• Aucun résultat trouvé

Nouveau regard, nouvelles images : photographes et photographie de presse

3. Le portrait en question

3.2. La fin du « type mexicain » ? Le portrait militaire individuel

Les hommes du peuple dont les portraits sont publiés sont avant tout des chefs. Sur plus de 200 pages – ce qui correspond à 600 photographies environ – répertoriées sous les items « soldats de l’armée révolutionnaire » et « soldats de l’armée fédérale », nous n’avons compté que quatre portraits individuels de simples soldats. Le soldat

anonyme est certes très présent dans la presse illustrée, mais noyé dans la masse, formant partie de la bola.

Ceux qui commandent, du général fédéral au cabecilla111 révolutionnaire,

occupent en revanche une place de choix dans les pages des magazines. Le pouvoir, quelle que soit la forme qu’il adopte, attire toujours photographes et journalistes. Après Madero et Carranza, Álvaro Obregón, Emiliano Zapata, Pablo González, Pascual Orozco et Francisco Villa sont les cinq chefs révolutionnaires dont les portraits apparaissent le plus souvent au sein du corpus.112 Pablo González et Álvaro Obregón se démarquent des trois autres chefs : ils sont tous deux constitutionnalistes de la première heure, ils sont issus d’un milieu plus aisé et ont exercé un pouvoir politique fédéral.113 Ces caudillos ont été, à un moment ou à un autre du conflit, des représentants du peuple, luttant en son nom, et devant leur ascension sociale à la Révolution, en termes de notoriété si ce n’est de fortune. Leur image, en particulier celle de Villa, a largement contribué à les rendre célèbres. L’évolution du portrait au Mexique doit également beaucoup à ces personnages issus du peuple.

3.2.1. Emiliano Zapata : un « féroce cabecilla »114 devant les photographes

Comme pour Porfirio Díaz, Ariel Arnal définit un « type photographique

zapatiste ».115 Selon lui, le premier portrait de Zapata dans la presse fait écho à deux types photographiques différents : le soldat, plus précisément le rural, et le catrín.116 Il s’agit d’une photographie que La Ilustración Semanal publie le 3 août 1914 sur une double page informant des dégâts subis par la ville de Contreras lors de combats avec les zapatistes (figure 36).

111 Le cabecilla est le chef d’un groupe considéré comme rebelle. Cette appellation a une connotation péjorative (personne peu intelligente et de mauvaise conduite) et est employée en ce sens par la presse.

112 Victoriano Huerta et Félix Díaz apparaissent aussi fréquemment, mais nous les considérons « anti-révolutionnaires ».

113 Pablo González fut membre du gouvernement sous Carranza, puis candidat aux élections présidentielles de 1920. Álvaro Obregón fut Président de la République de 1920 à 1924, puis réélu en 1928, avant d’être assassiné sans avoir occupé son poste.

114 C’est ainsi que La Semana Ilustrada désigne Emiliano Zapata et son frère Eufemio le 10 juin 1913 lors de la publication d’une photographie où l’on peut les voir en compagnie de leurs épouses : « Les frères Emilio et Eufemio Zapata avec leurs épouses respectives. Dernière photographie des féroces cabecillas ».

115 ARNAL, La fotografía del zapatismo en la prensa en la Ciudad de México, 1910-1915, Op. Cit., p.48. Pour un panorama complet et une réflexion détaillée sur la photographie du zapatisme et la figure d’Emiliano Zapata dans la presse illustrée de la capitale (1910-1915), se reporter à ce mémoire.

116 Rural : Le problème du banditisme au XIXe siècle obligea le gouvernement de Benito Juárez à créer en 1861 une garde de sécurité, la police rurale fédérale, sous les ordres du ministre de l’Intérieur. Elle était connue sous le nom des rurales. À ses débuts, cette police était pauvrement vêtue et ne disposait que d’un équipement rustique. Elle était en charge de la surveillance des chemins, des jeux de hasard et des fêtes de village. Au tournant du siècle, cette police est devenue populaire et a changé de tenue pour adopter le costume du charro. Pendant la Révolution Mexicaine, l’armée fédérale fit appel aux rurales pour obtenir des renforts. À la fin de la guerre civile, la figure du rural a été revalorisée, grâce à l’exaltation de ses qualités : la force, l’amour de la patrie, de Dieu et des femmes, le courage dans la défense de la nation et la volonté de perpétuer le style mexicain d’équitation et la charrería comme sport. Après avoir été craint au XIXe siècle, le rural a été peu à peu respecté puis admiré au début du XXe siècle, jusqu’à devenir une figure incontournable de la Révolution.

