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Forger l’Homme nouveau dans l’État fasciste

A l’arrivée de Mussolini, peut virent l’incompatibilité fondamentale entre fascisme et catholicisme. Il est significatif que le mot « totalitaire » repris ensuite par Mussolini ait été inventé par les antifascistes notamment catholiques pour désigner les rapports entre l’Église et la société fasciste331. Pour autant, le soutien de l’Église au régime ne fut ni simple ni univoque. Si la sacralisation de la politique et le culte du chef de l’État furent rapidement visibles, les relations entre l’Église et l’État restèrent complexes et ambiguës332. C’est encore sur le terrain de l’édification morale des citoyens que se manifestent le plus nettement les connivences, les rivalités et les désaccords.

CONTROLER L’ENSEIGNEMENT

Une fois ministre de l’Instruction Publique sous Mussolini, Giovanni Gentile met en œuvre la réforme de 1923 qui structurera le système éducatif italien pour des décennies en introduisant notamment l’enseignement de la philosophie comme exercice de la liberté absolue de la raison, dont Gentile ne doutait pas qu’elle puisse expliquer les mythes et dogmes religieux et les désamorcer sans avoir besoin de les effacer ou de les écarter de la culture générale. Les marxistes y trouvèrent leur compte. L’école, contrairement aux visées libérales antérieures, devait participer activement à l’interpénétration entre l’État et la société souhaitée tant par le régime fasciste que par l’Église catholique, avec des arrière-pensées opposées, chacun pensant que son idéologie finirait par prendre le pas sur l’autre. Dans les deux cas, la pédagogie en tant que voie et contenu à transmettre, n’était pas censée être aussi neutre que possible, mais au contraire servir une idéologie. Il en allait de même des médias et des loisirs à contrôler autant que faire se peut en vue de l’édification de l’homme nouveau de la société fasciste.

330 Voir R. DE FELICE, Le Fascisme, un totalitarisme à l’italienne ?, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1988, ou les nombreux travaux de Jean-Dominique Durand (par exemple in J.-D. DURAND, « L’Italie », dans J.-M. Mayeur, Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome XII. Guerres mondiales et totalitarismes (1914-1958), Paris, Desclée : Fayard, 1990, p. 347-402).

331 E. GENTILE, Pour ou contre César ? : les religions chrétiennes face aux totalitarismes, Paris, Aubier-Flammarion, 2013.

CONTROLER LE CINEMA

La légère ouverture dont avait bénéficié le cinéma autour de 1920 prend donc fin avec l’arrivée de Mussolini. A la concurrence américaine, allemande et suédoise, à l’exténuation des formes narratives qui pèsent sur le cinéma italien et le poussent vers un certain déclin, Mussolini ajoute un climat d’oppression qui se durcit encore après 1930. La répression se dote d’instruments juridiques efficaces. Le principe de la protection des mineurs est posé dès la création de l’Œuvre Nationale pour la Protection de la Maternité et de l’Enfance333 en 1925. La même année un premier film est interdit aux mineurs de moins de 15 ans. Par la suite, l’âge varie (moins de 16 ans, puis depuis 1962 moins de 18 ans, et moins de 14 ans) mais le principe reste.

Aucune censure n’est là pour nuire.[…] Que de vérités sans pudeur valent encore moins que certaines pudeurs sans vérité ! Mes amis, contre les dangers du libre-arbitre d’un seul, que vivent pour toujours les tracas de toutes les censures ! 334

En 1934, la compétence de révisons des films est transférée au Ministère de la Presse et de la Propagande puis en 1937 au Ministère de la Culture Populaire. A titre d’exemple, si Chaplin est déjà trop populaire pour être chassé des écrans, Mussolini lui-même censure la scène des Temps modernes (1936) où Charlot prisonnier se nourrit par erreur de cocaïne. La

Grande Illusion est censurée en 1937 pour « esprit de renoncement et antimilitarisme ». Le quai des brumes (1938) est censuré parce que trop passionné même s’il est reconnu comme un chef

d’œuvre par Luigi Freddi lui-même alors à la tête de la Direction Générale de la Cinématographie, l’organisme fasciste de contrôle du cinéma. Freddi encourageait en effet un cinéma de type américain, imitant le modèle commercial hollywoodien au détriment du modèle soviétique de propagande335.

