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La famille Simon, muet, 16mm, N&B, Montréal, Québec, années 20, durée: 4

4.   CHAPITRE 4 : Le film de famille et cinéma de l’oralité 96

4.1.   Étude de cas : quatre extraits de films de famille tirés de quatre époques

4.1.1.   La famille Simon, muet, 16mm, N&B, Montréal, Québec, années 20, durée: 4

Les extraits du film de famille de la famille Simon permettent de déduire que cette famille, dont le père est un importateur de cigares, est une famille très aisée résidant dans le quartier huppé de Westmount, à Montréal. L’extrait n’est pas sonore et nous ne connaissons pas personnellement cette famille, c’est pourquoi les informations que nous

en avons sont assez limitées. Nous croyons tout de même que c’est Monsieur Simon lui- même qui tient la caméra, car la majorité de temps dans le film, on voit sa femme, sa mère, ses enfants, mais Monsieur Simon y apparaît très peu souvent. Et pour l’unique fois où il est visible, le plan reste fixe comme si le trépied remplaçait le caméraman.

L’extrait choisi, dont la durée est de quatre minutes, montre d’abord, dans le premier plan, deux petits garçons

d’environ 3 et 4 ans (voir figure 1). Ils sont tous deux vêtus de blanc et sont assis sur le capot d’une voiture. Ceux-ci prennent la pose pour la caméra, comme s’il s’agissait d’une photographie. Ils sont tout sourire et le plus grand des deux embrasse le plus jeune sur la joue à quelques reprises. La caméra est

généralement fixe et elle cadre les sujets en plans pieds.

Par contre, il y a de nombreux « jump-cuts ». Dans les plans suivants, on voit, à deux reprises, les enfants qui courent en direction de la caméra, sur le stationnement devant la voiture.

Toujours en prenant des poses photographiques, les garçons, assis sur les branches d’un arbre assez bas, sont filmés par la caméra en plan fixe. Ceux-ci continuent de sourire et jettent des regards furtifs à la caméra. Les enfants jouent ensuite avec des petits camions dans le carré de sable, ils conduisent respectivement leur tricycle et leur boîte à savon dans le stationnement, ils descendent les escaliers et on les retrouve finalement, dans le plan d’après, assis à l’intérieur de la fameuse voiture utilisée comme décor dans presque toutes les scènes depuis le début de l’extrait. Ils saluent la caméra de la main et lui sourient. Le valet de la maison est debout, à droite de la voiture. Il se tient bien droit et regarde fixement la caméra, tout en gardant les bras derrière son dos.

Entre ce dernier plan et le suivant, on nous montre un intertitre dont la mention est la suivante : « Félix Lewis ». On voit alors un homme aux côtés de la voiture et du valet

Figure 1 [Illustration retirée]

(voir figure 2). On voit ensuite cet homme s’asseoir au volant de la voiture comme s’il l’essayait.

Neuf secondes après le premier intertitre, une deuxième inscription vient donner un peu plus d’information au film de famille : « Mark Simon ». On voit ensuite Monsieur

Simon marcher tranquillement vers la caméra, un cigare au doigt, pendant qu’une vieille dame, en arrière plan, admire l’intérieur de la voiture par la fenêtre. On peut ainsi supposer qu’il en est le propriétaire et qu’il est bien Monsieur Simon lui-même (voir figure 3). D’ailleurs, à cet instant, la caméra semble être posée sur un trépied.

On peut également conclure que la dame qui regarde la voiture est la mère de Monsieur Simon puisqu’on la reconnaît dans les plans suivants qui ont été préalablement titrés par la mention : « Mother and chlidren, 413 Roselyn ave. » (cette inscription laisse aussi présumer que la famille demeure à Westmount. Voir figure 4). Celle-ci prend donc d’abord la pose à côté de la célèbre voiture. Elle se tient bien droite et porte fièrement un chapeau extravagant. Ensuite, elle est filmée en plan poitrine en compagnie de ses deux petits-enfants. Ils sont tous trois, assis sur le perron de la maison. Figure 2 Figure 3 Figure 4 [Illustration retirée] [Illustration retirée] [Illustration retirée]

Dans cette séquence, il y a très peu de mouvements de caméra. Les cadrages sont généralement fixes et il n’y a que quelques légers panoramiques assez bien réussis par ailleurs pour l’époque. Tout au long de la séquence, les actants du film ont, comme première réaction de poser devant la caméra comme devant un appareil photo. Cette caractéristique est particulière aux premiers films de famille suivant l’arrivée sur le marché américain des premières caméras amateurs 16mm de Kodak.

Comme il est impossible d’avoir un aperçu du contexte de réception d’une projection familiale de ce film, nous pouvons cependant imaginer qu’il devait être intrinsèquement lié à celui de réalisation du film. C’est-à-dire un contexte de réception qui devait reprendre les valeurs et mœurs en vogue dans les années 20 et 30. Comme la réserve et la pudeur était de mise à l’époque chez les familles huppées de l’ouest de la ville de Montréal, nous pouvons imaginer des commentaires et boniments empreints de réserve et de discrétion sur certains sujets sans pour autant évincer l’oralité de ce moment de réunion familial puisque pour reconstruire le souvenir, la communication verbale entre les membres de la famille est indispensable.

Des contingences techniques devaient aussi influencer le contexte oral. Il suffit de penser aux projecteurs extrêmement bruyants de l’époque et aux nombreuses maladresses esthétiques qui devaient créer une distance entre l’image montrée et l’intériorisation du souvenir collectif. Ainsi, il devait être plus facile de se détacher des images pour s’adonner d’avantage à la recréation mythique d’un passé heureux et parfait.

4.1.2. Famille inconnue, muet, 8mm, couleurs, Mont St-Sauveur, Québec,