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La décentralisation efficiente des systèmes éducatifs Par Mme Marie-Odile BONKOUNGOU-BALIMA

Ministre de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation du Burkina Faso

L’objectif de l’exposé de cadrage est de définir ce qu’est la décentralisation et d’apporter un éclairage renou-velé sur les modèles de décentralisation des systèmes éducatifs. Il vise également à décrire les conditions indis-pensables à une décentralisation efficiente.

Une décentralisation territoriale et administrative, un des piliers du processus démocratique, s’accompagne d’au moins trois principes clés : (1) le respect de l’État unitaire considérant que les collectivités territoriales jouissent d’une autonomie et non d’une indépendance ; (2) le respect de la subsidiarité, impliquant la non-inter-vention d’un niveau de pouvoir supérieur, si les pouvoirs inférieurs peuvent assumer seuls les responsabilités ; (3) le transfert concomitant des compétences et des ressources.

Il est noté que dans le modèle anglo-saxon, on trouve des systèmes éducatifs où la décentralisation de la ges-tion du système éducatif est élargie. L’intervenges-tion des communautés touche divers domaines, tels les curricula, la certification et le recrutement du personnel. Quant au modèle français, la décentralisation se veut prudente et étroitement encadrée. Les défis de la décentralisation sont nombreux : que ce soit sur le plan sociopolitique, administratif, financier et humain. Pour être en mesure de relever ces défis, il faut tenir compte des réalités de chaque pays. Les ministères en charge de l’Éducation ont un rôle d’impulsion et de facilitation pour réglemen-ter une gouvernance participative et démocratique. Pour concrétiser le transfert des fonctions de planification, de gestion et de suivi de l’exécution des activités éducatives aux collectivités territoriales et aux communautés de base, il est recommandé de les impliquer dans le processus d’apprentissage de gestion du système éducatif au niveau local.

Interventions des participants en séance plénière à la suite de l’exposé de cadrage Les échanges ont porté sur les points suivants :

1. Les éléments positifs de la décentralisation :

l Le constat de certains avantages de la décentralisation tels que la gouvernance locale et la possibilité d’une gestion plus efficace en élaborant des solutions concrètes aux problèmes réels ;

l La décentralisation est en cours de processus dans la majorité des pays africains et doit être considérée comme un processus irréversible ;

l La reconnaissance des compétences de tous les acteurs ;

l La volonté politique de plusieurs pays est palpable.

2. Certaines difficultés rencontrées :

l Le concept de décentralisation est nouveau dans la gestion en Afrique et la résistance aux changements freine sa mise en place ;

l L’aspect communication entre les différents acteurs n’est pas toujours assuré et le rapport entre les dif férentes autorités ne semble pas explicite ;

l Le transfert de la gestion des ressources se fait difficilement ;

l Le taux important d’analphabétisme est un obstacle à la participation citoyenne, réduit la capacité des élus en matière d’éducation et de gestion des ressources humaines et ne facilite pas la promotion de l’édu

cation pour en faire un facteur important au développement du pays ;

l les problèmes de financement et de décentralisation du budget freinent également l’atteinte des objectifs de l’EPT ;

l Les capacités financières différentes d’une localité à une autre risquent de créer des disparités ;

l Le rôle de chaque acteur, particulièrement celui des élus locaux ainsi que celui des services centraux, ne semble pas clairement défini ;

l Le plan de carrière des personnels scolaires et leur sécurité sociale ne sont pas souvent garantis dans un contexte de décentralisation ;

l Les mécanismes d’évaluation et de régulation du système décentralisé ne sont pas mis en place dans tous les pays ;

l La prolifération de l’enseignement privé peut amener certaines dérives ;

l L’implication des ONG et des autres associations n’est pas clairement établie.

