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Figure 2 Le mélanocyte, producteur du pigment mélanique, dialogue avec les kératinocytes en réponse aux UVs.

Schéma de l’architecture de l’épiderme humain. Les mélanocytes se situent au niveau de l’assise basale.

Leurs prolongements, qui leur confèrent une forme étoilée, permettent l’interaction avec les kératinocytes de la couche muqueuse et le transfert des mélanosomes. Adapté de Natarajan et al, 2014.

mélanosomes mélanocyte couche basale couche muqueuse couche granuleuse couche cornée kératinocytes

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brune, et absorbent totalement la lumière : ils exercent donc un réel pouvoir photoprotecteur.

- une seconde voie de synthèse implique l’incorporation de dérivés soufrés (cystéine, glutathion), à l’origine des phaeomélanines (phaeomélanogenèse). Ces pigments, au contraire des eumélanines, sont jaunes orangés et n’ont pas ou très peu de pouvoir photoprotecteur, et ont même un fort potentiel mutagène (Ranadive and Menon 1986). Le mélange des mélanines constitue un film photoprotecteur plus ou moins capable d’absorber les rayons UVs (UVA et UVB dissipés sous forme de chaleur), et son ratio eu/phaeomélanine conditionne le phototype cutané d’un individu et par conséquent sa plus ou moins forte vulnérabilité face à la partie cancérogène du spectre du soleil que sont les UVs, à l’origine de dommages à l’ADN (El Ghissassi et al. 2009).

Dans les mélanocytes, les mélanines s’accumulent dans des vésicules appelées mélanosomes. Grâce à leurs nombreuses dendrites, les mélanocytes sont en étroite communication avec les cellules environnantes de l’épiderme et notamment avec les nombreux kératinocytes environnants dans l’épiderme auxquels ils transfèrent les mélanosomes (Figure 2).

Les kératinocytes représentent 85% de l’épiderme. Ces cellules naissent par division cellulaire au plus profond de l’épiderme, dans la « couche basale ». Elles subissent ensuite un double mouvement, s’aplatissant et remontant peu à peu vers l’extérieur. Arrivées en surface, elles perdent leur noyau et meurent, formant la « couche cornée ». Elles s’éliminent par desquamation. En plus de leur rôle dans la synthèse de kératines importantes pour la cohésion de l’épiderme et son imperméabilité face au milieu extérieur, les kératinocytes jouent un rôle primordial dans la photoprotection de la peau :

- ils redistribuent, d’une part, les mélanosomes issus des mélanocytes chargés de mélanines vers leur pôles apicaux où ces derniers s’agrègent en chapeau supra-nucléaire sur le côté du noyau exposé aux rayons solaires (Byers et al. 2007). Ainsi, les mélanosomes forment un véritable écran solaire interne aux cellules qui protège l’ADN kératinocytaire de la capacité mutagène des rayonnements ultraviolets (pour revue,(Lin J. Y. and Fisher 2007)).

- d’autre part, les kératinocytes participent à la régulation de la synthèse de mélanines par les mélanocytes, en particulier en réponse aux stress UVs, via la synthèse et la sécrétion d’une hormone : l’αMSH (melanocyte stimulating hormone alpha) qui se fixe sur leur récepteurs spécifiques MC1R (melanocortin receptor 1) exprimés par les mélanocytes (Kameyama et al. 1988). Le couplage de ce récepteur à une protéine G se traduit alors par un signal intracellulaire de type Adénylate cyclase-AMPc-PKA-CREB, CREB allant transactiver l’expression du gène MITF, évoqué précédemment (Bertolotto et al. 1998). Alors surexprimée, la protéine MITF induit dans le mélanocyte la transcription des gènes de la famille des TYR (TYROSINASE, TRP1, TRP2), impliqués dans la synthèse de mélanine. L’effet ultime de la signalisation de MC1R est le « switch » de la production de phaeomélanines vers la production d’eumélanines.

Finalement, le duo mélanocyte-kératinocyte est primordial pour assurer la photoprotection intrinsèque de la peau d’un individu.

