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Double exclusion : la restriction des politiques migratoires et l’exclusion du marché

Les politiques migratoires ont des influences sur l’immigration même avant leur départ : en classifiant les travailleurs comme « non désirés », elles érigent des obstacles sur le chemin de l’immigration, espérant pouvoir la « gérer ». Dans leurs études sur l’immigration chinoise illégale aux Angleterres, Xiang et Pieke montrent bien que le gouvernement britannique possède la même posture en ce qui concerne l’immigration,

« Cette posture (la gestion de l’immigration), … exerce une contrainte et une influence réelles non seulement sur la « production » d’émigrants par le pays d’origine, mais aussi sur le déroulement de la migration, ainsi que sur la façon de vivre et de travailler des immigrés. » (2009 : 99)

En France également, malgré sa volonté et ses efforts, la politique de « l’immigration choisie » ne réussit peut-être jamais, au contraire, elle pousse les immigrés potentiels à chercher d’autres chemins, à adopter d’autres stratégies pour réaliser leur projet migratoire, qui coûteront

43 plus chers et mettront les immigrés dans une situation plus vulnérable et plus dangereuse. Le durcissement des politiques migratoires et la fermeture de la frontière sont les deux raisons principales des naufrages tragiques en Méditerranée. En ce qui concerne les migrants chinois en France, si leur parcours est moins tragique, il n’est pas moins aventureux. Parmi mes enquêtés, plusieurs sont parvenus à mettre le pied sur le territoire français après des mois de trajet après avoir traversé toute l’Europe.

Monsieur Tu Shangbei, ancien habitant du quartier de La Noue, a eu un trajet migratoire aventureux. Nos rencontres ont eu lieu à plusieurs reprises, dans le centre municipal du quartier, dans le quartier, chez lui, dans le 13e arrondissement, etc. Né en 1971 à Fuqing, Fujian, il est

parti de Chine en juin 2006, et arrivé en France en janvier 2007. Il est parti seul, laissant sa famille en Chine. Le trajet durait sept mois. A la trajectoire organisée de la tête de serpent (passeur), il est d'abord arrivé à Pékin en autocar, puis à Moscou par le train ; après une dizaine de jours de séjour, il est arrivé à Varsovie en passant par la Biélorussie ; encore une dizaine de jours d'attente, il a pu venir à Berlin en voiture ; là, il a été arrêté par les policiers allemands quand il attendait le train pour la France, et été mis au centre de détention pendant six mois21. Après la sortie du centre de détention, il est finalement arrivé sur le territoire français. Son beau-frère qui était déjà en France l'a accueilli et l'a amené au quartier de la Noue, où il a habité jusqu’à son retour en novembre 2013 en Chine. Monsieur Qin Xiaoshan, un autre habitant du quartier de La Noue, est aussi originaire du Fujian. Il a eu une histoire similaire que son compatriote Monsieur Tu :

Il a pris le chemin en octobre 2002, et arrivé en France en mars, 2003, en passant par la Russie, l’Ukraine, la République Tchèque et l'Allemagne. « Tu as pris le train ? », je lui ai demandé. « Parfois, c'est le train, parfois, c'est la voiture » a-t-il répondu. Parfois il lui arrivait aussi de prendre des camions, ou de marcher à pied dans la montage. Ce long voyage lui a coûté 13 000 euros, plus 2 300 euros de dépense pendant le voyage. « C’est une période où la sortie coûtait cher, quels ans plus tard, le prix a diminué », a- dit-il. (Note de l’entretien, le 04/12/2013

La trajectoire migratoire de ces deux cas montre le caractère aventureux que l'émigration prend pour les Chinois comme pour les autres immigrés : le long trajet, les dépenses coûteuses et le danger d’être arrêté ou expulsé ne découragent pas les migrations à l’échelle mondiale.

44 Même après l’arrivée au pays d’accueil, l’effet de négation ou d’exclusion de la politique migratoire persiste toujours, mais l’exclusion fonctionne différemment : si avant le départ, les politiques migratoires visent à empêcher l’arrivée, après, c’est la négation des droits. Classés comme « immigrés illégaux », ils ne sont pas autorisés à travailler légalement et se retrouvent ainsi exclus du marché du travail formel. En plus, leur façon de vivre et de travailler est également influencée par la crainte du contrôle policier. Outre l’exclusion juridique de la politique migratoire, les migrants illégaux souffrent aussi de l’exclusion provenant du marché formel. Par exemple, le marché du travail dominant et formel, en mettant en valeur les compétences individuelles et les certificats des compétences professionnelles, n’est pas favorable à ces immigrants « par le bas », dont les profils sociologiques répondent peu à ses demandes. Les immigrants chinois sont en général des travailleurs peu qualifiés ou non qualifiés, avec un niveau d’éducation limité. La plupart ont fini leurs études à l’école primaire ou au collège et ne maîtrisent pas la langue française.

En plus d’un statut irrégulier, ces immigrants sans-papiers sont exclus du marché du travail formel. Ainsi, cette exclusion sociale a pour mécanisme une conjonction de différents éléments politiques et économiques. Face à cette double exclusion, comment les migrants chinois réagissent-ils ? En ce qui concerne le logement, première question à résoudre une fois arrivée, comment les migrants chinois trouvent-ils un logement en France, sous les conditions défavorables ?

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