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De la diversité à la biodiversité

5.3 B ILAN GLOBAL

1.4.1 De la diversité à la biodiversité

Nous avons vu que la diversité , vue comme la « vraie » diversité, est une grandeur « intensive », ou mieux encore une diversité de « différentiation », ceci par rapport aux diversités d inventaire et γ, grandeurs strictement « extensives ».

Et nous pouvons ressentir intuitivement qu il existe une même différence qualitative entre « diversité » et « biodiversité », avec laquelle nous passerions d une variable extensive à une variable intensive.

Il y aurait ainsi, entre les diversités α ou et , entre diversité et biodiversité, pour le moins une différence de même nature qu entre le volume V, intensif, et la pression p, extensive.

La diversité aurait-elle vocation à refléter la « biodiversité » ? Mais qu est-ce que la biodiversité ?

Nous avons abordé cette question dans notre cahier de recherche n°1 (Loiret, 2012a, pp11-19). Nous reprendrons ici quelques unes de ses citations.

Tout d abord ces passages de l introduction à la thèse de B.V. Raharinirina (2009) : « (istoriquement, l expression « diversité biologique » ou « biodiversité », apparaît au début des années . Ce terme est utilisé pour la première fois lors d un colloque scientifique organisé en 1986, intitulé « National Forum on BioDiversity ». … Très vite, plusieurs définitions ont été données à ce terme, notamment à partir des années 1990. Elles dépendent souvent du statut de l acteur qui le conçoit et sont interprétées différemment selon les groupes sociaux en présence. A ce titre, la définition de la biodiversité pour les scientifiques biologiste, chimiste, écologiste n est pas la même que pour les industriels impliqués (produits pharmaceutiques ou biotechnologies). Cependant, quelles que soient les approches et la complexité de ses définitions, la biodiversité apparaît comme synonyme du « vivant ». Il y a donc une définition communément admise 7: « La diversité biologique est la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». … Ainsi la biodiversité n est pas uniquement un ensemble de ressources et de biens utiles pour la consommation de l homme, c est l ensemble de la diversité des espèces, de la diversité des gènes et de la diversité des écosystèmes. Biosphère et biodiversité sont indissociables (Aubertin et Vivien, 1998) ».

Puis quelques passages de la thèse de C. Da Cunha (2010) : « Une des caractéristiques du monde vivant est sa structuration complexe et hiérarchisée. L étude de la biodiversité s est construite autour de deux traditions. La première que l on peut qualifier de naturaliste étudie les composantes de la biodiversité et permet de mieux comprendre la structuration du monde vivant (inventaires et classification des écosystèmes, des flores et des faunes . L autre, fonctionnaliste, cherche à comprendre le fonctionnement des écosystèmes dans leur globalité et non pas les espèces qui les composent. Ces deux traditions sont complémentaires et ont permis de comprendre la structuration et le fonctionnement de la biodiversité, mais aussi d estimer son évolution. … Ces théories et méthodes des sciences du vivant sont confrontées à des problèmes de mesure, elles n arrivent malheureusement pas à donner une image complète de la biodiversité. Au-delà d un manque cruel de données, l écologie ne dispose pas de théorie générale, globale et unifiée du fonctionnement du vivant qui lui permettrait de répondre à cette question. En découlent des problèmes de mesure de la biodiversité et de son évolution. … Des protocoles de monitoring des niveaux structurels de la biodiversité ont déjà été mis en place en Europe et des données utilisables commencent à être collectées. La classification et le stockage des données posent problème. L informatique est apparue

