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Caractérisation de la Biosphère, domaine du vivant

5.3 B ILAN GLOBAL

3.1.3 Caractérisation de la Biosphère, domaine du vivant

Citons Jacques Grinevald (2002) : « … Il devient clair désormais que la Biosphère est le système écologique global intégrant tous les êtres vivants et les relations qu’ils tissent entre eux, avec les éléments chimiques de la lithosphère les roches , de l’hydrosphère l’eau et de l’atmosphère l’air , dans un métabolisme global qui transforme sans cesse la surface de la Terre. … La conception vernadskienne de la Biosphère, adoptée par la science écologique, offre un cadre scientifique général pour le débat actuel sur la biodiversité et les changements climatiques. Cela est aussi valable pour l économie mondiale, inséparable de l environnement global. Voilà tout un débat de société qui dépasse la science proprement dite et qui implique une révision déchirante de nos modes de penser et de nos modes de vie. »

3.1.3.1. La Biosphère, habitat de la matière vivante

Figure n°16 : Echelle indicative des périodes géologiques éons, ères, … , en millions d années

Cette échelle temporelle permet de situer les ères géologiques qui ont vue l émergence de la Biosphère.

Celle-ci a commencé son expansion sur la croûte terrestre primitive avec l apparition, au début de l Archéen (autour de - , milliards d années , des premières formes de vie : les archées et les bactéries primitives (ou archéobactéries). Couvrant aujourd hui toute la surface terrestre, son étendue verticale y compris son ère d influence irait de la couche d ozone jusqu au champ de stabilité du diamant (100% de carbone) d origine organique, vers 100km de profondeur.

Il nous est difficile de concevoir que notre atmosphère, l eau de mer liquide, toutes les roches métamorphiques, les terres agricoles, etc., soit l ensemble de notre milieu physique actuel, aient une origine « temporelle », et soient le produit d un « processus de création » d origine biogéochimique.

Cela fut pourtant le cas ; lors de son accrétion primitive, au début de l (adéen, il y a 4,6 milliards d années, l ensemble de la surface terrestre pouvait se présenter comme tel, constitué d une masse parfaitement uniforme de magma en train de se solidifier.

Figure n°17 : La surface terrestre des origines

Source : http://www.cosmographica.com/gallery

Selon la théorie de Vernadsky, reprise plus tard (mais sur un plan « vitaliste », ce qui n était pas le cas de Vernadsky) par Lovelock pour bâtir son « hypothèse Gaïa » (Lovelock, 1979), la Biosphère et ses compartiments ont été ensuite directement produits (créés), à partir de l Archéen, par la « matière vivante », qu il faut voir comme un ensemble de tapis microbiens qui se sont alors répandus sur toute la surface de la terre.

Margulis (1986) nous décrit le caractère homogène de ces tapis de matière vivante (bio-film), en même temps que les fonctions différentiées qu ils exerçaient dans le milieu primitif terriblement agressif, alors non protégé des rayons ultra violets par une couche d ozone qui n apparaitra que bien plus tard.

Margulis (1986, p. 81) : « Dès le début de l époque où la Terre fut recouverte d eau, des colonies de différents types de microbes se sont groupées en habitats coopératifs qui auraient été visibles

comme des paquets d écume gluante, des taches pourpres ou marrons et détranges pâturages à plusieurs niveaux. Génération après génération, les bactéries des niveaux supérieurs mouraient de l exposition aux radiations, mais leurs restes protégeaient les niveaux inférieurs qui amassaient du sable et des sédiments pour fabriquer une sorte de tapis vivant. Les tapis microbiens et les boues prédominaient dans les paysages aquatiques et plats de l époque archéenne. »

Margulis nous désigne par un nom spécifique, le « microcosme », le super ensemble que formèrent alors ces tapis bactériens (ou pellicules microbiennes, ou bio-films), et nous en précise les fonctions.