Figure 36. La Ilustración Semanal, 3 août 1914. « Le général Emiliano Zapata, chef de la Révolution dans le Sud » (photographie centrale)

Cette photographie a été prise très antérieurement à cette publication car le visage de Zapata provenant de ce cliché, détouré et présenté sous forme de médaillon, a été publié à trois reprises dans Revista de Revistas en septembre et octobre 1911, puis en février 1912. Zapata ne semble pas à l’aise face à l’objectif. Avec ses cartouchières et son fusil, il cherche à se montrer en tant que soldat tout en se défaisant de son origine paysanne et en affirmant son rôle de chef : le chapeau de

charro est sur une chaise, ses cheveux sont gominés et il porte une cravate au lieu

d’un foulard de soie, signe habituel d’élégance dans les campagnes.

L’identification au rural devient claire grâce à un portrait publié en couverture de

La Ilustración Semanal, le seul où Emiliano Zapata apparaît le sourire aux lèvres

(figure 37). Son visage est d’habitude toujours très fermé face aux photographes. L’importance donnée au cheval grâce à son harnachement richement décoré ainsi que le port du chapeau de charro de gala révèlent la proximité de ce portrait avec l’image du rural, longtemps assimilée à celle de la « mexicanité ». Comme le souligne Ariel Arnal, cette photographie tranche avec l’imagerie habituelle du zapatisme, bien plus humble et austère, voire menaçante. Les raisons qui ont poussé La Ilustración

Semanal à la publier pourraient être de deux ordres. Le manque d’images sur Zapata et ses partisans, constant dans la presse de la capitale pendant toute la durée du conflit, oblige les revues à choisir parmi les seules photographies dont elles disposent. Et en cette fin d’année 1914, alors que le pouvoir fédéral semble à portée de mains de ceux que la presse a toujours qualifiés de « sauvages », les revues se voient contraintes de donner du zapatisme une image moins négative afin d’assurer leur survie et de ne pas effrayer les lecteurs.

Figure 37. La Ilustración Semanal, 26 octobre 1914. « Dernière photographie du chef de la Division du Sud, Emiliano Zapata, dans les rues de Cuernavaca, prise par notre envoyé spécial, M.

Garduño ».

En 1914, Zapata n’est pas encore la figure mythique qu’il deviendra par la suite pour l’ensemble du peuple mexicain, sans distinction de classes, ni d’idéologies. Mais la photographie ci-dessus, emblématique de la « mexicanité » que les gouvernements post-révolutionnaires auront à cœur de promouvoir, a sans doute contribué à rendre son image positive et porteuse de sens au fil des ans. Ce portrait équestre constitue véritablement une exception car, habituellement, Emiliano Zapata ne démontre pas une grande aisance devant les objectifs photographiques.

Le portrait qui est certainement le plus célèbre de l’« Attila du Sud » renferme à notre avis des réminiscences de photographie de studio. Nous ne l’avons trouvé publié qu’une seule fois pendant la Révolution, dans Revista de Revistas (figure 38). Ariel Arnal attribue cette photographie à Hugo Brehme, mais cela reste une attribution controversée. Elle aurait été réalisée dans l’Hôtel Moctezuma à Cuernavaca en 1911. Selon lui, la préparation de cette prise de vue aurait été organisée par Zapata lui-même, soucieux de ne pas se montrer uniquement comme « le leader du mouvement du Sud », et de s’approprier les « éléments iconographiques d’un professionnel de la lutte révolutionnaire, des éléments d’un général de carrière ».117 Ceci expliquerait la présence du sabre et de l’écharpe de général, qu’il porte en même temps que ses cartouchières.