Si la mise sous tutelle du cinéma par un organisme d’État est bien réelle, elle ne vise pas pour autant à la production ou la diffusion d’un véritable cinéma de propagande. Luigi Freddi s’en est toujours méfié : la priorité est pour lui de satisfaire la demande du public, et il se montre plus sensible au cinéma hollywoodien qu’allemand ou russe dont il copie la structure étatique. Le cinéma hollywoodien en effet est un cinéma divertissant ou d’évasion, il répond aux critères du « bon goût » et de l’ordre moral, et se montre plus efficace à endormir l’esprit critique du public qu’un matraquage grossier de films exaltant les valeurs ou les exploits

333 Opera Nazionale per la Protezione della Maternità e dell’Infanzia.

334 « nessuna censura viene per nuocere […].Quante verità senza pudore valgono ancora meno di certi pudori senza verità ! Amici miei, contro i pericoli di un solo arbitrio, vivano per sempre i fastidi di tutte le censure ! » Luigi Freddi, il cinema, p. 152-154, cité par J.A. GILI, L’Italie de Mussolini et son cinéma, Paris, H. Veyrier, 1985, p. 71.

335 En 1932, il est commissaire de l’Exposition de la révolution fasciste à l’occasion de l’anniversaire des dix ans de l’arrivée de Mussolini au pouvoir. En 1935, il crée Cinecittà dont il assume la direction, puis le Centre Expérimental de la Cinématographie et la revue Bianco e Nero.

militaires fascistes. Le rapport sur le cinéma présenté en juin 1941 par Alessandro Pavolini, ministre de la Culture Populaire est éloquent :

Nous ne pouvons que tendre nos ambitions les plus chères vers un cinéma qui soit le miroir de la société actuelle de la vie italienne présente. Un cinéma réaliste ? Certes, mais sans l’équivoque que le réalisme doive par force réfléchir les aspects inférieurs d’une société. La société que le cinéma italien est appelé à exprimer ne ressemble évidemment pas à celle qui fut décrite par le cinéma français d’hier et qui étalait une délinquance en augmentation, une progression de l’alcoolisme, une dénatalité croissante La nôtre au contraire est une société dans laquelle la dénatalité a été stoppée, la délinquance est en diminution progressive et rapide, dans laquelle les valeurs éthiques sont tenues fermes non seulement par l’État mais aussi dans la vie de la famille et de l’individu. Voulons-nous alors un cinéma dans lequel tout soit rose, dans lequel tous ont dix en conduite, dans lequel le drame n’explose pas parce que le bien ne trouve jamais son antagoniste ? Certainement pas ! La censure italienne a donné ces derniers temps la preuve d’être immunisée, dans ce domaine, contre des points de vue trop étroits. Cependant, notre exigence fondamentale demeure que la vie italienne soit réfléchie, oui même dans son mal partiel, mais surtout dans son bien collectif de beaucoup le plus important336.

Le souci du substitut du procureur di Gennaro au procès de La Ricotta de ne pas heurter la sensibilité des spectateurs pourrait bien s’inscrire dans cet héritage. Même si les autorités s’en défendent, l’absence d’engagement politique des films correspondait donc à une intention bien précise, celle de nier les problèmes de la société, ce que Mario Gromo résume a posteriori non sans humour :

Le délinquant est éliminé de l’écran parce que dans l’Italie fasciste, la délinquance n’existe pas ; toute pauvreté est éliminée parce que dans l’Italie fasciste, la misère n’existe pas ; la satire est éliminée parce qu’il n’y a rien à critiquer ; mécontents et rebelles sont éliminés parce qu’il n’y a ni mécontents ni rebelles dans l’Italie fasciste.337

D’où l’aversion de Pasolini pour les apolitiques338. L’Église ne s’oppose ni à cette visée, ni aux moyens de contrôle mis en place par l’État fasciste. L’Encyclique Vigilanti Cura de Pie XI à l’épiscopat américain le 29 juin 1936, présente le cinéma comme « instrument d’éducation et d’élévation de l’humanité » et commente : « le gouvernement, soucieux de l’influence du cinéma, a créé des commissions de censure composées de personnes honnêtes et probes, spécialement de pères et de mères de famille. »

