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Facteurs de risque associés à des niveaux de plombémies élevées chez les adultes

Dans le document SATURNISME (Page 122-130)

conséquences obstétricales Les principaux résultats de cette étude[64]:

II. Facteurs de risque associés à des niveaux de plombémies élevées chez les adultes

En plus de l’exposition professionnelle et l’exposition extra-professionnelle, cette

dernière inclue certains facteurs associent à un risque de plombémie élevée retrouvés chez l’adulte. Parmi ces facteurs on trouve les pratiques culturelles, il n’y a cependant que peu de cas décrits dans la littérature.

D’après cette étude (FUSSLER BAGUR. 2011)[1] on a trouvé que certaines pratiques culturelles peuvent être l’origine du saturnisme chez l’adulte, parmi eux on trouve :

- Le rituel au plomb[1] :

Aucun autre cas d’intoxication chronique au plomb dans le cadre de rituel au plomb n’a été décrit jusqu’à présent dans la littérature.

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Le terme rituel englobe un ensemble d’actes, de paroles et d’objets codifiés de manière stricte, ayant une forte valeur symbolique.

La technique de plomb fondu dans l’eau bouillante est très courante en France et au Maghreb, notamment en Algérie, Tunisie et le Maroc. Elle est utilisée à des fins thérapeutique, de divination, aussi pour faire la voyance et également pour enlever la sorcellerie ou magie noire, elle a pour but de déterminer l’origine du mal dont souffre un patient et de le combattre. Elle est généralement réalisée par une tierce personne pour le consultant. On trouve aisément sur internet les indications nécessaires à la réalisation du rituel au plomb chez soi « KHFIF ou LDOUN », dans ce cas le rituel se fait par la personne elle-même.

Le Darb, désigne la divination par le plomb, euphémisme sans doute lié à ses usages magiques selon Marie Virolle, anthropologue et chercheur au CNRS, relate son expérience de la divination par le plomb en Algérie dans son ouvrage Rituels Algériens [124]. Le Darb c’est un rite très répandu en Algérie, notamment à Alger, en Kabylie et dans l’Ouest, généralement réalisé par une devineresse, au Maroc est connue depuis longtemps sous le nom de « Ldoun » et « Khfif » en Tunisie.

« Il allie l’eau et le métal et combine, comme beaucoup d’autres procédés divinatoires, diagnostic et soin par enlèvement du maléfice. Les formes inattendues que prend le plomb figé brutalement dans l’eau sont interprétées par la devineresse, qui en fait une « lecture » par divination inductive. Mais ce plomb, au contact de l’eau, a eu aussi pour mission de capter les influences négatives qui occasionnaient son mal être. Le récipient d’eau a été placé pour se faire à des endroits stratégiques du corps. »

Selon Marie Virolle, la divination maghrébine n’est presque jamais seulement augurale. Une approche fonctionnelle des divinations contemporaines met en évidence qu’elles diagnostiquent et soignent en même temps.

- Les médecines traditionnelles :

Des remèdes traditionnels contenant du plomb sont couramment utilisés au Moyen Orient, en Afrique, en Asie et au Mexique.

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La majorité de la population estime que la médecine traditionnelle est sans danger. Le principe du rapport bénéfice risque, appliqué à la médecine scientifique actuelle, devrait également l’être pour la médecine traditionnelle. Dans l’appréciation du bénéfice apporté, il ne faut pas simplement apprécier l’efficacité pharmacologique, mais aussi l’utilité dans le contexte culturel[125]. (Les remèdes traditionnels les plus fréquemment employés étaient les remèdes ayurvédiques, ils représentaient plus de la moitié des cas dans notre étude, les autres remèdes provenaient également du continent asiatique la Chine, Malaisie, Bengladesh el le Japon. Les patients s’étaient procuré les remèdes dans un tiers des cas directement en Inde, dans un cas sur 5 auprès de praticiens traditionnels et dans quelques cas via internet).

Plusieurs études[126-129] ont montré que les consommateurs de ces remèdes ne signalent généralement pas spontanément aux médecins leur utilisation de médicaments traditionnels, qu’ils croient sans danger, et craignant que leur emploi soit choquant pour les médecins de leur pays d’accueil (cas des immigres). D’après une étude d’Eisenberg [130], jusqu’à 72% des patients consommant des remèdes non conventionnels n’en informent pas leur médecin traitant. Il est d’autant plus important que les soignants prennent conscience du risque que représentent ces pratiques, et interrogent les patients sur leur consommation de remèdes traditionnels lors du recueil des antécédents, notamment les populations à risque que sont les communautés utilisatrices de ces remèdes dans leur pays d’origine, les voyageurs dans des pays producteurs.