117 ARNAL, Ariel, La fotografía del zapatismo en la prensa en la Ciudad de México, 1910-1915, Op. Cit., p.80 : « Emiliano Zapata […] pretende apropiarse de los elementos iconográficos de un profesional de la lucha revolucionaria, de los elementos de un general de carrera ».

Figure 38. Revista de Revistas, 20 avril 1913. « Le chef des rebelles du Sud, Emiliano Zapata ». (photographie en haut à gauche)

Même si l’on émet l’hypothèse que Zapata a activement contribué à la réalisation de ce portrait, certains des aspects classiques des photographies de « types mexicains » subsistent : la pose figée, la jambe gauche légèrement en avant, et les signes militaires ostentatoires tels que le fusil et le sabre énergiquement empoignés. Nous pourrions considérer cette photographie comme le « type mexicain » du guérilléro révolutionnaire qui est immédiatement identifié grâce aux attributs qu’il porte. L’analyse des portraits d’Emiliano Zapata publiés dans la presse illustrée ne révèle donc pas encore une libération vis-à-vis de la représentation photographique, même si il semble avoir compris les enjeux de l’image de presse. Il en va tout autrement pour Francisco Villa.

3.2.2. Francisco Villa : le « chef révolutionnaire »118 libre face à l’objectif

Comme pour Venustiano Carranza, la première photographie de Villa de notre corpus correspond au portrait de groupe pris à Ciudad Juárez et publié par La Semana

Ilustrada le 12 mai 1911 (voir figure 29).119 La revue publie deux autres portraits de Villa les 19 et 26 mai ; les légendes le désignent comme révolutionnaire et cabecilla. El

Mundo Ilustrado ne publie aucune image de Villa et la première à paraître dans Revista

118 Appellation empruntée à la légende d’une photographie de Villa publiée par La Ilustración Semanal le 21 juillet 1914. (Voir légende de la figure 39).

de Revistas date du mois de juillet 1913. Sur l’ensemble de la période, les photographies du « Centaure du Nord » ne sont pas nombreuses, mais certains portraits qui vont devenir des icônes sont déjà visibles par le lecteur de la capitale.120

La photographie la plus célèbre désormais est très certainement celle où Villa et Zapata sont assis dans les salons du Palais National (voir figure 13). Un autre portrait, individuel cette fois-ci, a trouvé au fil des ans une place de choix dans l’iconographie de la Révolution (figure 39).

Figure 39. La Semana Ilustrada. 21 juillet 1914. « Intéressante photographie de Francisco Villa qui est publiée pour la première fois au Mexique et qui représente le chef révolutionnaire à la tête de

ses hommes pendant l’assaut et la prise de Torreón »

La photographie originale est plus grande : sur la moitié droite de l’image, on observe un cavalier, des chevaux et une charrette, eux aussi en mouvement. L’image a été recadrée par la revue pour en faire ressortir le personnage principal. C’est d’ailleurs sous cette forme qu’elle deviendra une image-icône.121 Ce portrait contraste fortement avec les portraits classiques ; le mouvement du cheval et du cavalier, ainsi que le nuage de poussière soulignent l’instantanéité de cette prise de vue. Bien qu’il soit fort probable que ce cliché ait fait l’objet d’une mise en scène, il n’en reste pas moins qu’il n’a pas été pris en studio et que le décor est naturel. Il s’agit peut-être d’un champ de bataille peu avant ou après les combats, ou bien d’un itinéraire emprunté par

120 39 photographies de Francisco Villa sur 31 pages différentes : 1 image dans El Universal Ilustrado, 9 dans Revista de Revistas sur 4 pages, 13 dans La Semana Ilustrada sur 12 pages et 16 dans La Ilustración Semanal sur 14 pages.

121 Une autre image-icône ayant fait l’objet d’un recadrage devenu presque systématique est celle de « La Adelita ». Se reporter à l’Annexe 3.3.

