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Biodiversités contradictoires dans l écosystème marin de Mondego Portugal

5.3 B ILAN GLOBAL

1.5.2 L entropie de Shannon ne mesure pas la diversité biologique : vérification

1.5.2.2. Biodiversités contradictoires dans l écosystème marin de Mondego Portugal

Mais bien plus grave fut le problème rencontré par Sven Eric Jørgensen, dont nous avons relaté brièvement les travaux sur l éco-exergie, la thermodynamique des processus biologiques et la nouvelle théorie des écosystèmes.

Pendant plus de vingt ans, lui même et ses partenaires ont étudié les variations de composition en espèces de l écosystème marin de l estuaire de Mondego, à l ouest du Portugal, au long des variations de pollutions auxquelles il fut confronté. Les résultats de cette étude pilote furent pour beaucoup dans la mise au point de la formule de l éco-exergie des espèces marines et la formulation, après Vernadsky, des dix lois fondamentales des écosystèmes. Ils sont exposés notamment dans deux références (Fonseca et autres, 2002 ; Jørgensen et autres, 2007) qui nous donnent des résultats « quantitatifs » ; la seconde référence (« A new Ecology. Systems perspective ») rassemblant par ailleurs les constats tirés de Mondego et de nombreuses autres expériences en une nouvelle « théorie des écosystèmes ».

Comme il est dit dans cette seconde référence (Jørgensen et autres, 2007) : « The Mondego Estuary has been used to benefit of the integration of the information derived from different ecological indicators : eco-exergy, specific eco-exergy (Chapter 2 and 7), and ascendency (Chapter 4) »

Nous nous servirons des résultats quantitatifs présentés dans cette étude pour l explication et la justification de nos propositions, dans notre quatrième chapitre. Mais à ce stade, nous n insisterons que sur le constat réalisé suite aux résultats obtenus lorsque Jørgensen et ses partenaires utilisèrent « l indice de Shannon » pour mesurer la « biodiversité » des écosystèmes étudiés.

Ce constat est crucial. Il traverse, voire « conditionne », une grande part des chapitres (pp 44-50, 73-74, 155-156, 222-223, 235-237) de cet ouvrage considérable, en termes de contributions et de synthèse sur les écosystèmes.

Au sortir d une longue série de mesure des communautés benthiques de l estuaire de Mondego courant sur des cycles d une année entière, nos auteurs précisent : « La variation temporelle et spatiale de l éco-exergie, de l exergie spécifique, de la richesse en espèces et de l hétérogénéité furent analysées pour examiner dans quelle mesure ces indicateurs écologiques seraient susceptibles de capturer les changements dans les communautés benthiques au long du gradient de leur eutrophication10 » (Jørgensen et autres, 2007, p236).

Passons sur les résultats concernant la richesse en espèces et en éco-exergie (nous y viendrons dans la troisième partie), et concentrons-nous sur les seuls résultats donnés « au regard de la biodiversité ».

(Jørgensen et autres, 2007, p236) : « Au regard de la biodiversité, la variation de la richesse en espèces et de l hétérogénéité régularité de la richesse en espèces au long du gradient d eutrophication nous a fourni des images très différentes. A travers le temps, la richesse en espèces fut toujours plus haute dans la communauté Zostera, diminuant au long du gradient d eutrophication. Au contraire, l’hétérogénéité fut toujours plus grande dans les zones eutrophiées, à l exception de la diminution observée dans zone la plus fortement eutrophiée après un crash d algues 11. La variation observée de l hétérogénéité est due au fait que l indice de Shannon-Wiener intègre deux composantes : la richesse en espèces et leur abondance relative (régularité). Par conséquent, quoique la richesse en espèces décroisse comme une fonction de l eutrophisation relative, comme nous l attendions, la dominance de quelques espèces … dans la communauté Zostera, probablement due à l abondance des ressources nutritionnelles, a fait diminuer la richesse en espèces, et conséquemment les valeurs d hétérogénéité. Dans ce cas, des valeurs plus basses d’hétérogénéité doivent être interprétées comme exprimant une plus haute activité biologique, et non comme un résultat du stress environnemental ».

Observons ici, au delà des résultats décevants de l indice de Shannon, que Jørgensen forme ici un oxymore identique à celui de notre auteur précédent, avec une hétérogénéité assimilée à une régularité.