- L’anthropologie médicale :

Il nous semblait intéressant d’aborder le principe d’anthropologie médicale. Depuis longtemps, l’anthropologie s’intéresse aux fondements culturels de la maladie et des comportements relatifs à la santé et aux soins.

Au milieu des années 60, le développement de l'anthropologie médicale nord-américaine répond à la nécessité de comprendre l'influence de la culture sur les rapports de l'homme à la santé et à la maladie [131]. Le courant de l'ethnomédecine, principalement axé sur l'étude des systèmes médicaux indigènes, s'enrichit alors des questionnements de l'ethnopsychiatrie (Foster and Anderson[132], 1978) sur les relations entre culture et psychologie (Mead[133] 1963, Devereux[134] 1972, Laplantine[135] 1986) et trouve ainsi un terrain d'investigation occidental.

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Etant donnée la diversité culturelle croissante des patients, il devient essentiel pour les médecins de comprendre les facteurs sociaux et culturels qui influencent leur santé et leur prise en charge. Dans un contexte multiculturel, une prise en charge médicale centrée sur le patient pose des défis spécifiques et exige que les cliniciens aient une « compétence transculturelle clinique », c’est-à-dire qu’ils adoptent un comportement adapté et disposent des connaissances et des techniques appropriées. Les concepts et le point de vue de l’anthropologie médicale permettent de mieux cerner la nature interculturelle de la consultation médicale et de concevoir et appliquer des méthodes qui assurent un suivi médical adapté.

Imaginer les sociétés comme des mosaïques formées de nombreuses cultures entremêlées et en perpétuelle évolution peut être utile au clinicien dans la mesure où cette image aide à éviter les stéréotypes et favorise la recherche des caractéristiques culturelles pertinentes pour chaque patient.

L’influence de la culture porte sur tous les aspects de l’expérience personnelle de la maladie : la perception des symptômes et la façon d’y réagir, la manière de nommer, décrire et gérer les changements physiques, le moment où l’aide médicale doit être sollicitée, qui doit être sollicité, la durée souhaitable de la prise en charge et les critères d’évaluation des soins reçus.

La biomédecine n’offre qu’une manière de comprendre et répondre aux dysfonctionnements biologiques et psychologiques des patients, il existe autant de manières de définir la maladie et d’y apporter une réponse qu’il y a de cultures.

Le modèle explicatif de la maladie est un des concepts d’anthropologie médicale les plus cités ; il a été mis au point par Arthur Kleinmann[136]. Les personnes conçoivent leur maladie uniquement à travers leurs expériences sociales et personnelles. Ce faisant, elles créent chaque fois qu’elles sont malades leur propre modèle explicatif des causes, de la signification, de l’évolution, des mécanismes, des diagnostics, de l’action des traitements et des conséquences de la maladie. Par conséquent, toute interaction soigné-soignant est une interaction entre deux modèles explicatifs, qui comprend une négociation de la réalité clinique sur laquelle portera la prise en charge médicale et le traitement. De nombreuses études

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montrent à quel point les modèles explicatifs des patients et du personnel soignant peuvent être différents et expliquent que la non prise en compte de ces différences peut avoir des conséquences telles que la non-adhérence, une insatisfaction du patient, une erreur diagnostique, un traitement inadéquat et/ou inefficace.

La prise en charge médicale centrée sur le patient (plutôt que sur le traitement de la maladie) considère le malade dans son contexte biopsychosocial afin de répondre à ses besoins spécifiques et uniques. Plusieurs études ont montré qu’une approche centrée sur le patient a des effets positifs sur la satisfaction du patient et des professionnels, sur l’adhérence, sur l’état de santé et sur l’efficacité des soins[137, 138]. Néanmoins, face à des patients provenant de divers horizons culturels (France, Etats-Unis par exemple) ou un pays multiculturel (Maroc), ce type d’approche demande une certaine « compétence transculturelle clinique » qui consiste en des attitudes, connaissances et méthodes spécifiques. Les médecins sont encouragés à se familiariser avec les problèmes susceptibles de survenir au cours des rencontres médicales interculturelles et à apprendre à les identifier et à les gérer.

La capacité du médecin à identifier les différentes perceptions de la maladie et à négocier avec le patient une vision commune est indispensable à une prise en charge centrée sur le patient et attentive aux paramètres culturels.

L’anthropologie de la santé évolue dans le cadre d’une multiplication des objets de recherche liés à la santé et à la maladie. Au-delà de l’opposition classique entre santé mentale et santé physique, se pointent les déterminants génétiques de la santé et les avancées dans le champ de la psychosomatique. L’étude des rituels thérapeutiques traditionnels doit composer avec l’analyse des multiples biotechnologies. L’opposition classique entre guérisseurs traditionnels et médecins fait de moins en moins sens face aux multiples déclinaisons des spécialités biomédicales d’un côté et à l’ouverture croissante aux médecines alternatives et complémentaires de l’autre.

