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La première partie de ce chapitre a été consacrée à l’évaluation des capacités de lecture et du niveau cognitif frontal des participants de notre étude. Les résultats obtenus montrent que, malgré la différence observée entre les années de scolarité des SJ, SA et STA, il n’existe pas de différences significatives entre leurs capacités de lecture (QI prémorbide évalué au moyen du fNART). Cela lorsque la comparaison est effectuée entre les performances de 2 groupes à la fois. Les données recueillies ont, en revanche, permis de mettre en évidence des différences significatives entre le niveau cognitif global des participants âgés, mesuré au moyen du MMSE (SA > STA ; scores en moyenne supérieurs

à 26/30), et entre les performances des 3 groupes de participants à la batterie rapide évaluant leur efficience frontale, la BREF (SJ > SA > STA).

L’étude effectuée sur l’évolution des FE cognitives dans le vieillissement normal a mis en évidence une détérioration progressive de certains processus cognitifs (pour une synthèse voir le Tableau 5.2). Les habiletés qui subissent le plus de perturbation avec l’avancée en âge (SJ > SA > STA) semblent être celles impliquées dans le test de classement de cartes (flexibilité évaluée à travers le nombre de catégories correctes et d’erreurs effectuées dans

le MCST).

Les autres processus exécutifs évalués semblent être préservés jusqu’à un âge avancé (79 ans). Plus précisément, les capacités defluence verbale littérale (premières 15s/60s), de rappel (RL-RI, RD) et de reconnaissance d’une liste de 16 mots ainsi que la dénomination des couleurs (test de Stroop) se détérioreraient surtout après 80 ans (voir les performances des STA). En ce qui concerne les performances des participants aux tests informatisés de TR, les STA ont également été moins performants que les SJ et les SA (SJ = SA > STA). Les indices de performance pour ces tâches étaient le nombre d’erreurs commises dans les tests simple, easy choice,complex choice, no-go ettap 2 (maintien d’un rythme sonore sans indice extérieur) de la batterie ARTIST.

Au début de ce chapitre, nous avons posé les questions suivantes : Est-ce que les FE se modifient avec l’avancée en âge ? Si oui, quel(s) est(sont) le(s) processus exécutif(s) qui subit(-ssent) le plus de perturbations dans le vieillissement normal ? Nos données montrent une détérioration de certains processus exécutifs chez les aînés, telles que la flexibilité, le contrôle, le maintien et l’inhibition (processus impliqués dans la plupart des tâches exécutives proposées). Nous avons donc vérifié partiellement notre première et deuxième hypothèse, selon lesquelles les fonctions sous-tendues par les régions latérales des lobes frontaux subiraient des changements dans le vieillissement normal, surtout dans le grand âge (après 80 ans).

Les résultats que nous avons obtenus pour les 15 premières secondes du test de fluence verbale sémantique semblent confirmer ceux de Henry et Phillips (2006) et contredire ceux de Troyer et al. (1997), qui se basaient, toutefois, sur les performances d’un seul groupe de personnes âgées. En effet, tous nos participants ont produit un nombre similaire de mots dans cette tâche de fluence verbale. En ce qui concerne le test de fluence verbale littérale, nos données contredisent celles présentées par Henry et Phillips (2006) car, si dans leur étude les SA étaient plus performants que les SJ, dans la nôtre les performances des aînés (2 groupes d’âge différent) à ce test se détériorent à partir de 80 ans. De plus, les

personnes âgées ayant participé à la présente étude n’ont pas effectué un nombre d’erreurs persévératives plus élevé par rapport aux SJ dans les 2 tâches defluence verbale proposées, contredisant l’observation faite par Henry et Phillips (2006). Concernant les performances des sujets à ces épreuves, nous tenons à souligner que les résultats présentés ci-dessus font exclusivement référence à l’étude de la composante "catégorisation" impliquée dans ces épreuves (Troyer et al., 1997). Par la suite, il serait intéressant d’analyser la deuxième composante décrite par Troyer et al. (1997), relative à la capacité des sujets d’alterner entre les sous-catégories proposées tant enfluence verbale littérale que sémantique (analyse

cluster/swich à partir des productions individuelles).

