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On sait depuis longtemps que le XVIIIe

« Alors que l'effort des savants du XVII

siècle ne commence dans l'histoire des idées, ni en 1715 ni même en 1700. Paul Hazard date de 1685 le début de la crise de la conscience européenne, où s'affirme déjà tout l'esprit de l'âge des lumières. La fiction voltairienne du « siè-cle de Louis XIV » avait masqué la continuité profonde du chemine-ment intellectuel qui se poursuit depuis la Renaissance. Newton naît en 1642, l'année même où meurt Galilée : dès 1687, avec les Philoso-phiae naturalis principia mathematica de Newton, la science moderne affirme sa précoce maturité. Et sur le chemin qui mène de Galilée à Newton, les Principes de la Philosophie de Descartes, en 1644, ne figurent qu'un épisode nullement décisif. Ou plutôt, ils jalonnent une impasse, en dehors de la droite voie de la physique moderne.

e siècle, dans les laboratoi-res et les observatoilaboratoi-res, écrit Paul Mouy, allait à collectionner des faits astronomiques, physiques, chimiques, constatés avec le plus

d'exacti-tude et le plus de précision possible, alors que les grandes découvertes de ce temps se faisaient par des rapprochements de faits et des discus-sions de chiffres expérimentaux, on est étonné du mépris où Descartes tient les faits, aussi prompt à les écarter qu'à les expliquer et, semble-t-il, tout à fait indifférent à les observer lui-même. Avec ce mépris contraste étrangement la manie qu'a Descartes de poser, si l'on peut dire, la question de confiance et d'engager le destin de sa physique entière, à propos de telle question de fait, le mouvement de la terre ou la vitesse de la lumière. (...) La physique de Descartes est un système, et même, si l'on peut dire, un bloc, étroitement solidaire de la méta-physique (...) Le cartésianisme scientifique est un a priorisme intégral, la physique cartésienne est une physique de principes... 139

Or tout le XVIII

»

e

La physique scolastique, dans la tradition aristotélicienne, est une physique des formes substantielles ; elle cherche ses explications dans le répertoire imaginatif des qualités sensibles. Le feu est un élément chaud et sec, l'air un élément chaud et humide ; les qualités calorifi-ques, frigorifique, lumineuse, invoquées à plaisir pour tenir lieu de

siècle s'enchante, jusqu'à l'enfantillage, de « phy-sique expérimentale » : il découvre dans ce domaine un nouveau mer-veilleux de science-fiction dont useront habilement les charlatans de l'électricité et du magnétisme animal, par exemple. C'est assez dire que l'influence de Descartes, d'ailleurs jamais incontestée, s'efface de-vant celle de Newton, sous l'invocation duquel se placent bon nombre des plus grands esprits du siècle. La synthèse newtonienne propose en effet à l'admiration des contemporains le triomphe cosmologique de l'intelligibilité mécaniste. D'époque en époque, [106] la science la plus avancée, celle qui réussit le mieux, donnant ainsi la plus complète sa-tisfaction aux exigences mentales prédominantes, exerce sa fascina-tion sur l'ensemble du savoir ; elle sert d'idéal, ou de modèle, pour les disciplines encore en quête de leur propre chemin. Au Moyen Age, c’est la théologie qui sert ainsi de modèle épistémologique dans l'es-pace intellectuel de la scolastique. Au XVIIIe siècle, les plus grands esprits rêvent d'être, chacun pour sa part, le Newton de leur secteur de connaissance ; telle est, par exemple, l'ambition d'un Hume, d'un Hal-ler, d'un Voltaire, d'un Buffon, d'un Barthez...

139 Paul Mouy, Le Développement de la physique cartésienne, Vrin, 1934, p.

323.

justification aux phénomènes correspondants, permettent ainsi de constituer une physique concrète, au niveau de la sensation. Le méca-nisme, à partir de Galilée, refusant les formes substantielles, élabore une physique de l'intellect, fondée sur la critique systématique des qualités sensibles, attribuées aux hasards de la perception humaine et non aux choses elles-mêmes. Sous le revêtement des apparences, la réalité se compose d'une matière en mouvement, dont les actions et réactions se négocient selon l'obéissance abstraite aux normes mathé-matiques.

