser la personne et rester dans un partage même si le patient n’est pas apte à donner en retour.

Personnellement, j’en ai besoin. Je ne pourrais pas ne pas parler avec les patients. C’est la base d’une relation de soin, d’une relation de confiance et pour moi une relation c’est forcément deux personnes. Ce n’est pas moi et quelqu’un qui dort mais moi et quelqu’un qui se fait soigner.

J’ai besoin de me dire que c’est quelqu’un avec qui je peux communiquer. Je me laisse le bénéfice du doute s’il m’entend. Je ne pourrais pas ne rien dire, rentrer dans la chambre et faire mon soin.

Ü Quelles sont vos impressions lorsque vous parlez à une personne non communicante ? Au début, c’est vrai que j’ai trouvé ça bizarre. Tu te dis les gens passent devant ta chambre, le patient est endormi et toi tu lui parles. Au début, ça fait bizarre de ne pas avoir de retour mais à force tu ne t’attends pas à un retour. Tu donnes juste et tu as l’impression de faire du bien donc ça te fait du bien en retour.

Je me dis que si j’étais à sa place j’aimerais bien qu’on fasse ça pour moi.

Cependant, dans certains moments, on a plus tendance à parler entre les soignants. Lors de la toilette par exemple. Lorsqu’ils sont endormis c’est un peu le piège, on oublie. J’ai remarqué que lorsqu’on fait la toilette on va se parler avec l’aide-soignante même si on continue de prévenir le patient des soins qu’on est en train de faire, on parle quand même de nos vies en général. Mais lors des petits soins (soins de bouche, soins de nez…) on va s’adresser au patient.

Des fois ça te traverse l’esprit de te dire « le pauvre» mais tu te dis aussi il dort. Je me dis que parfois, même quand on est avec des patients conscients, avec des personnes âgées par exemple, il arrive de parler de sa vie privée avec sa collègue.

Ü Pensez-vous avoir été suffisamment sensibilisée sur la communication avec les personnes sédatées ? Sur la conscience lors du coma ?

Pas à l’IFSI mais lors de mon stage en réanimation oui. Je leur avais dit que j’adorais parler avec mes patients et que ça allait être très compliqué pour moi d’avoir des gens qui dorment.

Finalement j’ai eu des tuteurs géniaux qui m’ont dit qu’il y a toujours une chance pour qu’ils

Autant je trouve qu’à l’IFSI on est pas du tout sensibilisés sur ce sujet mais sur le terrain oui, beaucoup.

Ü En tant que jeune diplômée, pensez-vous que la technicité des soins en réanimation peut influencer la communication dans les soins ?

Je pense que non car je pense que parler avec le patient te rassure sur ta technicité. En tant que jeune diplômée tu as besoin d’être rassurée, d’avoir un climat qui te rassure et je ne pense pas que ce soit aidant d’être juste dans la technicité. Je trouve ça aidant de parler comme si c’était normal et que c’est même un soutien de communiquer.

Cependant lors d’un soin technique que ce soit avec une personne communicante ou non, je vais expliquer mon soin avant, parler avec mon patient mais lorsque je fais le geste je parle moins.

Je fais pareil avec un patient sédaté qu’avec un patient éveillé. Il est vrai qu’il y a quand même moins de conversation car le patient ne répond pas. Contrairement à un patient éveillé il ne peut pas lancer de sujet de conversation.

Pour moi, la communication c’est très important autant pour le patient que pour le soignant.

ANNEXE 6 : ENTRETIEN AVEC LA PSYCHOLOGUE DE