• Aucun résultat trouvé

Les exploitants définissent leur activité en référence aux métiers agricoles traditionnels, à ceux de l’entreprise ou par rapport à eux-mêmes

A les écouter, les agriculteurs rencontrés n’ont pas tous le même métier, loin s’en faut. Si l’on s’attache à analyser la définition qu’ils nous en donnent, trois groupes apparaissent. Les deux premiers situent sans ambiguïté leur métier par rapport à un modèle existant, socialement défini, soit agricole soit entrepreneurial. Le troisième groupe, une fraction plus restreinte d’exploitants, ne peut pas ou ne souhaite pas être défini de la sorte. Ils mobilisent à la fois des références personnelles et sociales, pour présenter un métier qu’ils ont souvent modelé selon leur projet.

Une partie importante des agriculteurs interrogés se réfère au modèle agricole. Ils se définissent par le terme d’agriculteur, de producteur, de paysan (en le revendiquant parfois). Ces mots suffisent à décrire complètement leur métier. D’autres commencent par présenter les tâches techniques qui décrive leur activité par leur succession.

« Pour l’administration je suis double actif, mais moi je suis paysan avant tout. Paysan c’est toute l’année. Je fais peut- être plus d’heures à l’ONF, mais je me sens paysan avant tout, c’est une passion… ». (R13 - éleveur de 20 bovins allaitant, ouvrier forestier).

« On passe tous les agneaux en label, pour ça on calcule pour la mise en lutte, on pousse les béliers. On attaque les agnelages le 1er mai, ça dure 15 jours, j’y vais toutes les 2 h jour et nuit, je mets le réveil. L’été je fais les foins, les

animaux sont à l’alpage, on monte les voir deux fois par semaines, ma femme et mes deux garçons donnent un bon coup de main. Pour le pâturage, j’ai des parcs fixes et d’autres où j’installe des filets électriques … voilà, mon métier, c’est ça … ». (R11 - double actif forestier et éleveur 140 brebis).

Une fraction des agriculteurs rencontrés se positionne préférentiellement par rapport au modèle de l’entreprise. Ils se décrivent comme entrepreneurs, chefs d’entreprise. Certains revendiquent également, de prime abord, des compétences, l’exercice d’un ‘vrai métier’, à l’identique de ceux des autres actifs de la société. Ce positionnement se fait en réaction au modèle agricole habituel, voire en opposition par rapport à lui. D’ailleurs, une partie de ces agriculteurs déclarent ne pas forcément faire ce métier toute leur vie, ce qui est une rupture profonde par rapport aux traditions agricoles. Il est intéressant de noter que cela concerne des grandes structures mais également de plus modestes. Un point commun à une grande partie d’entre eux est le fait qu’ils aient travaillé à l’extérieur de l’exploitation avant de s’installer ou qu’ils soient pluri-actifs.

« Pour moi, être agricultrice, c’est un vrai métier. C’est être chef d’entreprise. (…) C’est un métier comme un autre, avec des objectifs et des coups de bourre, comme dans tous les métiers. (…) Quand je me présente, je dis : je suis agricultrice en GAEC avec mon mari et mon beau-frère, en production laitière. J’ajoute que je sais vivre aussi ! Je précise que je ne travaille pas le week-end, et que j’adapte mes horaires en fonction des enfants ». (B5 - 126 ha, 70 VL, 36 ha légumes, 60 taurillons, GAEC familial à trois).

« On n’est pas forcément agriculteur toute sa vie. Agriculteur, c’est un travail comme un autre et donc on peut être amené à en changer. Nous-mêmes, on ne l’exclut pas ». (B5 - 126 ha, 70 VL, 36 ha légumes, 60 taurillons, GAEC familial à trois).

« C’est une entreprise, ça se gère comme une entreprise normale, il y a les rentrées d’argent, les sorties. Sauf qu’on a beaucoup de comptes à rendre. De plus en plus on sera obligé de protéger l’environnement et le bien être, et tout ce qui s’en suit.. On va finir… pas employés communaux mais… des fonctionnaires et des tondeuses à gazon ». (R12 - 50 VL en montagne - GAEC à 3, petite activité salariée).

Un troisième groupe d’agriculteurs présente à la fois son métier et son projet, imbriqués, sans se référer à un modèle préétabli. Leur présentation a souvent un caractère original. Ils peinent à préciser leur métier simplement, ils semblent manquer de termes adéquats pour le décrire rapidement. Il faut alors trouver de nouvelles formules comme le fait R18.

Certaines personnes ont besoin d’associer différentes références pour réussir à préciser leur activité. Ils montrent ainsi qu’ils ne souhaitent pas choisir mais positionner leur activité à l’endroit précis qui les définit le mieux comme par exemple R5.Cela n’est pas seulement dû à sa pluri-activité car a contrario, certains agriculteurs qui exercent plusieurs métiers savent choisir précisément, comme le fait R13 dans le premier groupe. Certains se définissent néanmoins, comme agriculteurs mais une agriculture revisitée, redéfinie comme le fait R1 qui ne se reconnaît pas dans la totalité du monde agricole mais seulement avec ceux qui partagent son éthique. Pour d’autres enfin, définir son métier c’est parler de ce qui les a motivés à le faire comme le précisent R10 et R9.

« Je suis un paysan qui n'est pas que paysan et un restaurateur qui n'est pas que restaurateur ». (R5 - 40 ha céréales, 2500 poulets de Bresse par an, ferme auberge).

« Aujourd’hui, on peut dire chef d’entreprise ou paysan, mais en fait, je suis agriculteur, producteur de bien vivant végétal, on gère la reproduction, pour nourrir la population, pour les autres cultures. Je fais attention à l’aspect esthétique, on gère quand même aussi les paysages ». (R18 - 170 ha maïs et tournesol semence, tabac et grandes cultures irriguées, GAEC à 2 tiers).

« Je suis agricultrice pour moi c’est une attitude vis à vis de ce qui m'entoure, du bien-être de mes animaux…». (R1 - chèvres laitières, transformation, vente directe et collective).

« Mon métier, c'est m'investir personnellement dans ce que j'aime faire ... je ne ferais peut être pas ça tout le temps, j'ai déjà eu d'autres métiers mais c'est pour l'instant c'est bien même si cela devient dur d'être compétitif ». (R 10- péri- urbain, canards gras, ferme auberge).

« Mon métier c'est une vocation, presque une religion ». (R9 - péri-urbain, 7 ha de verger, transformation, vente collective).