3. Des pistes de solutions et d’actions possibles :

l Des textes juridiques doivent définir la décentralisation et tous les aspects qui y sont rattachés, entre autres, les rôles et les liens entre chaque catégorie d’acteurs afin d’assurer une meilleure gestion ;

l Il est essentiel de bien définir les rôles de chacun, y compris celui des services centraux (par exemple dans l’accompagnement et dans le transfert des compétences), des ONG et autres associations ;

l L’État a toujours un rôle majeur dans la mission éducative et doit orienter, conseiller, surveiller, recadrer, accompagner, etc. ;

l La rémunération des enseignants devrait se faire au niveau de l’État afin d’assurer une équité ;

l Il est important d’accorder davantage de place à l’aspect communication ;

l Il importe de s’assurer des mécanismes de péréquation sur le plan des ressources afin de réduire les dis parités ;

l Un renforcement des capacités des élus (en raison du taux élevé d’analphabétisme) est à prévoir pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle, notamment dans la gestion et le recrutement du personnel ;

l Il est nécessaire de mettre en place des capacités financières, notamment en mobilisant des ressources au niveau local et en exploitant toutes les potentialités des collectivités ;

l L’enseignement privé joue un rôle important, mais un accompagnement et un encadrement par l’État sont essentiels afin d’optimiser les résultats.

ÉTUDE DE CAS : NIGER L’implication des comités de gestion d’école

Le souci de démocratiser la gestion de l’école et de responsabiliser tous les acteurs a incité l’État nigérien à s’engager dans un processus de transformation de son système éducatif. Outre l’adoption d’une loi d’orienta-tion du système éducatif, favorisant la décentralisad’orienta-tion et l’élaborad’orienta-tion du Programme décennal de développe-ment de l’Éducation (PDDE), notons la mise en place démocratique des comités de gestion d’école (COGES) qui figure parmi les mesures préconisées par l’État.

Cette mise en place nécessite la formation des directeurs (étape qualifiée de levier à l’ensemble du processus), le partage d’informations en Assemblée générale villageoise (AG) et la préparation des élections du Bureau.

Les COGES participent à diverses activités, dont l’acquisition et la gestion des fournitures et des manuels sco-laires, la gestion des subventions allouées à l’école, le recrutement du personnel enseignant ainsi que l’entre-tien et la maintenance des infrastructures et équipements scolaires.

Sous les principes de démocratie et de transparence, l’implication des populations dans la gestion scolaire a un impact favorable autant sur l’accès à l’école que sur la qualité de l’éducation. Toutefois, il importe de mettre en place des conditions favorisant le succès de cette stratégie. Parmi ces conditions, notons l’établissement d’organes consultatifs (national, régional et sous régional), l’institutionnalisation des COGES, la formation des acteurs, le dispositif de suivi et d’accompagnement ainsi que la participation des partenaires financiers et tech-niques.

ÉTUDE DE CAS : TCHAD

La responsabilisation communautaire : la contribution des parents

L’engagement du gouvernement tchadien à promouvoir le secteur de l’éducation/formation se confirme, entre autres, par un partage de responsabilités entre l’État, les communautés et les partenaires, telles les Associations de parents d’élèves (APE). Ces dernières s’impliquent dans plusieurs domaines, dont l’achat de fournitures diverses et matériels didactiques, le recrutement et la prise en charge des maîtres communautaires, la sensibi-lisation des parents sur l’intérêt de l’école et le rôle de conseiller en cas de conflits.

Un cadre de concertation a été mis en place favorisant un véritable partenariat entre les acteurs concernés. Un cadre juridique a été élaboré afin de déterminer les rôles et responsabilités entre le gouvernement, les APE et la Fédération nationale des APE (FENAPET). L’Agence pour la Promotion des Initiatives Communautaires en Éducation (APICED) a également été créée dans le but de renforcer les capacités d’intervention des APE et de réduire les disparités entre les écoles.

Toutes ces actions bénéfiques, issues de la décentralisation, se heurtent parfois à un certain nombre de difficul-tés, par exemple, l’analphabétisme de certains membres des Bureaux des APE et la non-reconnaissance juridi-que de certaines APE. Il est suggéré des pistes d’amélioration, dont la reconnaissance de toutes les APE à tra-vers la FENAPET, le respect des rôles et responsabilités, la mise en place d’un dispositif de concertation per-manent ainsi que la formation des membres de Bureaux des APE.

