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de trois approches de gestion participative des forêts

3.3.3. Les forêts communales au Cameroun Les forêts communales au Cameroun

3.3.3. Les forêts communales au CamerounLes forêts communales au Cameroun

La loi forestière camerounaise de 1994 (république du Cameroun, 1994) a engendré de profondes réformes dans la gestion forestière en formalisant officiellement des prin-cipes de participation des populations locales. en s’appuyant sur les travaux du Projet d’aménagement pilote intégré de Dimako (API-DIMAKO ; Durrieu de Madron et al., 1998c), l’état camerounais a ainsi institutionnalisé le principe des forêts communales (FC). selon l’article 30 de la loi forestière principale camerounaise, est considérée comme FC, « toute forêt faisant l’objet d’un acte de classement pour le compte de la commune concernée ou plantée par la commune ».

Les FC représentent un type nouveau de gestion d’espace forestier, intermédiaire qui pourrait se situer entre un modèle de foresterie communautaire et une exploitation conventionnelle publique ou concédée sous forme de concession (Poissonnet et Lescuyer, 2005) : d’une part, elles partagent avec les modèles concessionnaires l’objectif d’exploitation commerciale reposant sur la réalisation d’un aménagement technique et sophistiqué, d’autre part, à l’image des modes de gestion participative, elles doivent intégrer les divers intérêts des populations locales concernées (i.e. les citoyens de la commune rurale).

16 FC ont été initialement prévues dans le plan de zonage de 1995 (FAO, 2008), mais on en compte seulement 7 aujourd’hui sur le territoire camerounais, chacune d’entre elles ayant fait l’objet d’un classement par décret ministériel (PFBC, 2011). Les FC sont généralement de taille réduite (de 10 000 à 20 000 ha) en comparaison des standards nationaux d’exploitation des forêts (généralement de 50 000 ha à plus de 100 000 ha ;

cf. Nguenang et al., 2007). Les FC appartiennent au domaine permanent de l’état[[6677]]

et sont donc, au même titre que les uFA, soumises à des plans d’aménagement juridiquement stricts et rigoureux. toutefois, à la différence des uFA , souvent laissées en concession à un exploitant privé, les FC deviennent la propriété foncière exclusive des communes et leur sont cédées définitivement, sans bail ni période de concession (république du Cameroun, 1994). Les décisions de gestion et l’utilisation des ressources forestières (ligneuses et PFNL) incombent entièrement au conseil communal (ou municipal) chargé de représenter l’ensemble des citoyens d’une commune donnée, et qui, de fait, se doit de rendre des comptes directement aux populations concernées. Les FC permettent d’intégrer les populations locales selon trois modes participatifs (Poissonnet et Lescuyer, ibid.) :

[

une réunion d’information avant la classification d’un domaine en FC ;

la prise en compte des usages et des besoins des populations locales dans la

consti-tution du plan d’aménagement ;

• la création d’un comité de consultation représenté par des citoyens et qui scelle

le transfert de pouvoir de l’état vers les communautés.

Les expériences de FC sont très récentes et relativement nombreuses dans les PeD, et certains pays ont d’ores et déjà adopté des dispositions juridiques pour les encadrer (Ghana, Laos, Philippines, sénégal, Vietnam, etc.) tandis que d’autres sont encore au stade de l’expérimentation à l’échelle de l’initiative et du projet local (Bénin, Cambodge, Inde, etc.).

La dimension participative a subi des mutations profondes depuis l’émergence du paradigme de GDF, entrainant des modifications des schémas de pensée sur les modalités de gestion des ressources renouvelables. Cependant, pour certains, et malgré les annonces politiques, la reconnaissance de la participation dans le monde forestier n’est pas parvenue à s’imposer comme un « cadre de gestion » à part entière. elle serait plutôt abordée comme un outil susceptible de fournir une réponse au volet social du développement durable (Kouplevatskaya, 2007). Les formes de gestion décentralisée traduiraient en cela et avant tout, une volonté d’internaliser le pilier social dans la logique d’exploitation des ressources. Les dispositifs participatifs de gestions forestières (gestions communautaire, conjointe ou communale) se déve-loppent néanmoins encore dans une multitude de situations où les enjeux de pouvoir demeurent souvent très asymétriques entre les administrations en charge de la gestion forestière et les communautés locales, qui sont finalement laissées pour compte, et ce, tout en donnant l’illusion de constituer un modèle où la représentation de tous les intérêts est équivalente (Oyono, 2004 ; Leroy, 2008).