Margulis (1986, p. 64) : « … la pellicule planétaire, avec son armée de cellules, perdure depuis plus de 3 milliards d années. Son fonctionnement passé, présent et futur, c est le microcosme, des milliers de milliards de microbes en communication et en évolution. Le monde visible constitue une fraction tardive, hyperdéveloppée, du microcosme. Il fonctionne grâce aux connections perfectionnées qu il maintient avec les activités du microcosme. Des chercheurs pensent que les microbes ont eux-mêmes maintenu la température moyenne de la Terre primitive à un degré favorable à la vie, bien que le Soleil, estiment les astronomes, ait été beaucoup moins chaud qu aujourd hui. Durant l époque archéenne, de « stupides » microbes ont modifié sans arrêt la composition chimique de l atmosphère de sorte qu elle ne fasse pas obstacle à la vie. »

3.1.3.2. Fonctions redox de la matière vivante au sein de la Biosphère

Les biogéochimistes et spécialistes de la NASA, qui ont repris dans leur grande majorité les principes de Vernadsky sur l apparition de la Biosphère, ont depuis analysé en profondeur les processus de fonctionnement du microcosme primitif, tels qu on en trouve encore les témoins, comme dans les tapis microbiens des milieux hypersalins à l exemple de la Mer morte.

Figure n°18 : Ecosystème microbien hypersalin (bio-film) illustrant l évolution primitive de la Biosphère

Sources : Des Marais, 2003

On peut constater sur ce schéma résumant les processus de transformation chimique dun tapis microbien, que le microcosme assume globalement, à partir des multiples espèces de bactéries rassemblées en son tout homogène, une double fonction biogéochimique : une fonction « autotrophe », principalement de réduction du CO2 et une fonction « hétérotrophe »,

principalement d oxydation du carbone des corps bactériens morts ; ceci tel que nous en représentions distinctement les processus simplifiés dans les tableaux n°2 (réduction) et n°1 (oxydation).

Ramené à l échelle planétaire, c est en produisant ainsi des milliards de milliards de réactions élémentaires de réduction du CO2 , de H2O, etc. (autres gaz de l atmosphère primitive, métaux en suspension dans l eau de mer, … que la partie autotrophe du microcosme, au long de son expansion de près de deux milliards d années, a complètement nettoyé/détoxifié l atmosphère et l hydrosphère anoxiques de la croûte terrestre primitive pour produire l atmosphère et l hydrosphère actuelles, en diffusant par ailleurs l oxygène atmosphérique en excès dans l eau de mer et dans les milieux terrestres (puits de O2); ceci tout en stabilisant l effet de serre et la température moyenne de l atmosphère (à 15°C en moyenne), ce qui par contre coup a stabilisé la phase liquide de l eau de mer; processus globaux sans lesquels la surface terrestre serait aujourd hui complètement gelée à une température moyenne d environ -83 °C.

Et c est cette production de O , sa diffusion dans l eau de mer et dans les couches terrestres qui, inversement, par des milliards de milliards de réactions élémentaires, a autorisé la partie hétérotrophe du microcosme à oxyder progressivement au long de ces deux milliards d années, tant le carbone bactérien que les métaux du milieu primitif de la lithosphère, oxydation suivie d une concentration anaérobie dans les couches profondes terrestres et sous marines gisements de carbone fossile, gisements métalliques, … ; ceci en même temps que la montée en puissance progressive du cycle de l eau lessivait les sels de la croûte primitive pour les concentrer dans l eau de mer ou dans les couches géologiques profondes.

Toutes fonctions des cycles biogéochimiques de la matière vivante, toutes fonctions originelles de la Biosphère, qu un biologiste américain, disciple de Vernadsky et membre de l Académie des sciences des USA, Paul Falkowski, résume avec ses coauteurs dans le schéma suivant :

Figure n°19 : Modèle généralisé des transformations biogéochimiques de la Biosphère

C est la coordination de ces fonctions très multiples et complexes de réduction et d oxydation d un même « organisme global », serait-il constitué par quantité d espèces différentes, que l on pourra dénommer « fonction redox de la matière vivante » (de la Biosphère); ceci quand les industries chimiques et métallurgiques connaissent très bien cette fonction redox, mais pour une production n ayant rien à voir avec ces processus originaires du vivant.