Les travaux de recherche s’intéressant aux erreurs effectuées dans les tâches exécutives montrent que la plupart des erreurs sont dues à l’impatience des sujets, qui ne prennent pas en considération le fait que leur première interprétation de certains mots ou actions peut être incorrecte (Diamond, 2013). Les performances des participants à notre étude confirment cette observation car la majorité des erreurs réalisées par les personnes jeunes, mais aussi par certains SA, étaient dues à une sorte d’impulsivité et à une sous-estimation des tâches proposées (e.g., tests de TR) qui étaient jugées "trop simples" (commentaires faits après la réalisation des épreuves).

Nos conclusions relatives aux capacités de contrôle et d’inhibition, généralement impliquées dans les tests de TR et de dénomination, vont dans le même sens que celles présentées par Sylvain-Roy et al. (2015) et Etienne et al. (2008), qui montraient également une détérioration de ces processus exécutifs chez les aînés. Toutefois, dans notre étude, les SA ont eu des performances similaires à celles des SJ, les STA ayant effectué un nombre plus important d’erreurs par rapport aux autres participants dans la plupart des tâches proposées. Ces derniers résultats concordent partiellement avec ceux présentés par Vaportzis et al. (2013), selon lesquels les SA effectuaient plus d’erreurs dans la tâche double simple (test de TR à choix avec une tâche de répétition de chiffres), tandis que les SJ présentaient des coûts cognitifs plus élevés dans la tâche double complexe. Nous tenons à préciser que tous les participants à l’étude de Vaportzis et al. (2013) étaient en moyenne plus jeunes que les participants à notre étude.

En ce qui concerne les capacités de flexibilité cognitive, nos données vont dans le même sens que celles présentées par Collette et Salmon (2014) et MacPherson et al. (2002). Il semblerait que le vieillissement normal soit caractérisé par une détérioration de la

flexibilité globale après 65 ans. Outre les performances observées aux tests de fluence verbale, qui impliquent des capacités de flexibilité spontanée, nous pouvons analyser les performances des sujets au test de classement de cartes. Nos données confirment

l’existence d’une perturbation progressive des habiletés cognitives qui sont nécessaires à la réalisation de cette dernière tâche. Cela suggère une modification au niveau morphologique et neuro-fonctionnel des régions cérébrales sous-tendant ces processus avec l’avancée en âge : les régions frontales dorsolatérales (FE) et médianes supérieures (énergisation) (Stuss et al., 2000).

Précisons que, comme montré dans des études précédentes (Henry & Phillips, 2006), quelques habiletés restent stables avec l’avancée en âge. Nous faisons notamment référence aux capacités de lecture (fNART) et de fluence verbale sémantique des sujets, capacités dites cristallisées car elles se basent sur des connaissances acquises au fil du temps à travers les expériences personnelles.

Chapitre 6

Étude du vieillissement normal de la

prise de décision

6.1 Méthode

Dans le premier chapitre, nous avons proposé une distinction entre les capacités de prise de décision (PD) en situation ambiguë, avec des risques implicites, et la PD dans une situation comportant des risques explicites (voir la section 1.3.2, p. 19). Nous avons aussi donné des exemples de tests neuropsychologiques qui permettent d’évaluer les 2 versants, ventral et dorsal, de cette habileté frontale. Dans les sections suivantes, nous présenterons les épreuves de PD que nous avons choisies ainsi que les résultats obtenus à partir de nos analyses statistiques (voir le Tableau 6.1).

Les questions auxquelles nous essayerons de répondre sont les suivantes : Est-ce que les capacités de PD se modifient avec l’avancée en âge ? Si oui, quel processus est le plus perturbé dans le vieillissement normal, la PD sous risque implicite ou la PD sous risque explicite ?