ÉTUDE DE CAS : MALI L’engagement des collectivités territoriales

Le Programme décennal de développement de l’Éducation (PRODEC) du Mali accorde une place importante aux collectivités territoriales dans le renforcement de son système éducatif. En effet, le partenariat est consi-déré comme un des axes prioritaires et la gestion décentralisée par l’implication des collectivités territoriales est mise en oeuvre. Afin de faciliter le transfert des compétences, des mécanismes ont été mis en place, dont l’élaboration d’un nouveau schéma institutionnel et la responsabilisation des collectivités territoriales en ce qui concerne, notamment, l’établissement de COGES et la formation de leurs membres.

Les missions des collectivités territoriales se répartissent en trois champs : la région, le cercle et la commune.

Ces missions concernent, notamment, l’évaluation des besoins en personnel enseignant et son recrutement, la participation à la prise en charge des constructions et équipements scolaires et l’identification des contenus d’enseignement spécifiques à la localité.

Les résultats obtenus de ces mécanismes sont positifs. Toutefois, des difficultés dans le transfert de certaines compétences ainsi que le manque de ressources humaines et financières obligent l’État à trouver de nouvelles stratégies pour améliorer la décentralisation de l’Éducation. Parmi les pistes de solution envisagées, on note le renforcement continu des capacités des collectivités territoriales, l’amélioration de la déconcentration des ser-vices éducatifs ainsi que le renforcement du partenariat et du financement.

Interventions des participants en séance plénière à la suite des études de cas De ces trois expériences distinctes, des éléments importants ont pu être dégagés :

l Plusieurs types de partenariat sont en cours, dont celui public-privé et public-public, attribuant davan tage de responsabilités à la société civile, aux citoyens, à la communauté, etc. ;

l L’aspect financement est également géré de façon différente, entre autres, par une gestion décentralisée allant du central aux collectivités, par une substitution de l’État, par un gestion centrale mais en processus de transfert des ressources ;

l On assiste à des divers types de gestion comme la gestion parallèle (État et APE), la gestion décentra lisée et la gestion centralisée, dont cette dernière instaure graduellement une décentralisation ;

l L’établissement démocratique de certains COGES, leur préoccupation quant à la formation de la direc tion ainsi que la sensibilisation des parents à l’importance de l’éducation sont des aspects intéressants.

Toutefois, ces expériences ont soulevé certaines préoccupations :

l Comment préserver la qualité de l’Éducation lorsque la formation des personnels et leurs conditions de travail sont inadéquates, particulièrement en ce qui concerne les maîtres communautaires ?

l Comment comprendre la décentralisation quand les rôles des associations de parents et des syndicats ne sont pas bien définis, ni suffisamment reconnus, notamment dans les COGES ?

l Le taux d’analphabétisme chez les élus locaux risque de nuire à l’établissement d’une décentralisation efficiente, d’une part, et à la bonne gestion du personnel enseignant, d’autre part ;

l L’attribution importante de responsabilités en matière d’éducation aux collectivités (telle la gestion des ressources humaines et financières) démontre une démission de l’État quant à son rôle, ce qui risque de nuire à la qualité de l’éducation, particulièrement si le taux d’analphabétisme est élevé ;

l Assiste-t-on à un réel accroissement de la scolarisation des filles ?

l Comment maximiser l’apport des partenaires techniques et financiers ? Des pistes de solutions et d’actions possibles :

l Définir les rôles de chacun dans des textes juridiques afin d’impliquer tous les partenaires et d’éviter les substitutions ou les démissions, car la gestion entre l’État et les collectivités est complémentaire ;

l Capitaliser les expériences dans une véritable co-gestion ;

l Octroyer un statut d’utilité publique aux APE ;

l Clarifier la position des APE par rapport au COGES ;

l Stabiliser le personnel scolaire ;

l Assurer un renforcement des capacités à tous les niveaux ;

l Garantir une formation de qualité pour le personnel scolaire : formation donnée par des formateurs qua lifiés ;

l S’assurer que les contenus de cette formation soient conformes aux politiques éducatives ;

l Favoriser un réel partenariat, notamment par un accompagnement réciproque (c’est-à-dire, l’État accompagne les autres partenaires et l’État accepte d’être accompagné par ces partenaires).

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