Le cinéma des années trente concourt à la consolidation du régime : la production éloigne l’opinion publique des problèmes du moment. Ainsi le premier film parlant italien, la

chanson de l’amour (1930), de Gennaro Righelli est certes une adaptation de la nouvelle de

336 Cité par J. GILI, « Aspects de l’idéologie dominante dans le cinéma italien de l’époque fasciste », Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes, vol. 90, no 1, 1978, p. 291-312 (p. 298).

337 J.A. GILI, L’Italie de Mussolini et son cinéma, op. cit., p. 71.

Pirandello En silence mais cette adaptation est telle que les problèmes de l’époque si finement analysés par Pirandello sont gommés, ignorés, et que le film répond bien plus à un désir d’évasion que de compréhension de la réalité. Les « téléphones blancs », mixture comico-sentimentale avec des jeunes filles gracieuses et étourdies en veste de sport prospèrent, ainsi que les pastiches de comédies hongroises, et les imitations de la Warner339. Les années 1926 à 1932 voient les conversions de nombreux écrivains au cinéma. Les premières traduction de Poudovkine, Eisenstein, Balazs, Arnheim sont disponibles, et nombre de cinéastes s’approprient les inventions formelles du premier cinéma soviétique comme technique pure, en prenant grand soin de la détacher de son contexte. Le premier film fasciste, Sole (1929) d’Alessandro Blasetti se réclame ainsi formellement du cinéma soviétique, mais constitue bien une œuvre de propagande qui célèbre la politique agricole du régime, et logiquement le film reçoit un accueil très favorable de Mussolini et son auteur le soutien des autorités. De nombreux autres cinéastes lui emboîteront le pas. La force de la propagande par le cinéma est jugée si grande que le développement d’un cinéma italien paraît absolument nécessaire et Mussolini fera en sorte de le développer.

L’Italie nouvelle pourra apporter sa parole typique dans cette conquête ; et aux thèmes habituels de la production étrangère, auxquels on doit le dévoiement des consciences individuelles par la dégradation de la sainteté du noyau familial elle pourra opposer la lumière de notre conscience nationale rénovée, faite de jeunesse, de force sereine, de foi dans la Patrie : c’est-à-dire « l’Italien nouveau ».340

Ainsi s’exprime en 1931 Alessandro Sardi, un des dirigeants du LUCE, devant la chambre des députés dans un discours intitulé « pour une politique cinématographique »341. Et comme Luigi Freddi, il est d’avis qu’une propagande est « vraiment efficace parce qu’elle est bien dissimulée dans des tableaux d’un art et d’une humanité puissamment suggestifs ». La propagande doit être insidieuse, ne pas se déclarer comme telle. D’où l’habitude de Di Gennaro, féru de cinéma et le premier à faire entrer une table de montage dans une salle d’audience, de débusquer l’idéologie derrière la beauté de la forme. En 1935, la campagne d’Éthiopie provoque un contrôle massif et direct sur le cinéma. La Direction Générale de la Cinématographie se doit de « surveiller et guider toutes les activités du film italien342 ». En 1936 Alberto Consiglio écrit, dans un ouvrage consacré aux rapports entre le cinéma et l’État :

L’État imposera que ne soit projeté aucun film qui ne s’inspire pas de la vie moderne telle qu’elle a été modelée par la Révolution, et qui n’ait pas une valeur éthique précise.

339 cf. Guido Aristarco, « Le cinéma italien pendant le régime fasciste », in J.A. GILI (éd.), Fascisme et résistance dans le cinéma italien, op. cit., p. 19-36.

340 Cité par J.A. GILI, L’Italie de Mussolini et son cinéma, op. cit., p. 93.

341 Id., p. 92.

Les grandes masses ne veulent pas rire, mais s’émouvoir par le triomphe du travail et de la vertu.343

Le rire, symptomatiquement, est proscrit.

