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A la fin des années 1990 et au début des années 2000 : les habitants originaires de Wenzhou

Relations des migrants chinois avec l’espace urbain

2.4 Le processus de concentration : l’histoire de l’arrivée des migrants chinois dans le quartier

2.4.2 A la fin des années 1990 et au début des années 2000 : les habitants originaires de Wenzhou

Une vague de Chinois venant de Chine continentale est arrivée après, dans les années 1990, composée principalement des migrants de Wenzhou et ses alentours. Plusieurs enquêtés m’ont raconté leurs souvenirs et leur expérience en ce qui concerne l’arrivée des migrants chinois. Certains discours ne concordent pas parfaitement, ou même se contredisent, mais c'est acceptable ou même normal dans des récits du passé. En synthétisant ces récits recueillis, nous essayons de rétablir le processus qui a abouti à la concentration des habitants chinois dans ce quartier.

Pour Madame Babara, d’origine hongroise, qui enseigne le français au centre OTTO depuis une dizaine d’années, il n’y avait pas de Chinois au début des années 1990.

67 Maintenant, la mairie propose pendant chaque vacance scolaire des sorties pour les jeunes ou les familles. Mais

à cette époque-là, la mairie n’avait pas encore ce projet, et se sont eux (Daniel et ses copains du quartier) qui ont été les premiers à le proposer.

162 « Elle m’a raconté ses expériences d’enseignement dans le quartier. Selon elle, il n’y

avait aucun Chinois lorsqu’elle a commencé à enseigner dans le centre en 1993. On y voyait par contre beaucoup de Turcs, d’Africains et d’Iraniens. Après, elle est partie travailler ailleurs pour un moment. Quand elle est revenue en 2000, elle a trouvé beaucoup d’habitants chinois. » (Note du journal ethnographique, le 15/04/2013 au

centre OTTO)

Pourtant, sa mémoire ne correspond pas exactement avec les récits des habitants chinois. Plusieurs enquêtés chinois ont dit qu’il y avait déjà pas mal des Chinois résidant dans ce quartier au début des années 1990. J’ai rencontré un monsieur qui est venu au quartier en 1993 et aussi une habitante qui y est arrivée à en 1991, Madame Shu.

« J’ai demandé à Madame Shu de me parler de l’histoire des Chinois dans ce quartier. Pour avoir souvent bavardé avec elle, je savais déjà qu’elle était arrivée en France en 1986 (elle avait 31 à l’époque), et avait déménagé ici en 1991. Elle fait partie des Chinois assez anciens ici, et elle doit avoir son idée sur l’évolution de la composition des habitants.

… (Madame Cai nous a rejointes, après avoir déposé son fils à la ludothèque du centre.) Madame Shu est arrivée à Paris en 1986 et déménagé ici en 1991. Ella a acheté son appartement ici, qui était bon marché. A l’époque, il y avait déjà pas mal de Chinois dans ce quartier, « ceux que je connaissais personnellement représentaient une dizaine de familles », a-t-elle dit. En 1995, elle est partie à la campagne et a loué son appartement à d’autres. Je lui ai demandé à qui, elle a précisé que c’est une famille du Fujian. … Elle y est revenue en 2010. » (Entretien le 23/12/2013 au centre OTTO)

En comparant les deux récits, on peut affirmer que la présence des Chinois dans le quartier a commencé au début des années 1990, mais qu'ils n’étaient pas très nombreux, juste « une dizaine de familles ». L’impression donnée par le récit de Madame Babara est que ces migrants étaient peu visibles. Pourtant, il est indéniable que des familles chinoises se sont installées à La Noue à l’époque.

A partir de l’an 2000, après son retour au centre, Madame Babara a trouvé de nombreux habitants chinois dans le quartier. Son récit implique que, en moins d’une décennie, le nombre

163 des Chinois a rapidement augmenté. Plusieurs habitants m’ont dit qu’ils avaient déménagé à ce quartier à la fin des années 1990 et au début de l’an 2000.

Monsieur Wang, un habitant chinois originaire de Wenzhou que j’ai croisé au restaurant chinois (du bâtiment 3), est arrivé en France clandestinement en 1996, et s’est installé tout de suite dans ce quartier. Des échanges avec lui confirment le processus du rassemblement supposé :

« (W pour Monsieur Wang, DJ pour l’auteure)

W : A cette époque-là il n’y avait pas beaucoup de Chinois, les gens du Fujian ou du Nord-est n'étaient pas encore arrivés.

DJ : Alors depuis quand il commence à y avoir de plus en plus des Chinois ? W : Depuis… (Il réfléchit) 2002.

DJ : On m’a dit que les gens sont moins nombreux aujourd’hui qu’avant.

W : C’est vrai, c’est ce qui s’est passé dans ces année-là, il y a moins de gens qu’avant. »

(Note d’entretien, le 24/05/2013 au restaurant chinois) Quant à Madame Cai, habitante chinoise originaire de Wenzhou, elle est arrivée en France en 1999, et a déménagé dans le quartier depuis 2000. Selon elle, « à cette époque-là il y avait déjà beaucoup de Chinois », dont « beaucoup sous-louaient chez d’autres ».

Monsieur Ke Tianjie, habitant chinois originaire de Wenzhou, est actuellement sans emploi, donc je l’ai croisé plusieurs fois au café en bas du bâtiment 4. Concernant l’arrivée des migrants chinois, il m’a raconté son histoire et livré ses impressions.

« Ça fait 15 ans qu’il est venu en France. Il a déménagé dans le quartier le novembre

2001 et y habite toujours. … Quand il est arrivé en 2001, il y avait déjà beaucoup de gens de Wenzhou, dont la plupart se concentrait au bâtiment 4. » (Note du journal

ethnographique, le 06/11/2013 au café chinois)

Madame Pipa m’a raconté aussi son expérience avec ce quartier. Comme d'autres, elle est venue de Wenzhou et est arrivée en France en 2002, à l’âge 29 ans. Elle a rencontré son

164 mari en France et a maintenant un fils et une fille. Quand on se rencontrait, la famille vivait au bâtiment 1. Elle connaissait bien ce quartier :

« Une fois arrivée en France, elle a habité chez son frère aîné qui s’est installé dans ce

quartier, après, elle a déménagé. En 2006, elle est y revenue et restée deux ans ; en 2008, elle a réaménagé à la Porte Lachapelle du 18ème arrondissement ; deux ans après, elle est revenue à ce quartier et a repris le contrat de bail de son frère aîné, qui était parti à la campagne pour ouvrir son propre restaurant. Elle s’est rappelée qu’en 2006, quand elle est revenue pour la première fois, les Chinois étaient plus nombreux que maintenant ». (Note du journal ethnographique, le 15/04/2013 au centre OTTO)

Si l'on se fie à ses souvenirs, on peut voir que l'augmentation du nombre des migrants chinois au quartier de La Noue s’est passée entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, et est alimenté principalement par l’arrivée de vagues de migrants originaires de Wenzhou.

A partir de 2002 et 2003, l’arrivée des migrants chinois persistait, pourtant, sa composition démographique s’est diversifiée avec l’arrivée de migrants originaires du Fujian et du Nord de la Chine. Dans les souvenirs des habitants plus anciens, ces nouveaux-arrivants étaient souvent présents.

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