comme l outil indispensable au stockage, à la gestion et à l analyse des informations taxinomiques. … Le fonctionnement des écosystèmes est encore plus mal connu et demanderait des recherches coûteuses quant au temps et au financement. La notion d écosystème elle-même est une notion abstraite dont il est difficile de donner une limite spatiale claire. Dans la pratique, les écologues ont tendance à assimiler les écosystèmes à des entités telles que les lacs, les bassins versants ou les massifs forestiers. Il est primordial de mieux connaître les processus écologiques des écosystèmes, les propriétés fonctionnelles de l écosystème à des niveaux d organisation différents stabilité et amplitude des variables d état telles que la biomasse et l'ensemble des services écosystémiques dont l espèce humaine tire un bénéfice (Gaston, 2000 ; Boero, 2009) … Sur le plan théorique, on devrait évaluer tous les aspects de la biodiversité dans un système donné. La quantité de données qui devraient être collectées pour avoir cette connaissance est énorme et aucune mesure universelle n existe. En pratique, on fait des estimations en se référant à des indicateurs qui peuvent concerner la génétique, les espèces, les peuplements, la structure de l habitat, etc. Les méthodes utilisées dépendent des objectifs poursuivis. La richesse en espèces, qui peut être déterminée pour l ensemble des taxons ou un sous ensemble de taxons d un milieu, est la plus courante. On a ainsi abusivement tendance à assimiler richesse en espèces et biodiversité. … Le fait que de nombreuses études mettent l accent sur la richesse spécifique ou la composition de groupes biologiques plus que sur l abondance ou la biomasse totale des organismes de ces groupes rend plus difficile le lien avec les travaux évaluant le rôle fonctionnel de la biodiversité : les fonctions écologiques et les services écosystémiques sont en effet souvent plus liés à l'abondance des organismes qu'à leur diversité stricto sensu (Le Roux, Barbault et al., 2008) ».

C est enfin R. Chaussod , qui dans son article de synthèse du numéro spécial de l )nra consacré à la « qualité biologique des sols », nous apporte quelques réponses complémentaires quant à la mesure de la diversité biologique en pédologie. Citons un large extrait de sa conclusion :

« On ne peut envisager d agriculture durable sans chercher à préserver la qualité des sols. Les composantes biologiques, en interaction avec les propriétés physiques et physico-chimiques, participent très largement à la qualité globale du sol. La notion de composantes biologiques de la qualité des sols semble préférable à celle d indicateurs biologiques, trop réductionniste. En tous cas, la « qualité biologique » d un sol n est pas une grandeur monodimensionnelle et ne peut en aucune façon se résumer à une seule détermination. Au contraire, il est important d évaluer aussi bien des aspects quantitatifs (relatifs aux fonctions) que qualitatifs (relatifs aux populations). Si les premiers sont relativement bien maîtrisés, il n en est pas de même pour les seconds. De nombreuses questions sont soulevées par la biodiversité et son rôle dans le fonctionnement et la stabilité des écosystèmes. Par ailleurs, identifier des variables à mesurer et mettre au point des méthodes de mesure ne suffit pas : il faudra acquérir de nombreuses références et établir des normes d interprétation. Ces dernières sont forcément liées au type de sol et au système de culture. Des bases de données, reliant les indicateurs biologiques aux caractéristiques physico-chimiques des sols et à leur mode de gestion, pourraient permettre d utiliser les déterminations biologiques comme indicateurs précoces d altération des sols, ou aider à choisir les différentes pratiques culturales en prenant en considération la durabilité des systèmes de production. Pour l instant, les déterminations biologiques fiables qui sont à notre disposition restent très limitées. La biologie et l écologie du sol représentent des domaines de recherche qui doivent impérativement se développer pour acquérir un caractère opérationnel en matière de gestion des sols. En d autres termes, il est important de mieux connaître les traits essentiels de l écologie du sol, en interaction avec les autres facteurs édaphiques, pour mieux gérer son fonctionnement, et en particulier prévoir et anticiper ses évolutions plutôt que les subir. Le sol est l élément-clé des écosystèmes terrestres, et en particulier des agrosystèmes. Ce n est pas une ressource renouvelable, mais un milieu vivant qui peut être altéré de façon irréversible par des interventions humaines inadaptées. Les systèmes de production durable dont nous avons besoin pour l avenir ne peuvent s envisager sans une utilisation « conservatoire » du sol. Une gestion « au plus près du biologique » est certainement la meilleure stratégie d utilisation des sols sur le long terme ».

Il ressort bien de ces citations que la « biodiversité » doit être une mesure autrement significative que le seul caractère quantitatif des diversités élémentaires α et . Ce en quoi la définition de la CDB nous apporte un premier critère : « La diversité biologique est la variabilité des organismes vivants de toute origine … ».

Ceci nous ramène à la diversité , vraie diversité vue comme « le niveau de changement dans la composition des communautés, ou comme le degré de différentiation des communautés, en relation avec les changements de milieu ».

Passant de la diversité à la biodiversité, nous ne regarderons donc plus des espèces rares comme autant de tableaux dans un musée, mais regarderons plutôt la propension qu ont un ensemble d espèces à régénérer un milieu et maintenir sa fertilité dans la complémentarité du réseau trophique d un cycle biotique.