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D’autre part, c’est ce couple qui est à l’origine de l’homéostasie mélanocytaire au sein de l’épiderme. Les kératinocytes entrent en jeu dans la fonction de cellules très différenciées des mélanocytes, la mélanogenèse, via la sécrétion d’hormones pro-mélanogéniques (alphaMSH et ACTH), mais participent également à freiner leur prolifération au profit de leur différentiation. En effet, le mélanocyte est finement régulé par son microenvironnement kératinocytaire :

- les adhérences mélanocyte-kératinocyte médiées par la cadhérine E ou les adhérences mélanocyte-matrice constituent un point d’attache fort qui maintient le mélanocyte ancré au sein de son microenvironnement et à la lame basale de l’épiderme (Johnson 1999).

- le bFGF (Halaban et al. 1988), l’HGF (Hirobe et al. 2004), le SCF (Hachiya et al. 2004), ou encore les endothélines 1, 2 et 3 (Imokawa et al. 1997) sont autant de facteurs diffusibles que sécrètent les kératinocytes, et qui induisent au sein du mélanocyte la régulation de protéines du cycle cellulaire via la voie des MAPkinases ERK (cf. partie I.B), ou encore des protéines kinase C (PKC).

b. Le mélanocyte unité basale du « grain de beauté ».

Les Naevi Communs ou « grain de beauté », comme cela a été mentionné précédemment, sont des lésions pigmentées, siège d’une prolifération mélanocytaire bénigne épidermique et/ou dermique. Ces grains de beauté peuvent être congénitaux (rares), mais ils apparaissent et se développent en général au cours de la vie, en particulier lors de l’adolescence. Dans la majorité des cas, ces amas naissant de mélanocytes se stabilisent rapidement car les mélanocytes entrent dans un état de sénescence et s’arrêtent de proliférer. Dans le cas du mélanocyte naevique cette sénescence, est induite par un oncogène (pour revue, (Kaplon et al. 2014)). On parle alors de d’OIS (Oncogene-induced senescence)2, un programme de suppression tumorale: en réponse à un stress permanent tel que celui induit par un oncogène3, une cellule est capable d’activer des voies de signalisation dépendantes de gènes suppresseurs de tumeur4

Serrano et al. 1997

qui vont promouvoir un arrêt de la prolifération cellulaire pour compenser l’effet premier de l’oncogène ( ).

Les naevi bénins ont été les premières lésions chez l’Homme qui ont permis de mettre en évidence que l’OIS représentait une barrière pour la progression de pathologies (Gray-Schopfer et al. 2006, Michaloglou et al. 2005). Trois différentes études ont montré dans les années 2000 que des formes oncogéniques de BRAF et NRAS sont respectivement retrouvées dans 70% et 10% des naevi communs de manière exclusive (Davies et al. 2002, Pollock et al. 2003, Yazdi et al. 2003). Alors que la présence de mutations oncogéniques de BRAF dans des naevi est associée à un état de prolifération très bas souvent maintenu durant des dizaines d’années (Mooi and Peeper 2006, Pollock et al. 2003), il existe des phénomènes d’échappement. Certains naevi vont réussir à échapper à l’OIS, proliférer, et donner naissance à une lésion de type mélanome : cette progression ne peut avoir lieu qu’en présence d’une ou plusieurs altérations additionnelles qui

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L’OIS est considéré comme un modèle de sénescence prématurée si l’on se réfère à la sénescence classique qui marque la limite de réplication d’une cellule ou « Hayflick limit » (Hayflick, 1965).

3Les oncogènes appartiennent à une catégorie de gènes qui, lorsqu’ils subissent des altérations (mutations, amplification, etc), codent pour des onco-

protéines favorisant la prolifération anormale des cellules et donc la survenue de cancers.

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Les gènes suppresseurs de tumeurs appartiennent à une catégorie de gènes codant pour des protéines qui régulent négativement la prolifération cellulaire.

Tumeur maligne Lésion Apoptose Expansion Cellules normales Réponse antiproliférative (immédiate) Sénescence Cellule sénescente Cellule avec mutation(s) oncogénique(s) Tumeur bénigne en sénescence Echappement à la sénescence Echappement à la sénescence ou l’apoptose Apoptose mutation(s) additionnelle(s)

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