• Aucun résultat trouvé

Famille inconnue, muet, 8mm, couleurs, Mont St-­‐Sauveur, Québec, années 50

4.   CHAPITRE 4 : Le film de famille et cinéma de l’oralité 96

4.1.   Étude de cas : quatre extraits de films de famille tirés de quatre époques

4.1.2.   Famille inconnue, muet, 8mm, couleurs, Mont St-­‐Sauveur, Québec, années 50

On se transporte maintenant, quelques dizaines d’années plus tard, dans une toute autre époque de l’évolution du cinéma amateur. L’extrait suivant aurait été tourné selon Sylvain Cormier, avec une caméra 8mm, dans les années 50 à 60. L’image est en couleur et l’événement familial, un voyage de ski en famille, semble avoir été filmé dans

les Laurentides, au Mont St-Sauveur, si l’on se fie à l’inscription lisible sur le bâtiment du remonte-pente. Le nom de la famille est inconnu et il est difficile d’en obtenir plus d’informations puisque le film est muet. D’ailleurs, dans ce film, le caméraman est complètement anonyme. Sauf le choix de cadres et les mouvements de caméra un peu maladroits, nous n’avons aucune indication sur la personne qui tient la caméra.

L’extrait commence donc en nous présentant une pente de ski d’où descendent, à vive allure, un garçon et une fille qui s’arrêtent à quelques pieds de la caméra. Une autre jolie fille au manteau gris arrive à pied et, en approchant son visage très près de la caméra, fait des grimaces et sourit. Bizarrement, ce plan est entrecoupé maladroitement de plans larges de la

montagne de laquelle plusieurs skieurs anonymes descendent (voir figure 5).

Dans le plan suivant, la caméra, toujours au pied de la pente, capte l’image de la jolie fille au manteau gris qui, cette fois, se contente de s’approcher de la caméra avec son équipement sur l’épaule. Elle fait de gentils sourires.

Cette séquence à la montagne est toujours filmée du même point de vue, au pied de la montagne et toujours devant la même pente de ski. Les cadrages, quoique vacillants, sont généralement fixes (sans mouvement de caméra précis), sauf pour

quelques panoramiques.

La séquence suivante semble se dérouler dans le grand salon d’un chalet car les murs sont en bois brut et l’on y trouve un gros foyer. La pièce est comble de jeunes gens ayant bière ou cigarette à la main et d’adultes de

Figure 5

Figure 6

[Illustration retirée]

40 à 60 ans, jasant dans le brouhaha. Tout le monde ou presque est adossé aux murs, formant ainsi un genre de grand cercle (voir figure 6). La caméra, à l’extérieur du cercle, est toujours fixe, mais pivotante. Elle décrit les lieux en faisant un long panoramique de gauche à droite, pour ensuite revenir sur ses pas.

À la droite de la pièce, près du foyer, une femme se met à danser en invitant les autres à la suivre. Comme personne ne se lève, elle exagère ses mouvements et tout en rigolant, elle fait une danse hawaïenne. La caméra cadre assez bien les mouvements de la danseuse tout en laissant voir la réaction de ses spectateurs qui rient un peu aux dépens de la bouffonne.

La caméra coupe et reprend le tournage à gauche de la salle et à droite d’une petite cuisinette. Cette fois, on y voit une jolie fille qui se fait inviter à danser (voir figure 7). Le couple dépose ses consommations et se met à danser un slow (ils ne sont pas collés, vu l’époque).

Puis, survient une autre coupe franche suivie de quelques plans fixes du foyer et des gens dans la pièce. Ensuite, la caméra se fixe sur un tableau blanc dont il est très difficile de lire les inscriptions, mais l’action se déroulant devant le tableau laisse deviner qu’il s’agit d’une liste des gagnants des activités de la journée. Pendant que la caméra maintient fixement un cadrage en plan moyen, se succèdent devant le tableau une

suite de jeunes gens expressifs. Entre chacun d’eux, il y a un « jump-cut » : en premier lieu, on voit un garçon qui présente d’une main le tableau et boit sa bière de l’autre. Ensuite, deux garçons un peu fanfarons apparaissent à la caméra avec plusieurs cigarettes à la bouche (voir figure 8).

Figure 7

Figure 8 [Illustration retirée]

Ceux-ci, comme le premier, pointent le tableau de leur index en insistant particulièrement sur une ligne. Puis, un autre jeune homme intervient devant le tableau, mais cette fois, il utilise le tisonnier en guise de pointeur. Comme les autres, il semble fier et convaincu. Le garçon suivant, un nœud papillon au cou, sautille devant le tableau avec un grand sourire au visage. Finalement, deux filles, jolies et bien mises se présentent au tableau, cigarette entre les doigts. Elles pointent, comme leurs prédécesseurs, une ligne du tableau avec conviction.

La suite de l’extrait montre quatre garçons, coiffés de tuques féminines ou de cravates attachées sur la tête. Ils font les clowns dans le milieu du cercle en dansant maladroitement et en sautillant partout. La caméra fait de son mieux pour suivre l’action en plan moyen (voir figure 9 )

Encore une fois, personne ne peut reconstituer le tableau exact du contexte de réception de ce film trouvé dans une vente de garage par Sylvain Cormier173. Nous pouvons toutefois en déduire que les mœurs étant de plus en plus légères dans les années 50 et 60, les spectateurs de ce film de famille devaient être beaucoup plus bruyant et libre de toutes réflexions à haute voix que ceux de la famille Simon. Il est possible d’en juger par les images de fête, de danses et de bouffonneries des membres de cette famille qui s’en donnent à cœur joie.

173 Sylvain Cormier est chroniqueur dans la section « musique » du journal Le Devoir de Montréal

Figure 9 [Illustration retirée]

4.1.3. La famille Naud, sonore, VHS, couleurs, Camping du Lac Normand,