Mais poursuivons (Jørgensen et autres, 2007, p237) : « La richesse en espèces et l éco-exergie furent significativement corrélées (p 0.05), suivant un modèle similaire, diminuant ensemble des zones non eutrophiées aux zones eutrophiées ((Figure 9.14B) (Ndrl : cette figure est reprise plus bas sous le n°10). Au contraire, l hétérogénéité et l éco-exergie sont apparues négativement corrélées, nous fournissant une image totalement différente de la communauté benthique au long du gradient d eutrophisation (Figure 9.14B). Ceci évidemment résultait des propriétés de la mesure d hétérogénéité comme expliqué auparavant … L hypothèse que l éco-exergie et la biodiversité suivraient la même tendance dans l espace et le temps fut validée au regard de la richesse en espèces mais pas de l hétérogénéité. Actuellement, l éco-exergie, l éco-exergie spécifique et la richesse en espèces ont répondu à l hypothèse d une diminution depuis les zones non eutrophiées jusqu aux zones eutrophiées, mais l hétérogénéité répond dans un sens opposé, montrant les plus basses valeurs dans les zones non eutrophiées … Quoique la biodiversité puisse être considérée comme une propriété importante de la structure des écosystèmes, la relative subjectivité de sa mesure constitue un problème évident. La variation spatiale de la richesse en espèces fut signifiante ; la biodiversité peut être vue comme la pleine gamme de la diversité biologique, depuis la variation génétique intra spécifique jusqu à la richesse en espèces, la connectivité et l arrangement spatial des écosystèmes à l échelle entière et au niveau d un paysage Solbrig, . Si nous acceptons ce concept de biodiversité, alors l éco-exergie, comme caractéristique « système orientée » et comme un indicateur écologique de l intégrité des

10L eutrophication, ou niveau d étouffement d un écosystème, est un indice fondamental de sa santé d un écosystème,

la respiration qui permet l oxydation étant une fonction première des organismes vivants.

11 Un accident écologique dû dans ce cas à un étouffement de la communauté d algues Zostera. Les zostères sont

présentes dans les mers de tous les continents du globe. On les trouve dans les sédiments sableux ou dans les estuaires, entièrement submergées ou partiellement flottantes. Leurs herbiers forment l habitat de nombreuses espèces. Les feuilles de zostères elles-mêmes sont le support d'algues épiphytes. Elles sont un indicateur de santé des

écosystèmes, peut englober la biodiversité. En outre, l éco-exergie implique l existence d un transport d information à travers les échelles, depuis le niveau génétique jusqu au niveau des écosystèmes, ne comptabilisant pas seulement la diversité biologique, mais aussi la complexité de l évolution des organismes et les propriétés émergentes des écosystèmes découlant de l auto- organisation ».

Le constat de Jørgensen est catégorique au regard de l indice de Shannon, même s il n en donne aucune explication. On peut le vérifier dans le schéma suivant (Jørgensen et autres, 2007, p238).

Figure n°10 : Contradiction entre exergie et indice de Shannon

1.6 Conclusion en forme de vérification d une problématique vitale

Le constat de Jørgensen, basé sur des données concrètes, nous a permis de vérifier dans les faits nos propres analyses sur l incidence de l entropie de Shannon en regard du concept de biodiversité. Ces données deviennent dès lors pour nous d une grande « utilité » dans notre recherche d une juste mesure de la biodiversité, et nous nous appuierons dessus pour une première épreuve en grandeur réelle de nos propositions.

Mais revenons sur le constat de Jørgensen. Au terme de plus de vingt années de travaux de toute une équipe de chercheurs hautement qualifiés, sur la formulation et la mesure in situ de l éco- exergie des organismes vivants et de leurs écosystèmes, la contradiction de la mesure d hétérogénéité de Shannon, restée pour Jørgensen inexpliquée, fut pour lui un grand choc. Elle remettait en question certaines hypothèses centrales de sa théorie des écosystèmes, qui devenaient en contrecoup non seulement contradictoires aux mesures traditionnelles de la diversité, mais aussi et surtout contradictoires à une théorie de l information dominant toute la modernité et partout utilisée en biologie.

Depuis Prigogine, il lui avait pourtant semblé que les principes nouveaux des structures dissipatives, qui avaient reçue l approbation de la communauté scientifique mondiale, permettraient enfin cette unification des théories autonomes de la physique et de la biologie à laquelle aspirait Schrödinger.

Et, comme une suite logique à ses principes, Jørgensen et ses partenaires avaient particulièrement tenu à s adosser aux conclusions de Prigogine sur la production d entropie du vivant12 pour introduire leurs dix lois fondamentales des écosystèmes.

C était ainsi tout un processus de construction d une théorie du vivant en quête de sa reconnaissance qui était remis en cause, se fissurait, puis perdait une patte qui le rendait bancal. Une remise en cause qui le rendait fragile au regard d une « directionalité » du vivant et des écosystèmes paragraphe . . . telle que l avait souligné avec tant de bruit Lotka . Et qui surtout, au regard de nos théories autonomes (paragraphe 1.4), le rendait par renversementtout aussi bien fragile vis à vis de l une que de l autre.