Les études sur « les itinéraires thérapeutiques » montrent que, chez les malades, la quête de soins se soucie peu de fidélité, et que l’on peut s’adresser successivement aux spécialistes les plus divers. Le pluralisme médical est de règle, et inclut d’ailleurs le système de santé moderne comme une possibilité parmi d’autres.[139, 140]

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Il existe des poteries artisanales à usage culinaire qui ont une teneur élevé en plombe qui peut être néfaste sur la sante de l’utilisateur, ces teneurs sont démontré par plusieurs études [6, 74, 141].

Parmi ces récipients en trouve (assiettes, bols, et autres ustensiles) de fabrication souvent artisanale provenant de pays d’Afrique du Nord (Maroc *tajine*[6, 74], Tunisie) ou d’Asie ou de certains pays d’Europe (France, Italie, Angleterre) peuvent être potentiellement à l’origine d’intoxication par le plomb[1, 6, 74, 141].

L’analyse aux USA de 36 poteries mexicaines achetées sur 3 marchés sélectionnés au hasard a montré des taux de plomb lessivable (après test avec de l’acide acétique 6%) entre 0,33 µg/L et 3620 µg/L[1, 142].

- Les cosmétiques

Nous avons trouvé assez d’études reportant des cas concernant une intoxication au plomb liée à l’utilisation de khôl[1, 6, 119, 143, 144]. Le khôl et largement utilisé par la femme, comme symbole de beauté et de féminité (cosmétique oculaire).

- Les drogues

Dans cette étude (FUSSLER BAGUR. 2011), 17 patients ont été intoxiqués par l’usage régulier de drogues. Dans 16 cas, il s’agissait de la prise de drogue (marijuana) volontairement mélangée à des particules de plomb pour augmenter son poids. Dans un cas, il s’agissait d’un patient iranien consommant régulièrement de l’opium iranien pour soulager ses douleurs chroniques liées à sa sclérose en plaques. Il faut savoir penser à l’usage de drogues à visée antalgique chez des patients en souffrance physique voyageant dans des pays producteurs.

La moyenne de la plombémie dans ces cas était de 6,8 µmol/L, plus élevée que pour la majorité des autres pratiques culturelles, les symptômes étaient bruyants (tableau digestif, atteinte neurologique) ce qui s’explique soit par une contamination massive soit par une contamination prolongée avec retard diagnostique.

90 - Le pica

Le pica est bien connu chez l’enfant comme pourvoyeur d’intoxication chronique au plomb ; les peintures anciennes dégradées du domicile en sont la cause prépondérante. Il semble intéressant de garder à l’esprit que ces pratiques existent aussi chez les adultes. Il faut savoir y penser lorsqu’il existe un antécédent de pica[145].

Dans les 2 cas trouvés dans la littérature, les patients avaient un antécédent connu de pica.

Par ailleurs, des cas de saturnisme ont été décrits dans un contexte de géophagie chez des femmes enceintes. Une étude américaine a analysé l’origine d’intoxication au plomb chez des femmes enceintes de 1975 à 2000[1]. Sur les 15 cas étudiés, la géophagie a été retenue comme source de l’intoxication dans 8 cas, l’ingestion de peinture murale dans 2 cas, la consommation de farine d’os (utilisée comme complément alimentaire, source de calcium) dans 1 cas, une contamination environnementale dans 1 cas, aucune source retrouvée dans 3 cas[146]. L’ingestion de terre ou d’argile durant la grossesse est une pratique courante au sein de certaines ethnies notamment africaines. Cette étude indique que le pica pendant la grossesse implique un risque d’intoxication au plomb[1].

- Vin de production artisanale

Ce mode de contamination est plus anecdotique.

D’après (FUSSLER BAGUR. 2011), un cas d’intoxication au plomb suite à la fabrication artisanale de vin stocké dans une cuve en plomb a été décrit. Le patient, âgé de 66 ans, présentait des symptômes depuis 2 ans au moment du diagnostic. L’étude environnementale au domicile du patient a trouvé une teneur en plomb importante dans le vin stocké dans la cuve au domicile du patient.

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Une étude américaine datant de 1972 a étudié plusieurs cas d’intoxication au plomb avec symptômes neurologiques à type d’encéphalopathie, dont l’étiologie retrouvée était la consommation d’alcool de contrebande. L’alcool avait été contaminé par le plomb durant la production, plusieurs éléments de la distillerie étaient connectés par des soudures, et de vieux radiateurs automobiles contenant du plomb étaient souvent utilisés comme condenseurs[147].

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Recommandation,

Dans le document SATURNISME (Page 122-130)