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Fonction s redox et distance à l équilibre pV de l Ecosphère

5.3 B ILAN GLOBAL

3.2.4 Fonction s redox et distance à l équilibre pV de l Ecosphère

3.2.4.1. Directionalité de l Ecosphère et théorie de l aromorphose

Tous nos constats précédents semblaient mettre en évidence une directionalité continue de la diversité et de l intensification exergétique des espèces au sein de l Ecosphère. Mais ce n étaient que de brèves illustrations qui resteraient à longuement approfondir, s il n existait, à l appui des hypothèses de Lotka, des « généralisations empiriques » de Vernadsky, des théories et loi écosystémiques de Jørgensen, un cadre théorique général de cette directionalité qui répond aux exigences de vérification des sciences physiques et biologiques.

Résultant d expériences de terrain nombreuses et prolongées, la théorie de l « aromorphose », du savant russe Alexej Nikolajevich Sewertzoff (ou Severtsov) 1866-193626, sur laquelle s appuient les

travaux de Zotin et de ses confrères (Zotin et autres, 1978), est aujourd hui parfaitement intégrée au référentiel russe de la biologie évolutionnaire du développement (EvoDevo). Nayant pu avoir accès aux publications en anglais de ce savant, non disponibles en format numérique, nous reprendrons deux citations d auteurs russes qui exposent les principes généraux de cette théorie.

Zotin et autres (1978, p.344) : « Selon A.N. Severtsov, laromorphose est un changement adaptatif des organismes qui se traduit par une augmentation d énergie totale de l activité vitale de la progéniture adulte. L aromorphose est une organisation plus complexe des organismes, une élévation à un plus haut niveau, qui permet aux organismes de faire un meilleur usage de leur environnement et/ou d étendre la distribution spatiale des espèces. L’aromorphose est avant tout liée à une augmentation de l’énergie et de l’activité vitale des organismes. »

Grinin et autres (2009, pp.9-10) : « )nitialement, l aromorphose fut comprise comme une direction de l évolution, à l intérieur de laquelle l’accomplissement biologique s achève par le progrès morpho- physiologique. Alors que « l accomplissement biologique » d un groupe peut être estimé en utilisant des mesures telles que le niveau d achèvement de la diversité, la biomasse ou la quantité, pour ce qui concerne le « progrès morpho-physiologique », Severtsov assignait ce rôle à l augmentation énergétique des fonctions vitales. Cependant, une telle approche « énergie centrée » fut plus tard critiquée comme étant trop partielle (Tatarinov, 1976). Schmalhauzen27 (1969) a souligné quant à lui l importance de ce critère ou symptôme d aromorphose que représente la croissance de la complexité d’organisation, elle-même strictement corrélée avec le développement des conditions d’existence et l’augmentation de leur complexité … Parmi les exemples classiques d aromorphoses biologiques majeures, on peut mentionner l émergence de la cellule eucaryote, la transition des organismes unicellulaires aux multicellulaires qui a eu lieu plus d une fois dans de nombreuses lignées d organismes eucaryotes , la transition des plantes, des arthropodes et des vertébrés à la vie dans les terres émergées, l origine des mammifères à partir des thériodontes, l origine de l (omo sapiens, etc. » En apportant un cadre théorique général à la directionalité de l évolution biologique, cette théorie vérifie Lotka, complète la théorie de l endosymbiose de Lynn Margulis, et justifie cette 8ème loi des

25Certains chercheurs considèrent aujourd hui que la cellulose et la lignine ne sont qu un « déchet » du métabolisme

des autotrophes. Mais tous les déchets exercent une fonction considérable dans les cycles biotiques, à l exemple de l humus.

26 Grand contributeur, avec son élève I. I. Schmalhausen, d une synthèse du Darwinisme et de la biologie

évolutionnaire (Ecole de E. Haeckel, Jena , contemporain de Vernadsky et comme lui membre de l Académie des

sciences de Russie, il fonda en l )nstitut d écologie et d évolution de l Académie des sciences (Moscou), centré sur la diversité biologique, qui porte aujourd hui son nom.

écosystèmes énoncée par Jorgensen et ses partenaires (paragraphe 1.2.3.4) : « Après la capture initiale d énergie à travers une frontière, la croissance et le développement des écosystèmes sont rendus possibles par 1) une augmentation de la structure physique (biomasse) 2) une augmentation du réseau (plus de recyclage une augmentation de l information incorporée dans le système … Ces trois formes de croissance impliquent ensemble que le système est en train de se mouvoir loin de l équilibre thermodynamique (Jørgensen et al., 2000), et ces trois formes sont ensemble associées avec l augmentation du stockage d éco-exergie et des flux d énergie dans le système puissance » Une théorie de l aromorphose et un cadre théorique de la directionalité qui viennent au final appuyer et rendre beaucoup plus explicite le second principe biogéochimique de Vernadsky.