Villa pour déplacer ses troupes. Il n’existe, à notre connaissance, aucune photographie de Pancho Villa pendant la Révolution prise en studio. Les autres portraits publiés dans les revues ont tous été réalisés en extérieur, hormis le cliché qui l’a immortalisé dans la prison de la capitale, où il avait été envoyé par Madero.122

Malgré des légendes parfois péjoratives le qualifiant de « rebelle » à la tête de « hordes sauvages », les photographies ne montrent pas un homme sévère. Il semble au contraire à l’aise face à l’objectif et se montre même souriant à l’occasion, comme sur ce portrait de 1920 (figure 40 – Cette planche fait partie d’une double page consacrée à Villa et intitulée « Les premières photographies de Francisco Villa prises dans les sierras de Chihuahua »123).

Figure 40. Revista de Revistas, 13 juin 1920. « En haut : l’escorte personnelle de Francisco Villa – Villa sous un arbre, lors d’ une halte – Les chefs villistes Benjamín Ríos et Alfonso Gómez ; ce dernier a été désigné pour négocier avec le général Calles quand la rumeur a couru que Villa se rendrait – Baltasar Piñones, le préféré de Villa – Villa avec son secrétaire et chef d’état-major et de l’escorte – Villa montant à cheval, bien qu’il ait pris 20 kilos, selon les affirmations de Brandon »

Sur l’image centrale, Villa sourit au photographe nord-américain Gerald Brandon.124 Il ne porte pas d’uniforme mais une tenue qui semble avoir souffert des péripéties. Il tient son chapeau à la main et offre un visage ouvert et confiant à l’appareil photographique. Ce cliché confirme le légendaire attrait de Francisco Villa pour l’image, sa propre image, qu’elle soit photographique ou cinématographique, comme le rappelle Aurelio de los Reyes :

122 Voir La Semana Ilustrada du 3 juillet 1912 et La Ilustración Semanal du 10 août 1914.

123 « Las Primeras Fotografías de Francisco Villa Tomadas en las Sierras de Chihuahua ».

124 À la page précédente (la première de la double page), la légende indique que le journaliste Gerald Brandon a été « autorisé à prendre ces photographies ».

Villa considérait le cinéma comme l’un des moyens les plus adéquats pour se faire de la publicité […]. Villa eut alors une intuition hors du commun […] en acceptant que des cameramen nord-américains le filment, car ils étaient les plus à même de distribuer ses films à l’étranger, d’où l’une des clauses du contrat qui stipulait qu’il devait être vainqueur. Il se réserva les droits de diffusion des films dans la République mexicaine. Il n’eut pas recours aux cameramen mexicains parce qu’il connaissait les limites du marché, en particulier sous le régime huertiste, et parce qu’il savait que ces films-là seraient difficilement montrés à Mexico.125

Francisco Villa profita, pendant toute la période révolutionnaire, de sa situation géographique proche de la frontière afin d’attirer à la fois le regard des Mexicains et celui des Nord-Américains, très curieux de sa personnalité. Il est vrai qu’il semble avoir été davantage photographié et filmé par les voisins du Nord que par ses propres compatriotes. En côtoyant de si près photographes, cameramen et cinéastes, Villa s’est habitué à la présence de l’objectif ; on ressent cette familiarité sur ses portraits. Cet homme au passé probable de bandit qui a su se faire une place dans les pages de papier satiné et sur les pellicules a fortement contribué à changer l’image que l’on offrait habituellement du peuple aux lecteurs de la presse illustrée. Si les rédactions se méfiaient encore de ses penchants violents et cruels, elles ne pouvaient ignorer son intrépidité et son génie militaire stratégique (du moins avant l’année 1916), deux qualités reconnues en temps de guerre. Bien que dans la presse mexicaine le processus de mythification de Francisco Villa ne s’opère vraiment qu’après 1920, on observe déjà pendant les années de guerre un intérêt certain, si ce n’est de l’admiration, pour ce chef révolutionnaire hors du commun.

3.2.3. Le soldat anonyme : nouvel exemple de « type mexicain » ?

Le simple soldat, celui qu’on appelle le juan – l’un des prénoms les plus courants en langue espagnole – est en revanche très rarement présent en tant qu’individu dans la presse illustrée. Tous les portraits individuels de soldats que nous avons relevés, à l’exception de quatre d’entre eux, correspondent à des officiers ou, si leur grade n’est pas mentionné, au minimum à des « chefs » comme le mentionne la légende.