Galilée définit la nouvelle structure de l'ordre du monde ; il en dé-couvre certaines configurations, mais il ne parvient pas à la formule d'ensemble, à l'équation d'univers, dont rêveront un Laplace et un Einstein. L'œuvre physique de Descartes est en retrait par rapport à celle de Galilée. « A la métaphysique confuse des scolastiques, obser-ve un historien des sciences, il substitue non l'analyse des faits, mais une métaphysique encore, plus claire et plus distincte 140. » La physi-que de Descartes n'est ni expérimentale, ni mathématiphysi-que : « c'est le vice essentiel de la théorie des tourbillons de ne pas comporter de lois mathématiques. Tout se passe dans l'univers cartésien par l'action et la réaction de causes mécaniques, mais la complexité des effets est telle qu'on ne peut les résumer en un petit nombre de formules » 141. Et cet-te complexité même correspond à un recours à l'imagination, pourtant condamnée en principe. Les femmes savantes de Molière ne s'y trom-pent pas, qui s'enthousiasment pour le jeu si plaisant des tourbillons.

« Ce ne sont que boules, aiguilles, crochets et vis, note Mouy ; l'expli-cation des phénomènes est une description des faits mécaniques usuels, à l'échelle inférieure. On dirait que, pour Descartes, expliquer, c'est maintenant rendre familier et non plus réduire à l'évidence, ou plutôt il semble que l'évidence cartésienne s'est dégradée de l'enten-dement à l'imagination 142

Le génie de Newton, échappant à ces contradictions, dégage la pensée physique de l'ornière imaginative. Il prolonge et accomplit le

. »

140 Léon BLOCH, La Philosophie de Newton, Alcan, 1908, p. 420.

141 Ibid., p. 271.

142 Paul MOUY, La Matière dans la pensée moderne, de Descartes à Lavoisier, dans : Qu'est-ce que la Matière ? 11e semaine de synthèse, P.U.F., 1945, p.

44.

pan-mathématisme galiléen, en consacrant son union avec la théorie corpusculaire déjà adoptée par les savants et les philosophes mécanis-tes du début du XVIIe siècle, Hobbes, Gassendi, Roberval, Hooke, etc... L'ordre du inonde, selon Newton, se compose en termes de ma-tière et de mouvement dans un espace vide, infini et homogène. Et cette négociation se réalise selon des formules rigoureusement ma-thématiques, avec l'appui des nouvelles techniques, telles que celles du calcul infinitésimal. La loi de l'attraction newtonienne exprime, [107] dans son unité algébrique, l'essence quantitative d'un univers désormais soustrait à l'emprise des représentations sensibles 143. Ce schéma d'intelligibilité unitaire fait autorité pour l'ensemble du réel : la lune tombe comme une pomme, la pomme tombe comme une lune, pour les mêmes raisons et dans un même espace. Le rêve galiléen est enfin accompli ; une même justice prévaut sur la terre comme au ciel.

Les normes rationnelles et chiffrées qui font de la lune un satellite de notre globe permettent d'expliquer pourquoi la pomme n'est pas un satellite... « Il fallait être Newton, écrit Valéry pour apercevoir que la lune tombe, quand tout le monde voit bien qu'elle ne tombe pas 144

Newton n'est pas, en son temps, un isolé. Il met en oeuvre des thèmes que d'autres s'efforçaient, autour de lui, d'élaborer ; son œuvre est d'ailleurs vaste et diverse ; elle n'est pas également parfaite en tou-tes ses parties. Mais le génie propre de Newton, et sa validité prophé-tique, s'affirment dans la conception d'une nouvelle philosophie natu-relle, en complète rupture avec la philosophie naturelle d'Aristote et de la scolastique ; au règne des qualités occultes se substitue désor-mais, en droit et en fait, le règne des quantités intelligibles. Une étape décisive est franchie dans l'interprétation de l'univers. En 1786 encore, à peu près exactement un siècle après les Principes de Newton, Kant, dans ses Premiers Principes métaphysiques de la science de la nature tentera de déduire la cosmologie newtonienne de la structure a priori de l'entendement humain, comme si, à ses yeux, la nouvelle physique était aussi définitive que la logique d'Aristote, elle aussi promise à l'éternité, selon le maître de Kœnigsberg.