3.2.4.2. Directionalité de l Ecosphère et second principe de Vernadsky

Rappelons ce second principe et sa formulation élargie (Vernadsky, 1930, p.12)

Second principe biogéochimique : « Lors de l'évolution des espèces, ce sont les organismes augmentant par leur vie lénergie biogéochimique (exergie) qui survivent. »

Formulation élargie du second principe : « Lors de l'évolution des espèces, la composition chimique de la matière vivante demeure constante, mais lénergie biogéochimique (exergie) apportée par la matière vivante dans le milieu cosmique s accroît. »

L énergie biogéochimique résultant par définition, pour Vernadsky, des « fonctions vitales » et de « l accélération croissante de la migration biogène des atomes » (de la Biosphère et de l Ecosphère), la théorie de Sewertzoff vient ainsi en « appui direct » de son second principe, qui formalise comme nous l avons vu (paragraphe 3.1.1) une exception au principe de Carnot. Il semblerait même que nos deux auteurs aient agi « de concert ». Notons en effet que tous deux étaient non seulement confrères à l Académie des sciences d URSS, et chacun impliqués dans l évolution des espèces, mais qu ils publièrent leurs grands articles et théories dans les mêmes années 1928-1931. Plus précisément encore, alors que Sewertzoff expose sa théorie « directionaliste » de l aromorphose en à la société des naturalistes de Moscou ou Leningrad ?) 28, Vernadsky expose pour la première fois cette même année 1928 ses deux

principes à la société des naturalistes de Leningrad, puis de Moscou29. Ceci dans un article

remarquable en ce sens où, à propos de son second principe, il insiste très lourdement sur la « directionalité » de l évolution, venant ainsi appuyer à son tour la théorie de son confrère. Vernadsky (1929, pp.269-270) : « Il est certain que ce principe (Ndrl : second principe biogéochimique) ne peut en aucune façon expliquer l évolution des espèces et n intervient pas dans les tentatives d explication, dans les différentes théories d évolution qui préoccupent actuellement les savants. Ce principe admet l évolution comme un fait empirique, ou plutôt comme une généralisation empirique, et le rattache à une autre généralisation empirique, celle du mécanisme de la biosphère. Mais il est loin d être indifférent du point de vue des théories évolutionnistes et il indique, à mon avis, avec une logique infaillible l’existence d’une direction déterminée dans le sens de laquelle le processus de l évolution doit nécessairement s effectuer. Cette direction coïncide parfaitement dans sa terminologie (scientifiquement précise) avec les principes de la mécanique, avec toute notre connaissance des processus physico-chimiques terrestres auxquels appartient la migration biogène des atomes. Toute théorie de l évolution doit prendre en considération l existence de cette direction déterminée du processus de l évolution qui, avec le développement ultérieur de la science, pourra être évaluée numériquement. Il me semble impossible pour plusieurs raisons, de parler des théories évolutionnistes sans tenir compte aussi de la question fondamentale de l’existence d’une direction déterminée, dans le processus de l évolution invariable, au cours de toutes les époques géologiques »

28 Sewertzoff, A., N. Directions of Evolution. Acta Zoologica, 1928, Bd IX

Qui fut le premier ? Dans tous les cas, second principe de Vernadsky et aromorphose s adossent réciproquement pour former ensemble deux versants d un même tout, qui énonce le principe d une directionalité des réseaux et cycles biotiques de l Ecosphère, par laquelle ils tendent à générer, avec de plus en plus d efficacité, par la sélection et la complémentarité des espèces, une énergie biogéochimique de plus en plus concentrée et assimilable par les autres espèces l ordre par l ordre . Ce qui nous montre bien dans tous les cas que le niveau « intensif » de production dexergie (GPL), qui est l exacte expression physique de l énergie biogéochimique des fonctions et activités vitales des organismes, est une mesure tout à fait corrélative du niveau d organisation et de complexité, ou autrement dit de la « biodiversité », d une communauté trophique de l Ecosphère. Toutes choses qui se traduiront directement dans une distance à l équilibre dont nous proposerons maintenant de définir la mesure.

3.2.4.3. Mesurer fonction redox et distance à l équilibre dans l Ecosphère

Nous faisions remarquer paragraphe . . . que malgré la tendance à l équilibre de l énergie libre G, les écosystèmes pourtant lui survivent. Ce qui suppose que, en « contradiction apparente » avec le second principe, de Carnot et Clausius, les écosystèmes reconstituent en continu les réservoirs d énergie libre de la planète. Mais nous avons aussi proposé une résolution de cette contradiction (paragraphe 3.1.4 en montrant que l entropie participe activement « avec » l énergie libre, à une dynamique « cyclique » des écosystèmes permettant le développement et la stabilisation du vivant « loin de l équilibre » ; ceci via une relation cyclique d alternance thermodynamique de G et S (réduction du CO2 et oxydation du carbone) au sein des

écosystèmes (cycles biotiques), qui apparaît comme seule à même d entretenir voire d augmenter cette distance à l équilibre.

Nous avons ainsi une fonction redox de variation (plus ou moins loin de l équilibre selon ; cf. figure 20) du niveau pV d énergie totale de l Ecosphère et à fortiori de la Biosphère que nous pouvons transcrire, d après la formule (30), par la relation

dG + dTS = Vdp + pdV = d(pV) (32)

Cette équation nous « répète » qu ensemble, et seulement ensemble, G et S participent à

l augmentation combinée de la pression « et » du volume de l Ecosphère, c est à dire à l augmentation globale de sa distance à l équilibre (pV). Ce qui nous suggère notamment qu à l équilibre thermodynamique, au zéro absolu, tout autant l entropie que la néguentropie seraient nuls (figure 20).

Abordant la troisième partie de notre rapport, nous sortirons des grands principes pour entrer dans la mesure concrète de cette fonction redox. Nous présenterons pour cela dans les chapitres suivants nos propositions de calcul des deux expressions G (ou TS-) et TS+ pour des territoires et/ou écosystèmes de l Ecosphère, correspondant réciproquement aux stocks d exergie-CHL30

des autotrophes et aux flux d exergie-GPL circulant entre autotrophes et hétérotrophes.

IV

Fonctions redox de la diversité biologique et

distance à l équilibre thermodynamique :

Justification et développement

des principes de mesure

4.1

Conjuguer l indice Ҟa à une énergie