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Les lobes frontaux jouent un rôle critique dans les comportements humains les plus complexes. La spécialisation de chaque région frontale a été étudiée et reconnue, au cours des années, grâce aux observations effectuées suite à la survenue de lésions cérébrales touchant la convexité préfrontale, les cortex orbitofrontal et frontal médian. Toutefois, des changements comportementaux similaires ont été observés chez des patients présentant des lésions dans d’autres régions cérébrales. Cummings (1993), dans son article de synthèse, a souligné l’importance des circuits fronto-sous-corticaux dans la perturbation d’un grand nombre de comportements humains (modifications des FE, de la personnalité et de l’humeur). Afin de mieux comprendre les troubles observés au niveau comportemental, cet auteur a décrit les résultats obtenus chez des patients atteints de pathologies dégénératives et chez des sujets ayant des lésions frontales focales, ou liées à des structures sous-corticales (hippocampe, cervelet, amygdale, ganglions de la base).

Les travaux de recherche réalisés (Alexander, Crutcher, & DeLong, 1990) suggèrent l’existence de 5 circuits parallèles séparés qui lieraient les lobes frontaux et les structures sous-corticales, aussi appelés boucles cortico-striato-pallido-thalamiques frontales (Alexander, DeLong, & Strick, 1986). Ces circuits neuronaux sont constitués d’un circuit moteur (impliquant l’AMS, le cortex prémoteur et le cortex moteur), d’un circuit oculomo-teur (impliquant les champs oculaires frontaux, BA 8, les cortex préfrontal et postérieur pariétal) et de 3 circuits ayant leur origine dans le cortex préfrontal (dorsolatéral, latéral orbitaire, cingulaire antérieur). Chacun de ces circuits naît dans les lobes frontaux, se projette dans les structures striatales (noyau caudé, putamen et striatum ventral) et présente des connexions qui vont du striatum au globus pallidus et à la substantia nigra. Ces 2 dernières structures se projettent dans le thalamus qui présente, quant à lui, des

différentes fonctions cognitives (Cummings, 1993 ; Tekin & Cummings, 2002).

Ainsi, (A) la surface latérale, qui correspond dans sa plus grande partie au cortex dorsolatéral, comprend le gyrus précentral qui contrôle la réalisation des mouvements volontaires et le gyrus frontal supérieur, souvent activé lors des tâches cognitives. Dans cette région latérale se situent aussi le gyrus frontal inférieur avec, à gauche, l’aire de Broca et le gyrus frontal moyen qui est impliqué dans plusieurs fonctions cognitives de la résolution des problèmes (Manning, 2007). Le circuit préfrontal dorsolatéral semble également être impliqué dans les FE, habiletés de haut niveau permettant d’atteindre des buts précis (Stuss, 2011 ; Stuss & Knight, 2002 ; ces concepts seront développés dans la section 1.3.1, p. 15).

(B) La surface médiane intègre la partie antérieure du système limbique, à savoir le gyrus cingulaire antérieur avec ses nombreuses connexions anatomiques avec les cortex préfrontal et temporal, ainsi que les afférences des parties ventrales du mésencéphale (une région du tronc cérébral). Le gyrus cingulaire antérieur est associé à des fonctions psychologiques « générales », comme l’attention ou la motivation, mais aussi à des fonctions plus ciblées, comme l’initiation de la réponse verbale et la suppression d’une réponse verbale. Le gyrus cingulaire antérieur est probablement impliqué dans des fonctions cognitives qui nécessitent un traitement émotionnel de l’information, comme le démontre l’état d’apathie (trouble de l’humeur) après lésion de cette région (Cummings, 1993). Par ailleurs, la surface médiane est impliquée dans la résolution de tâches cognitives telles que lafluence verbale (Stuss et al., 1998). Enfin, cette surface comprend l’AMS, qui pourrait jouer un rôle dans la représentation subjective du temps, la sélection interne des réponses et des mouvements (Manning, 2007).

(C) La surface ventrale, quant à elle, comprend le gyrus rectus, qui pourrait être associé à certains aspects de la récupération de souvenirs autobiographiques et le cortex orbitofrontal, impliqué dans des fonctions complexes comme la PD et l’intégration du contenu émotionnel à la trace mnésique. Le circuit orbitofrontal semble aussi être associé à l’inhibition, c’est-à-dire à la capacité qu’un individu a de bloquer des informations non pertinentes dans un contexte donné (Cummings, 1993).

Au cours des dernières décennies, plusieurs auteurs ont essayé d’interpréter les déficits observés chez des patients adultes, suite à des lésions cérébrales frontales, proposant des modèles utiles pour comprendre l’organisation fonctionnelle des lobes frontaux (Chan, Shum, Toulopoulou, & Chen, 2008 ; Seron, Van der Linden, & Andrès, 1999). Cependant, les premiers chercheurs se sont concentrés sur l’existence d’un système de contrôle unitaire (Baddeley, 1986 ; D. Norman & Shallice, 1986), comprenant un ensemble de processus

cog-nitifs et de compétences comportementales différents qui refléteraient un même mécanisme sous-jacent (Speth & Ivanoiu, 2007). Ensuite, cette vision unitaire a été mise en question par les auteurs de ces modèles et par d’autres (Stuss & Benson, 1986), en faveur d’un fractionnement du système de contrôle, ou de l’« administrateur central » selon le modèle de la mémoire de travail proposé par Baddeley (1996). De nombreux travaux (Damásio, 1995 ; Goldman-Rakic, 1992 ; Miyake et al., 2000) ont contribué à développer cette vision non unitaire du système frontal, à travers la description de processus spécifiques (e.g.,

flexibilité, inhibition, planification) qui sont encore aujourd’hui centraux (voir la section 1.3.1, p. 15).

Actuellement, la plupart des auteurs s’accordent à dire que l’ensemble des fonctions cognitives, comportementales et affectives sous-tendues par les lobes frontaux est à la base des représentations internes du monde environnant. Ces représentations permettent la comparaison entre les informations présentes et passées. C’est à partir de cette confronta-tion que le sujet est en mesure de sélecconfronta-tionner une réponse adaptée à un environnement toujours changeant (Manning, 2007). Les lobes frontaux exercent un contrôle sur les conduites instinctives ou stimulus-dépendantes. Ils sont le support de l’attention sélective, de l’organisation de la mémoire et des capacités de programmation (Cambier et al., 2008). Afin d’étudier ces différentes habiletés, il a été nécessaire de créer des épreuves neuro-psychologiques impliquant des processus cognitifs qui dépendent de l’intégrité de certaines régions cérébrales. La difficulté se trouve donc dans l’utilisation de méthodologies précises et d’outils sensibles aux perturbations que le fonctionnement cognitif peut subir au cours de la vie, que ce soit dans un cadre pathologique ou normal (voir les sections 1.4, p. 27 et 1.5, p. 32). D’où l’importance d’évaluer les capacités individuelles à travers des tests « écologiques », permettant d’avoir de bonnes prédictions des difficultés des sujets au

quotidien.