. »

143 Cf. A. KOYRÉ, The significance of the newtonian synthesis, Archives inter-nationales d'histoire des Sciences, no 11, 1950.

144 VALÉRY, Mélange, N.R.F., 1941, p. 176.

Le XVIIIe

Voltaire développe pour sa part le parallèle entre Descartes et Newton, justifiant la supériorité qu'il reconnaît au second sur le pre-mier. « La géométrie était un guide sûr que Descartes avait en quelque façon formé, et qui l'aurait conduit sûrement dans sa physique. Ce-pendant il abandonna à la fin ce guide, et il se livra à l'esprit de systè-me. Alors sa philosophie ne fut plus qu'un roman ingénieux

siècle a vécu sous le charme de la synthèse newtonien-ne. Aux femmes savantes, aux précieuses faussement cartésiennes de Molière s'oppose l'étonnante figure de la marquise de Chatelet, qui traduit en français le grand ouvrage de Newton, d'après la troisième édition latine de 1726. Voltaire lui-même, grand esprit trop méconnu, se fait l'enthousiaste introducteur en France des idées newtoniennes, déjà présentées par Fontenelle d'ailleurs, dont l'Eloge de Newton est de 1727. Les Lettres philosophiques de Voltaire, en 1734, ses Elé-ments de la philosophie de Newton, en 1738, contribuent efficacement à la diffusion des thèses du savant anglais à travers l'Europe des Lu-mières.

145... » Le mérite de Newton a donc été de rompre avec le « roman » cartésien, déjà dénoncé par Leibniz, et, ce faisant, de répudier l'esprit de systè-me, que les meilleurs esprits du siècle découvrent à la source de tous les maux intellectuels. Le Traité des Systèmes, de Condillac, en 1749, sera l'une des professions de foi du siècle. Newton, au dire de Voltai-re, « ne fit jamais de système » ; ce qui permet à l'historien d'esprit positif qu'est Léon Bloch d'assurer que Voltaire et Newton « sont les précurseurs du positivisme » 146.

Seulement cette formule même atteste un malentendu sur la pensée de Newton, et l'erreur de Léon Bloch prolonge une faute d'interpréta-tion qui [108] sans doute se trouve déjà dans l'esprit de Voltaire lui-même. On fait honneur au théoricien de l'attraction d'avoir uni étroi-tement l'expérience et le calcul, sans se préoccuper d'autre chose que de l'ordonnancement intelligible des phénomènes selon les normes mathématiques. Tout se passe comme si Voltaire, et bien d'autres après lui, voyaient en Newton le précurseur d'Auguste Comte, celui qui fait passer la théorie physique du stade cartésien de la

145 VOLTAIRE, Lettres philosophiques, XV : Sur le système de l'attraction.

146 Léon BLOCH, La Philosophie de Newton, p. 545.

que des principes au stade positif de la légalité rigoureuse, où l'on constate l'enchaînement des faits sans l'interpréter en vertu d'entités transexpérimentales.

Cette interprétation se fonde sur le fameux hypotheses non fingo du Scholium generale qui suit la détermination des lois de la gravitation dans les Principia. « Jusqu'ici, traduit la marquise du Châtelet, je n'ai pas été capable de parvenir à déduire des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je n'imagine point d'hypothèses, car tout ce qui ne se déduit point des phénomènes est une hypothèse, et les hypo-thèses, soit métaphysiques, soit physiques, soit mécaniques, soit celles des qualités occultes, n'ont pas de place dans la philosophie expéri-mentale. » Aux yeux de la plupart des commentateurs, à commencer par Mine du Châtelet et son ami Voltaire, l'hypothèse ainsi condam-née serait l'équivalent du funeste « esprit de système » cartésien, dont Newton se serait ainsi débarrassé à jamais.

