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1.3 Modèle neuroanatomique de Stuss (2008)

1.3.1 Fonctions exécutives cognitives

La convexité des lobes frontaux assure l’intégration des informations en provenance des régions postérieures et basales du cerveau et intervient dans la réalisation de tâches cognitives complexes. Les régions latérales du cortex préfrontal, comme nous l’avons déjà précisé, sous-tendent le contrôle exécutif (Yuan & Raz, 2014). À ce propos, Stuss et Alexander (2007) précisent que les résultats obtenus dans leurs études ne peuvent pas être interprétés sur la base de l’existence d’un système exécutif central unitaire, mais plutôt d’un fractionnement du système de contrôle attentionnel.

Les travaux de Godefroy, Cabaret, Petit-Chenal, Pruvo, et Rousseaux (1999), construits dans une logique théorique et méthodologique très proche, plaident aussi en faveur de la modularité des processus de contrôle attentionnel. En effet, la notion de système de contrôle unique a été contestée par plusieurs travaux issus de l’imagerie fonctionnelle, de l’enregistrement neuronal chez l’animal éveillé et de la pathologie humaine. Ces études montrent que« les opérations de contrôle cognitif dépendent certes de façon prédominante des régions frontales, mais que selon la nature de l’opération, ou la nature de l’information à manipuler, les secteurs des structures préfrontales impliquées diffèrent » (Godefroy, Jeannerod, Allain, & Le Gall, 2008).

Le concept de « contrôle exécutif » renvoie à celui de « fonctions exécutives » qui peuvent être définies comme l’ensemble des fonctions (mécanismes plus élémentaires) nécessaires au contrôle et à la réalisation de comportements dirigés vers un but (Gonneaud,

Eustache, & Desgranges, 2009). Même si la définition des FE n’est pas consensuelle, elles sont considérées comme des habiletés de haut niveau qui se déclinent en différentes sous-composantes : initiation de l’action, inhibition, division de l’attention, déduction de règles, maintien d’une règle correcte,flexibilité conceptuelle, génération d’informations, planification et résolution de problèmes, processus stratégiques en mémoire épisodique (Godefroy et al., 2008). Elles sont indispensables à une vie autonome et indépendante car elles permettent la création de plans d’action intégrant les besoins propres au sujet et les informations du monde extérieur (Jokic, Enot-Joyeux, & Thiec, 1997 ; Stuss, 2008 ; Stuss & Levine, 2002).

Selon Diamond (2013), les FE permettent aux individus de réfléchir avant d’agir (planification), de faire face à de nouveaux défis (flexibilité et adaptation), de résister aux tentations (inhibition et auto-contrôle), de focaliser l’attention (attention sélective et concentration) et de mettre en place des stratégies de mémoire de travail efficaces. Les capacités exécutives sont donc nécessaires pour atteindre des objectifs dans les AVQ, dans le milieu académique et/ou professionnel.

Les perturbations observées au niveau exécutif, suite à des lésions frontales latérales, concerneraient au moins 2 processus de nature attentionnelle (Stuss, 2011), qui sont interconnectés mais anatomiquement et fonctionnellement indépendants : lemaintien et lecontrôle (Stuss, 2006 ; Stuss et al., 2005 ; Stuss et al., 2002). C’est pour cela que nous traiterons ces processus cognitifs ainsi que d’autres (mémoire et flexibilité) séparément, par la suite.

Considérant le lien qui semble exister entre la sphère physique, sociale, émotionnelle et l’état cognitif des sujets, la présence de stress, de troubles du sommeil, d’un sentiment de solitude ainsi que l’absence d’exercice physique et mental pourrait impacter le fonc-tionnement exécutif individuel (Diamond, 2013). Un autre facteur clé est le temps que les individus ont à disposition pour réaliser une tâche donnée. En effet, avoir plus de temps à disposition permettrait, déjà pendant l’enfance, d’effectuer moins d’erreurs dans des tâches nouvelles et/ou complexes impliquant des processus exécutifs (Diamond, Kirkham, & Amso, 2002).