Au terme de cette troisième partie, on remarque que la GDF, apparue officiellement il y a 20 ans, renvoie aujourd’hui à une réelle diversité de pratiques. L’opérationnalisation du concept se traduit néanmoins par un nombre relativement restreint de grands dispositifs de gestion qui reposent sur des cadres théoriques et des formats idéolo-giques propres aux acteurs qui les mobilisent : améliorer l’exploitation forestière, valoriser le stockage du carbone et accroître l’implication des populations locales constituent ainsi les principales réponses opérationnelles du secteur forestier aux enjeux du développement durable. Avant de poursuivre notre analyse en nous penchant plus spécifiquement sur la manière dont la GDF a permis, ou pas, de prendre en charge les enjeux environnementaux forestiers, il parait pertinent de souligner ici deux points qui nous semblent essentiels.

tout d’abord, derrière une apparente polysémie du concept de GDF, les dispositifs de gestion partagent des similitudes quant à l’évolution du mode de gouvernance général qui les caractérise. Ils défendent ainsi, pour bon nombre d’entre eux, une logique de régulation qui repose sur le marché et la contractualisation entre les parties prenantes. Le rôle d’appui technique de l’état a progressivement diminué pour se concentrer sur l’encadrement juridique nécessaire à la mise en œuvre des dispositifs promus. La gestion en tant que telle est aujourd’hui portée principalement par des opérateurs privés ou des partenariats publics-privés. Ces doctrines, typiques du processus de normalisation du développement durable (Leroy, 2010) favorise la fragmentation des projets et leur mise en œuvre autour d’une multitude d’instances de régulation, valorisant les initiatives volontaires plutôt que les règles contraignantes ou interventionnistes. Cette normalisation s’opère par la mise en place de référentiels, eux-mêmes en lutte pour s’instaurer en tant que « standard », les sociétés interna-tionales d’audit étant notamment des acteurs très actifs de cette dynamique de normalisation (Leroy et Lauriol, 2011). Le schéma de certification forestière et la définition de PC&I en est l’exemple le plus concret (Mione et al., 2009).

Par ailleurs, bien que présentés supra de manière séparée, on s’aperçoit, dans la majorité des contextes, que ces différents types de dispositifs de gestion sont amenés à s’hybrider. Les différents acteurs utilisent en effet l’un ou/et l’autre des dispositifs et se positionnent relativement différemment sur l’échiquier du monde forestier en fonction des enjeux du développement durable (économique, social, environnemental) qu’ils cherchent et contribuent à prendre en charge. Le schéma 2 propose une projection

stratégique du jeu d’acteurs qui en découle[[6688]]. Bien qu’incomplète, elle permet de

souligner que les dispositifs de gestion ne sont pas neutres et que les choix effectués sont source de débats controversés sur les meilleures solutions à promouvoir en fonction des contextes et des objectifs visés.

[

[6688]] Nous avons évalué, pour un certain nombre d’acteurs de la gestion des forêts à l’échelle internationale, la pro- pension à utiliser l’un ou l’autre des dispositifs de gestion. Cette évaluation est basée sur des critères qualitatifs qui permettent d’estimer le poids de chaque dispositif dans la production bibliographique, en particulier la littérature grise et les discours de chacun des acteurs interviewés. (Voir la liste des sigles en annexes pour les acronymes.)

Il est essentiel de souligner que les dispositifs identifiés présentent, certes, des polarités spécifiques (amélioration de l’exploitation forestière, valorisation du stockage du carbone, accroissement de la participation des populations), mais ils restent fonda-mentalement centrés sur le développement du secteur forestier selon une logique d’internalisation des externalités environnementales et sociales dont l’objectif reste avant tout économique. Que peut-on en conclure d’un point de vue environnemental ? Dans quelle mesure l’instauration du paradigme de GDF a-t-il permis de répondre aux enjeux environnementaux forestiers tropicaux? C’est à ces questions nous nous intéressons dans la prochaine et dernière partie de cet ouvrage.