Or Koyré a fait voir, par une étude minutieuse et sagace des textes, que cette traduction comporte un contresens : l'erreur de traduction implique une erreur d'interprétation qui s'est imposée depuis lors au jugement de la postérité. Dans le contexte mental du Newton histori-que, et selon la tradition de l'astronomie classihistori-que, depuis Ptolémée et Copernic, le mot hypothèse désigne une sorte de modèle épistémolo-gique destiné à rendre compte des apparences, à « sauver les phéno-mènes », sans que l'on se prononce sur la validité intrinsèque de ce schéma. Il est donc posé, comme une convention, non pas affirmé comme une loi de la nature. Koyré cite à l'appui de son interprétation le texte lumineux des Principes de la Philosophie (III, 44), où Descar-tes déclare : « Je désire que ce que j'écris soit seulement pris pour une hypothèse, laquelle est peut-être fort éloignée de la vérité, mais, enco-re que cela fût, je croirai avoir beaucoup fait si toutes les choses qui en sont déduites sont entièrement conformes à l'expérience (...) J'en supposerai ici quelques-unes que je crois fausses, bien que leur faus-seté n'empêche point que ce qui en sera déduit ne soit vrai. » Selon l'interprétation proposée par Koyré, c'est cette procédure, en elle-même fort suspecte, que Newton se refuse à employer pour son comp-te : « Hypotheses non fingo », « je ne feins pas d'hypothèses », veut

donc dire tout simplement : « Je n'utilise pas de fictions et de proposi-tions fausses comme prémisses et explicaproposi-tions 147

Mais s'il refuse les interprétations fictives et gratuites, Newton ne s'interdit nullement de chercher, par delà les phénomènes, rigoureu-sement ordonnés, les principes premiers et les fins dernières qui les suscitent et les justifient. C'est-à-dire que Newton n'est pas un positi-viste au sens moderne du terme, qui se contenterait de relever la léga-lité des faits sans se soucier de remonter jusqu'aux causes physiques et même métaphysiques. Bien au contraire, la théorie scientifique de Newton se constitue en fonction d'une métaphysique et d'une théolo-gie sous-jacentes. La physique de Newton est une physique de croyant ; l'expérience et le calcul déchiffrent la présence de Dieu dans le monde ; c'est la puissance divine, rayonnant à travers [109] l'espace, qui assure à la fois la cohésion et la permanence de l'univers. Dans l'esprit même de son auteur, l'œuvre newtonienne n'est qu'un commen-taire de la parole du Psalmiste selon laquelle « les cieux racontent la gloire de Dieu ». Cela est si vrai qu'à la fin de sa vie, encore, tout en poursuivant ses recherches savantes, Newton écrit des Observations sur les prophéties de Daniel et sur l'Apocalypse, dont le sujet même atteste une prédilection pour les textes mystiques et visionnaires les plus difficiles

. »

148

Autrement dit, pour nous, aujourd'hui, il semble y avoir opposition d'intention entre Berkeley ou Malebranche, qui détruisent la nature pour fonder toute connaissance sur la seule foi, – et Newton, qui orga-nise un savoir scientifique apparemment autonome. Pourtant, en fait, Newton partage la conviction des métaphysiciens selon lesquels

l'or-.

147 A. KOYRÉ, L'hypothèse et l'expérience chez Newton, Bulletin de la Société française de philosophie, 1956, p. 66.

148 Le non-positivisme de Newton lui a d'ailleurs été parfois reproche comme une absurdité impardonnable. Par exemple, Adolphe Bossange, qui préface en 1876 l'édition des Œuvres de Volney publiée chez Firmin Didot, relève que l'histoire des grands hommes et des savants « est un tissu de contradic-tions singulières. Le citoyen de Genève, qui consacre ses veilles au bonheur des enfants, abandonne froidement les siens (...) Voltaire, qui porte des coups si audacieux au despotisme, sollicite et reçoit la clef de chambellan des mains de Frédéric. Newton, qui voue sa vie à la recherche de la vérité, commente l'Apocalypse ». (Loc. cit., p. 1.) Texte qui mérite d'être inscrit au livre d'or de la sottise humaine.

dre du monde est une parole de Dieu : la nature elle-même est une Révélation. Newton n'est pas un positiviste ; plus exactement, le posi-tivisme n'est pas encore né en 1687. Il s'affirmera vraiment, comme le signale Koyré, avec le Traité de Mécanique céleste de Laplace, en 1799. Cette fois, le Dieu de Newton est réduit à la condition d'un « roi fainéant » ; et comme Bonaparte demande au savant quelle place il assigne à Dieu dans son système, Laplace répond : « Je n'ai pas besoin de cette hypothèses 149