En 1937 est créée Cinecittà. En Automne 1940, l’armée italienne tombe de son piédestal et le cinéma contribue à l’effondrement du prestige du régime et de son chef : de nombreux cinéastes refusent la collaboration avec le régime et préfèrent se livrer à des exercices de style et un formalisme même creux, plutôt que de tomber dans le décoratif.

Le fascisme s’appuie sur les classes moyennes, et reprend pour une large part les comportements des petits-bourgeois parvenus. Le cinéma reflète donc leur vision de la société : sens de la hiérarchie, négation de la lutte des classes, harmonie et paix sociale confinant à l’immobilisme, vision négative de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie, marginalisation du prolétariat industriel, occultation du sous-prolétariat, exaltation idyllique du ruralisme, attachement aux valeurs nationales344.Le régime dominant accepte de bon gré tout ce que lui offre la bourgeoisie : ses rêves secrets, ses bonnes intentions, ses idéologies, ses illusions, sa bonne foi, ses élans généreux, ses passions sincères. La Couronne de fer d’Alessandro Blasetti (1941) en offre l’emblème sinon la caricature.

L’exaltation du nationalisme sous Mussolini était telle que toute ouverture au monde extérieur à l’Italie, toute traduction, tout réalisme sans travestissement ni euphémisme étaient perçu comme subversifs en soi. Pasolini quant à lui manifeste très tôt un grand intérêt pour les langues et les littératures européennes. Dès le lycée, il lit Rimbaud, puis Dostoïevski, Shakespeare et Freud et, à l’Université, il préférera les cours de littérature allemande, anglaise, espagnole et française à des cours plus traditionnels et plus prestigieux comme ceux de littérature grecque assurés par le fasciste Goffredo Coppola345.

Jean Antoine Gili relève enfin que la Renaissance est une des périodes les plus fréquemment portées à l’écran pendant la période fasciste, et avance deux raisons. D’une part la tentative d’exaltation de la romanité ayant échoué, la Renaissance constitue une seconde période glorieuse de l’histoire italienne : richesse et puissance politique, rayonnement intellectuel et suprématie artistique dans toute l’Europe. D’autre part, elle est suffisamment éloignée dans le temps pour ne pas réveiller les conflits à peine éteints et compromettre une unité italienne fragile.346

343 Alberto Consiglio, cinema arte e linguaggio, Milan, Ulrico Hoepli, 1936, cité par J.A. GILI, L’Italie de Mussolini et son cinéma, op. cit.

344 Id., p. 77.

345 F. VIGHI, Le ragioni dell’altro : la formazione intellettuale di Pasolini tra saggistica, letteratura e cinema, Ravenna, Longo, 2001, vol. 5.

Le positionnement ambigu de l’Église catholique

En 1935 paraît Le monothéisme comme problème politique d’Erik Peterson. La thèse finale est presque devenue un lieu commun :

La doctrine de la monarchie divine devait se briser sur le dogme trinitaire, et l’interprétation de la Pax Augustana (comme accomplissement des prophéties vétérotestamentaires) sur l’eschatologie chrétienne. De ce fait, le monothéisme n’est pas seulement théologiquement liquidé comme problème politique et la foi chrétienne libérée des chaînes qui l’attachaient à l’Imperium Romanorum, mais encore une rupture de principe est consommée avec toute « théologie politique » qui abuse de la proclamation chrétienne pour légitimer une situation politique347.

Mais douze ans plus tôt, lorsque Pie XI est élu pape et que Mussolini arrive au pouvoir, c’est comme « sociétés parfaites » que l’Église catholique et l’État fasciste entrent en concurrence, tant au plan politique que dans leurs prétentions à contrôler un corps social dont l’autonomie est inimaginable. A la sacralisation du pouvoir fasciste et au culte de la personnalité de Mussolini, Pie XI répond en 1925 par l’instauration de la fête du Christ-Roi.