125 REYES (de los), Aurelio, Cine y Sociedad en México. Vivir de sueños, volume I, 1896-1920, Mexico: UNAM, IIE, 1996, pp.143/144 : « Villa consideraba al cine como uno de los medios más adecuados para hacerse propaganda, lo que no era gratuito si tomamos en cuenta la amplia difusión de la producción mexicana en el estado de Chihuahua, desde tiempos de don Porfirio hasta la época de Madero, por lo menos. En su momento Villa mostró una intuición poco común para la publicidad al aceptar que camarógrafos norteamericanos lo retrataran, pues eran los más capacitados para exhibir sus películas en el extranjero, de ahí que una de las condiciones del contrato era que él fuera el vencedor. Se reservó para sí la exhibición de las películas en la República Mexicana. No acudió a los camarógrafos mexicanos tal vez porque sabía de las limitaciones del mercado, particularmente durante el régimen huertista, y de que esas películas difícilmente se exhibirían en la ciudad de México ».

Pour de plus amples renseignements sur Francisco Villa et le cinéma nord-américain, voir : REYES (de los), Aurelio, Con Villa en México. Testimonios de camarógrafos norteamericanos en la Revolución, Mexico : UNAM, 1985, 411 p.

Le premier de ces quatre portraits anonymes paraît dans La Ilustración

Semanal le 7 octobre 1913 sur une page comportant quatre photographies relatant la

victoire de l’armée fédérale dans la ville d’Empalme. Il s’agit, selon la légende, du « plus jeune des fils du bataillon » ; il porte des cartouchières en guise de ceinture et croisées sur le torse, un fusil dans la main droite et un chapeau aux bords étroits, comme ceux que portent habituellement les fédéraux. Il se tient très droit et regarde fixement l’objectif. La photographie ne permet pas de savoir s’il a été habillé pour l’occasion ou s’il fait véritablement partie de l’armée. À peine un an plus tard, le 24 août 1914, le même revue publie un portrait qui ressemble fortement au premier (figure 41).

Figure 41. La Ilustración Semanal. 24 août 1914. « Type martial d’artilleur et pièce d’artillerie de l’armée constitutionnaliste »

La pose du jeune artilleur est exactement la même que celle du très jeune soldat sur la photographie évoquée ci-dessus. Debout, la tête haute, le regard fixe vers le photographe, son attitude semble figée. Il porte également les mêmes attributs : un fusil dans la main droite reposant sur le sol, des cartouchières sur le torse (mais pas à la ceinture) et un chapeau aux bords plus larges que celui du soldat fédéral. Il est évident que la pose a été prise expressément pour la photographie, afin de faire le portrait d’un soldat constitutionnaliste type. Malgré ce geste d’enregistrement délibéré, l’identité de l’artilleur n’a pas été précisée – peut-être le photographe lui-même ne s’est pas inquiété de la connaître. Il devient alors un soldat anonyme que l’on désigne comme un « type martial d’artilleur ». La légende semble d’ailleurs lui accorder autant d’importance qu’à la « pièce d’artillerie », c’est-à-dire au canon. L’emploi du terme « type », ainsi que la posture figée du personnage signifient clairement que l’objectif

des revues est de montrer à leurs lecteurs une certaine typologie des différents intégrants des factions révolutionnaires. Si ces soldats n’ont aucune charge de pouvoir, leur identité passe au second plan, après la catégorie qu’ils sont censés représenter. Ce portrait rappelle la tradition des « types mexicains » reproduits au format carte de visite au XIXe siècle. Nous retrouvons ainsi un dérivé de ce terme propre à la classification, l’adjectif « typique », pour désigner un membre de l’armée zapatiste dans La Semana Ilustrada (figure 42).

Figure 42. La Semana Ilustrada, 14 août 1912. « Soldat typique de Zapata » (photographie en bas à gauche)

L’homme photographié porte l’« uniforme » zapatiste qui consiste en un