Accéder au logement : deux moyens majeurs

Deux moyens principaux sont employés par les immigrants chinois pour accéder au logement par l’entremise du marché ethnique : soit ils y accèdent par l’intermédiaire de liens interpersonnels, soit par l’Internet, un moyen effectif pour accéder aux informations concernant les logements disponibles.

En ce qui concerne le premier moyen, les migrants chinois obtiennent les informations sur le logement par l’intermédiaire des réseaux interpersonnels, comme des membres de famille, des amis ou des collègues. Les informations circulant par ce moyen, limitées par les liens interpersonnels peu étendus des migrants dans le pays d’accueil, sont néanmoins très restreintes. Ainsi, les migrants ne se limitent habituellement pas à un seul moyen, ils emploient souvent les deux moyens en même temps : ils demandent des informations auprès de leurs connaissances pendant qu’ils font des recherches sur l’Internet, à savoir le site Huarenjie.

En 2006 SINOCOM SARL a ouvert Huarenjie45(Avenue des Chinois [d’outre-mer] en français), un site de communication et de partage qui déclare son objectif ainsi : « fournir une plate-forme riche et efficace d'information et socialisation locale pour les Chinois en Europe, même partout dans le monde ». Maintenant, ce site est devenu la communauté en ligne la plus connue chez les immigrés chinois en France, en Espagne et en Italie, si ce n'est dans toute

45 _{« Huaren » dans le nom du site « Huarenjie » veut dire les Chinois d’outre-mer, ce qui désigne la clientèle visée}

99 l’Europe. Dans ces dernières années, la société s’est également développée en Angleterre, au Japon, en Allemagne et même en Roumanie et cherche de nouvelles coopérations commerciales et des partenaires dans d’autres pays du monde qui sont également des pays de destination pour les Chinois.

Figure 10 Image 1 du site Huarenjie46

46 _{Les pays affichés sont : France, Italie, Espagne, Angleterres, Japon, Allemagne, Roumanie, mais d’autres pays}

sont disponibles. Les internautes cliquent au-dessus pour choisir le pays où ils séjournent ou auxquels ils s’intéressent. Les forums les plus vivants sont les trois premiers.

100 Ce site a pour objectif de faciliter la circulation de toute sorte d'information dans la communauté chinoise : logement, emploi, achat/vente d’un commerce, voyage, restaurant et karaoké, forum de communication où les internautes chinois peuvent échanger leurs idées sur la vie en France, la vie familiale, les questions sentimentales, la relation parents-enfants, etc. Une image de l’en-tête du site ci-dessous nous montre tous les secteurs concernés.

Sous la grande barre de Figure 1-5, on voit deux blocs, l’un en bleu se penche sur « la vie », l’autre sur « la communauté ». Dans le bloc « la vie », on voit plusieurs sujets fondamentaux, tels que le logement, l’emploi et le recrutement, l’achat et la vente de commerce, loisirs et voyages, etc. Dans le bloc « la communauté », on peut voir des sujets populaires comme Bavardage sur la France, Secrets sentimentaux, Rencontres, Questions et réponses, etc. Ce site est un forum gratuit. Avant que l’Internet devienne populaire parmi les Chinois d’outre-mer, les derniers utilisaient un autre moyen : ils affichaient des petites annonces sur les murs extérieurs des boutiques asiatiques où il y avait une forte fréquentation. Aujourd’hui, avec le développement technique et la popularisation des appareils informatiques tels que l’ordinateur ou les smartphones, Internet a un rôle de plus en plus important dans la vie quotidienne des migrants chinois, surtout dans leur recherche du logement et du travail. Plusieurs enquêtés ont trouvé leurs logements via ce site.

Madame Pipa, ancienne habitante du bâtiment 1, connaît le quartier La Noue par son frère aîné, qui y était installé avant elle. En 2002, l’année de son arrivée en France, elle est arrivée au quartier La Noue car elle était logée chez lui. Bien qu’elle ait quitté deux fois le quartier, elle est y revenue en 2010 en reprenant le contrat de bail de son frère. Elle y a habité

101 jusqu’en 2016, où elle a acheté son propre appartement qui se trouve tout près du quartier La Noue.

Comme Madame Pipa, Monsieur Ke Tianjie est arrivé dans ce quartier en novembre 2001 car il avait des familles qui résidaient au bâtiment 2.

Monsieur Qin Xiaoshan est un migrant chinois originaire du Fujian. Il réside dans ce quartier par le même moyen. Pourtant, à la différence des deux premiers enquêtés, son accès au logement était payant :

(Une fois arrivée à Paris) Il y avait un habitant de sa ville qui est passé à la gare pour le chercher et puis l’a amené dans le logement dans le quartier où il séjourne toujours. Ce « service d’accueil » lui a coûté 300 euros. (Note d’entretien le 04/12/2013 au

centre)

D’autres enquêtés ont pu accéder au logement grâce aux annonces de location publiées sur Internet. Madame Zhou Liuying, une migrante chinoise originaire de Wenzhou que je connais depuis longtemps, qui vivait chez sa sœur aînée jusque début 2014, a finalement trouvé une chambre pour elle dans le 3ème arrondissement de Paris via le site Huarenjie.

La comparaison entre ces deux moyens montre que l’offre du logement via Internet est plus abondante que celle à laquelle on peut accéder via le réseau d'interconnaissances. En revanche, passer par l’entremise d’Internet comporte plus de risques.

A partir de ces cas mentionnés ci-dessous, nous avons constaté que les offres du logement viennent souvent des migrants chinois eux-mêmes. C'est pourquoi on trouve parmi propriétaires des migrants dans la majorité des cas leurs propres compatriotes, sinon des Chinois originaires de l’Asie du sud-est, même s'il reste une proportion minoritaire de propriétaires non chinois. En outre, une part des informations sur le logement ne circule qu’au sein de ces réseaux, dont les acteurs sont majoritairement des Chinois. C’est justement dans ce sens que nous définissons la formation d’un marché ethnique du logement.

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