Entre le traité de Newton et celui de Laplace, il y a un peu plus d'un siècle, et tout l'espace mental d'une révolution. Or la tradition de Laplace ayant prévalu, dans l'ordre scientifique, nous lisons aujour-d'hui un Newton revu et corrigé, et surtout considérablement abrégé, dans l'esprit du positivisme moderne. Seulement, il importe de noter que le contresens sur l'œuvre newtonienne s'affirme dès le XVIII

. »

e siè-cle : nous l'avons relevé chez Voltaire, et l'on peut dire qu'il existe chez presque tous les newtoniens, c'est-à-dire les partisans de ce qu’on appelle alors la « philosophie expérimentale ». L'erreur d'interpréta-tion devient une vérité historique, si l'on veut comprendre l'idéal du savoir que les philosophes et les savants vont mettre en œuvre dans tous les domaines de la connaissance. La lecture de Newton par les hommes du XVIIIe siècle commande l'influence exemplaire exercée par Newton au XVIIIe

En fait, le Newton du siècle des Lumières est celui qui définit le concept d'attraction comme une simple expression mathématique, sans lui donner de signification réelle par delà l'ordre même du calcul. « Je me sers en général du mot attraction, écrit Newton, pour désigner tou-te tou-tendance des corps à se rapprocher les uns des autres, que cettou-te tou- ten-dance provienne soit de l'action des corps se cherchant mutuellement, en s'agitant les uns les autres par les esprits qu'ils émettent, soit de l'action de l'éther, de l'air, ou de quelque milieu corporel ou incorpo-rels

siècle.

150

149 KOYRÉ, The significance of the newtonian synthesis, ..., p. 20.

... » Il y a donc une cause physique de l'attraction, mais cette cause demeure provisoirement hors de question. « Je prends ici dans le même sens les attractions et les impulsions accélératrices [110] et

150 NEWTON, Philosophiae naturalis principia mathematica : Proposition 69, scholie, théorème XXIX, cité dans BRUNSCHVICG, L'Expérience humaine et la causalité physique, Alcan, 1922, p. 233.

motrices, dit encore Newton, et je me sers indifféremment des mots d'attraction, d'impulsion ou de propension quelconque vers un centre, car je considère ces forces mathématiquement et non physiquement.

Ainsi le lecteur doit bien se garder de croire que j'aie voulu désigner par ces mots une espèce d'action, de cause ou de raison physique, et lorsque je dis que les centres attirent, lorsque je parle de leurs forces, il ne doit pas penser que j'aie voulu attribuer aucune force réelle à ces centres que je considère comme des points mathématiques 151

Ces textes newtoniens, isolés de leur contexte d'ensemble, ont une résonnance positiviste, et l'on peut dire qu'ils exerceront à ce titre une influence considérable. Seulement Newton lui-même ne se réduit pas à des affirmations de ce genre qui interviennent à un certain moment de l'exposé, et moyennant une restriction mentale, que le théoricien peut faire ici en toute bonne foi. Aucune contradiction n'existe, à ses yeux, entre la science et la Révélation : l'honnête Isaac Newton a la chance d'être Anglais et réformé, ce qui lui évite les tourments de Ga-lilée. Or le XVIII

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e siècle vivra, dans l'Europe des Lumières, la revan-che de Galilée sur l'Inquisition. Et les tenants de l'esprit nouveau n'imagineront pas que Newton, en qui ils voient le prophète de leurs propres certitudes, ait pu être ensemble un génie dans l'ordre de la science rigoureuse et un croyant profondément fidèle au Dieu d'Abra-ham, d'Isaac et de Jacob. Il se trouve en effet que les Principia de Newton sont contemporains de l'époque où s'accomplit la dissociation

e siècle vivra, dans l'Europe des Lumières, la revan-che de Galilée sur l'Inquisition. Et les tenants de l'esprit nouveau n'imagineront pas que Newton, en qui ils voient le prophète de leurs propres certitudes, ait pu être ensemble un génie dans l'ordre de la science rigoureuse et un croyant profondément fidèle au Dieu d'Abra-ham, d'Isaac et de Jacob. Il se trouve en effet que les Principia de Newton sont contemporains de l'époque où s'accomplit la dissociation