Maintien et contrôle

Le processus de maintienpermet d’établir une relation stimulus-réponse et de faire une sélection des réponses possibles (capacité à former un schéma de réponse stable par ajustement du gestionnaire des priorités). Le contrôle permet de vérifier la qualité des réponses pendant la réalisation de la tâche (à travers une discrimination cible/distracteur)

et d’ajuster le comportement sur la base de cette analyse. Il s’agit de processus de contrôle de l’activité qui entrent en jeu dans toutes les tâches cognitives non automatiques et non routinières.

Dans le modèle d’organisation du fonctionnement cérébral proposé par Stuss et Ander-son (2004), la fonction principale des processus attentionnels, sous-tendus par les régions frontales latérales, est d’intégrer les informations issues des systèmes sensoriels postérieurs, afin d’organiser des réponses dirigées vers un but. Intégration qui est indispensable pour faire émerger une conscience cohérente et réaliste du monde environnant.

Mémoire de travail

Différentes régions frontales sous-tendraient les processus impliqués dans les tâches mnésiques classiques. Plus précisément, le cortex préfrontal ventrolatéral s’activerait lors d’une tâche qui demande le maintien en mémoire d’informations peu complexes (Diamond, 2013). Le système préfronto-pariétal supporterait les capacités de mémoire de travail lorsqu’il faut focaliser sa propre attention sur l’information maintenue en mémoire pendant quelques secondes, tout en inhibant les stimuli considérés comme non pertinents pour l’activité en cours (Nobre & Stokes, 2011). En revanche, le lobe temporal médian serait impliqué dans la récupération des informations, avec un rôle particulier de la région hippocampique (Ritchey, Montchal, Yonelinas, & Ranganath, 2015).

Un processus exécutif fondamental serait donc la mémoire de travail, qui correspond à l’habileté qu’un individu a de maintenir une information active et disponible en mémoire pendant qu’il en traite une autre (e.g., mettre à jour des listes, faire des calculs mentaux, trouver la relation existantes entre 2 idées/choses). Ces habiletés sont à la base du raisonnement et permettent aux individus d’utiliser les connaissances acquises, donc stockées en mémoire, pour prendre des décisions et mettre en place des plans d’action (Diamond, 2013).

La mémoire de travail se différencie de la mémoire à court terme, qui permet, quant à elle, de maintenir une information en mémoire durant un bref laps de temps (e.g., retenir un numéro de téléphone durant sa composition ; Collette, Poncelet, & Majerus, 2003). Considérant que tout traitement cognitif nécessite la rétention temporaire d’un certain nombre d’informations, un bon fonctionnement du système mnésique est fondamental pour atteindre des objectifs au quotidien. Les stratégies de mémoire mises en place (e.g., association par catégories sémantiques ou par événements, méthode des lieux), lors de l’encodage et de la récupération des informations, peuvent également influencer les performances des individus lors d’évaluations neuropsychologiques, donc la réussite de

différentes activités communes.

Flexibilité

La flexibilité mentale fait aussi partie des FE (Miyake et al., 2000). Elle correspond à la capacité qu’un individu a de modifier sa propre perspective au niveau spatial (différentes directions) ou interpersonnel (différents points de vue) (Diamond, 2013). Changer de perspective implique les processus d’inhibition et de mémoire de travail, mais également le fait de pouvoir modifier sa propre façon de penser. Être flexible permet de prendre en considération tous les indices ou opportunités/avantages présents, donc d’adapter son propre comportement au contexte, surtout lorsque plusieurs interprétations sont possibles pour une même situation.

Un autre aspect fondamental de la flexibilité est la capacité d’alterner entre 2 ou plusieurs tâches, ou entre 2 plans mentaux (processus de flexibilité spécifiques), situation que nous vivons souvent au quotidien (e.g., travailler à l’ordinateur et répondre aux appels téléphoniques). Ici, « la notion de flexibilité renvoie à la capacité de déplacer rapidement et efficacement le foyer attentionnel entre différents aspects des stimuli à traiter ou entre des activités cognitives différentes » (Collette & Salmon, 2014).