DANS UN PREMIER TEMPS, UNE CONVERGENCE D’INTERET

Soucieuse de préserver ses intérêts, l’Église de Pie XI désavouera explicitement les principes du racisme et du totalitarisme, mais ne formulera jamais de condamnation intégrale du régime fasciste comme elle l’avait fait sans hésitation contre le communisme soviétique, ennemi absolu face auquel Hitler semblera un moindre mal et même un rempart efficace. Elle partage en effet avec les fascistes une haine aveugle de la modernité, et lit notamment dans la montée de la liberté de conscience et de la sécularisation le signe de l’emprise croissante de Satan. Pie XI veut donc ramener l’État moderne au Christ et à la paix, en réaffirmant le primat du Christ sur César.

Parce qu’elle seule forme de manière sûre et parfaite les consciences, grâce à des enseignements et des aides que Jésus-Christ n'a confiés qu’à elle, non seulement l'Église peut donner à la paix actuelle tout ce qui lui manque pour être la vraie paix du Christ, mais elle peut aussi, mieux que tout autre facteur, contribuer à assurer cette paix pour l'avenir, en écartant le danger d'autres guerres. En effet, l'Église nous apprend (et elle seule tient son mandat de Dieu, et avec ce mandat elle seule a le droit et l'autorité de nous apprendre cela) que non seulement les actes humains, privés et personnels, mais aussi les actes publics et collectifs doivent se conformer à la loi éternelle de Dieu : les seconds davantage encore que les premiers, car c'est sur eux que retombent les responsabilités les plus graves et les plus terribles.

C'est pourquoi, lorsque les actes collectifs des gouvernements et des peuples se modèleront, autant dans la politique intérieure que dans les relations internationales, sur

347 C. THEOBALD, Le christianisme comme style : une manière de faire de la théologie en postmodernité, Paris, Les Éd. du Cerf, 2008, 2 vol. p. 736

ces règles de conscience que les enseignements, les préceptes et les exemples de Jésus-Christ proposent et imposent à tout homme ; alors seulement peuples et gouvernements pourront se fier les uns aux autres et avoir également confiance dans la résolution pacifique des difficultés et des controverses qui peuvent surgir à cause des divergences d'opinions et des conflits d'intérêts348.

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Pie XI juge que le Duce vaut mieux que l’anarchie qui guette l’Italie. Il l’aurait déclaré en 1923 à l’ambassadeur belge.

« Mussolini n’est pas un Napoléon ni même un Cavour, mais il a été le seul à comprendre exactement ce dont son pays avait besoin pour se débarrasser de l’anarchie à laquelle l’avaient réduit un parlementarisme impuissant et trois années de guerre. Vous voyez qu’il a entraîné la nation avec lui. Puisse-t-il régénérer l’Italie ! »349

Mussolini qui se dit athée, antichrétien et anticatholique, et s’est même engagé au Parti Socialiste Italien jusqu’en 1914, n’hésite pas, après son revirement en 1919, à utiliser l’Église contre ses nouveaux adversaires. En 1922, il joue clairement l’Église de Pie XI aveuglée par sa haine et sa peur du communisme, contre le Parti Populaire et contre Luigi Sturzo. Le pape voit en effet dans la lutte des classes une guerre des valeurs incompatible avec le christianisme, et lorsque le communisme gagne du terrain au Mexique et dans toute l’Amérique latine, sa méfiance augmente, la lutte contre le communisme s’intensifie et devient sa priorité absolue. Le Vatican se fait alors l’allié objectif de Mussolini.

Le Saint-Siège accueillit avec bienveillance le nouveau gouvernement présidé par le Duce du fascisme. (…) Quant au pape, à la question que lui posa le père Agostino Gemelli, fondateur et recteur de l'Université catholique de Milan, pour savoir quelle attitude adopter envers le nouveau gouvernement, Pie XI répondit : “Des éloges, non. Une opposition ouverte ne convient pas non plus, car les intérêts en jeu sont nombreux. Soyez vigilant !”350

Le Concordat de 1929 renforce et manifeste la convergence d’intérêts et d’intention entre l’Église Catholique et le régime fasciste. L’échange de prestige est réel : l’Église en ressort renforcée, et Mussolini se construit une image honorable auprès de la Société Des Nations. Mais les Pactes du Latran, très favorables à l’Église, ne font pas l’unanimité. Certains