Cela faisait beaucoup. )l s en suivra dans l ouvrage cité en référence (Jørgensen et autres, 2007), tout un ensemble de paragraphes dans lesquels les auteurs, en mal d élucidation du paradoxe de Shannon, reviendront sur les différences entre physique et biologie, puis tenteront de définir une nouvelle forme « d ouverture » des systèmes, supposée justifier ce mystère : l ouverture « ontique ». Elle se réfère à l'ontologie, souvent décrite comme une partie de la métaphysique, et à partir de laquelle Walther Elsasser, un physicien allemand, aurait défini quatre principes établissant les différences entre la physique et la biologie : A - L hétérogénéité ordonnée nous retrouvons notre problème), B - La sélection créative, C - la mémoire holistique, D - Le symbolisme opératif (Jørgensen et autres, 2007, p 44).

Nous n entrerons pas dans de tels débats, et ne les citons que pour mémoire du niveau comme de la complexité de la problématique que soulève l unification des théories physiques et biologiques. Nous avons de toute façon donné notre explication des causes du constat malheureux de Jørgensen, au regard des fondements de cette problématique.

)l n en reste pas moins que par cet échec, Jørgensen nous permettait la vérification concrète de cette problématique, mettant ainsi en forme de synthèse un point final à notre premier chapitre. Il s agit d entrer maintenant dans la présentation concrète de nos alternatives.

II

L’indice Ҟ

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2.1 Objectifs

Après une revue de l état de l art qui a mis en lumière la contradiction des approches de la diversité, la question se pose maintenant, au delà de la résolution théorique de cette contradiction, des conditions de sa résolution pratique sous la forme dune mesure intégrée. A la fois énergétique et informationnelle, cette mesure se doit de résulter d une conjugaison de variables à rapprocher de pV, sur laquelle nous avons tant insisté, pour former un indice d intensité énergétique relatif au niveau d information (ou de complexité) de la diversité.

Quelles sont ces variables ? Quels sont les paramètres idéaux de leur conjugaison ?

Leur conjugaison devra répondre aux exigences croisées ressortant du paragraphe 1.4, soit :

 Traduire la distance à l équilibre du vivant par une variable différentielle compatible tant avec la biologie qu avec l approche statistique de la physique

 Traduire le caractère « physique » de l entropie négative en thermodynamique

L approche statistique suppose une variable « informationnelle » constatant un niveau de complexité ou d intensité de la diversité. L entropie de Shannon constituant une fracture vis à vis de la thermodynamique classique et des processus irréversibles, c est ici même que nous devons pouvoir proposer une variable alternative de distance à l équilibre qui soit « conforme au second principe », condition première de sa conjugaison avec une variable énergétique.

La mise au point de cette variable alternative fera l objet de notre second chapitre.

L approche thermodynamique suppose quant à elle une variable « énergétique » constatant un stock énergétique constitué par le vivant. L exergie dont l énergie libre contenue G (formule (24)) remplit tout à fait cette fonction car elle constitue une variable d état parfaitement établie (la question se pose de son statut de fonction d état . Ceci bien que sa production physique, quoique admise par Prigogine sous la forme de « flux négatif d entropie » (1968, p 92), ne soit pas admise à ce stade par la thermodynamique classique. Ce ne sont pas les stocks d énergie libre et leur « consommation » par l économie qui posent problème à la thermodynamique, ce qui pose problème, c est le caractère « impensé » de la « production physique » de néguentropie qu ils supposent au regard du second principe. Ce qui est tout le problème que nous avons étudié dans notre cahier n°1.

Ceci dit en sachant toutefois que cette production physique de néguentropie est parfaitement admise en biologie, ainsi que dans les sciences naturelles et agronomiques, notamment sous la forme de « NPP » (Net Primary Production) des écosystèmes.

Et c est de la conjugaison de ces deux variables intensives que nous devrons pouvoir tirer cette nouvelle valeur assimilable à pV, vue ici comme « énergie vitale » des écosystèmes13.

C est à dire une « intensité énergétique de la distance à l équilibre du vivant », susceptible de former une juste et réelle mesure de la biodiversité, qui répondra dans le même temps à l exigence du principe de Carnot d une tendance entropique maximale, tout en vérifiant l équation fondamentale pV = G + TS (formule (26) et figure n°5).

Ce qui eut été rendu impossible par la formule de Shannon, qui mesure bien une « information négative » et une entropie tendant vers léquilibre, mais qui, par définition, ne saurait mesurer le contraire, soit une énergie libre et une distance à l équilibre.

Toutes exigences qui structurent notre démarche et qui nous amèneront, dans les chapitres ultérieurs, à présenter les fonctions de réduction et oxydation (redox) des organismes vivants de la Biosphère et de l Ecosphère qui produisent la distance à l équilibre des écosystèmes , puis à proposer leur mesure ; mesure qui devra pouvoir vérifier l équation thermodynamique pV = G + TS.

2.2

Conditions générales d élaboration de l indice recherché

L indice recherché suppose de mesurer une diversité différentielle conforme au second principe de la thermodynamique.