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2. Méthodes expérimentales

2.1. Stratégie expérimentale

2.1.1. Expériences de diffusion

La détermination de la mobilité atomique au sein du verre s’est faite à travers l’obtention de l’ensemble des coefficients de diffusion simples et couplés. Un coefficient de diffusion simple décrit la mobilité d’un élément impacté par son propre gradient de concentration quand un coefficient de diffusion couplé traduit l’impact des autres éléments sur la mobilité de ce même élément. Les coefficients de diffusion simples sont les termes diagonaux quand les coefficients de diffusion couplés sont les termes extra-diagonaux d’une même matrice appelée matrice de diffusion. Un exemple de matrice de diffusion dans un système à 4 éléments est donné (2.1)

૚,૚૚,૛૚,૜૚,૝૛,૚૛,૛૛,૜૛,૝૜,૚

૝,૚ ૜,૛૝,૛ ૜,૜૝,૜ ૜,૝૝,૝

( 2.1 )

En guise d’exemple, le coefficient de diffusion D1,1représente la mobilité de l’élément 1 impacté par ce même élément quand le coefficient D1,2 représente l’impact de l’élément 2 sur la mobilité du premier élément. Leur obtention doit être faite de manière à isoler l’impact de chacun des éléments sur chaque autre. A ce titre, les échanges élémentaires se feront deux à deux par l’utilisation de « couples de diffusion ». Un couple de diffusion est un échange entre deux verres, visant à ne créer qu’un seul gradient de concentration entre les deux espèces chimiques. Un des verres sera par exemple enrichi en Na2O et appauvri proportionnellement en CaO quand le second sera enrichi de cette même proportion en CaO et appauvri en Na2O. Il en résulte des profils de diffusion ou seules les interactions issues d’un échange entre calcium et sodium sont présentes. De ce fait, il va nous falloir créer des échanges diffusifs à travers des couples de diffusion entre chaque élément échangeant avec chacun des quatre autres. Cela donne pour notre système Na2O-CaO-ZrO2-Al2O3-SiO2 un total de dix couples de diffusion. Cependant, une estimation précise de la matrice de diffusion ne nécessite pas l’analyse d’autant de profils de diffusion. En effet une estimation correcte de la matrice de diffusion dans un système à n composants ne nécessite en théorie que (n-1) couples de diffusion différents, avec chacun contenant (n-1) profils expérimentaux, ce qui correspond aux inconnues de la matrice de diffusion. Les (n-1) couples de diffusion doivent avoir leurs profils de composition se croisant tous à la composition centrale. Ces derniers doivent aussi être orthogonaux dans la base des vecteurs propres de notre matrice de diffusion.

Cependant, le nombre (n-1) de couples présentant (n-1) profils n’est généralement pas suffisant dans le cadre de la détermination d’une matrice de diffusion à partir de profils expérimentaux bruités comme c’est généralement le cas dans le verre. Il est raisonnable d’effectuer plus de profils de diffusion que les 4 préconisés dans notre cas. Un total de 7 couples de diffusion ont été nécessaires pour la détermination d’une matrice de diffusion suffisamment précise. Dans la suite de cette étude, les 14 verres composant ces couples se voient nommés à travers un formalisme simple de deux lettres : La première lettre correspond à l’oxyde pour lequel le verre est enrichi alors que la seconde correspond à celui

pour lequel il est appauvri. Les lettres correspondent aux cinq éléments de cette étude à savoir N pour Na2O, C pour CaO, Z pour ZrO2, A pour Al2O3 et S pour SiO2. Un échange de type AN NA correspond à une diffusion entre un premier verre enrichi en Al2O3, appauvri en Na2O et un second verre enrichi en Na2O, appauvri en Al2O3. La composition de chacun de ces couples de verre est listée ci-dessous (Tableau 2.1). La composition est aussi disponible en Annexe 1 où est regroupée l’ensemble des compositions des verres utilisés au sein de cette étude. poids% C0 AN NA AC CA NC CN NZ ZN SZ ZS AZ ZA ZC CZ Na2O 12.9 9.5 14.2 12.7 12.1 14.4 10.3 13.3 11.4 12.2 11.9 12.3 12.4 12 13.7 CaO 10.5 9.8 11.1 8.6 11.4 8.5 14.8 9.9 9.1 9.9 9.6 9.4 10.0 9.6 12.9 ZrO2 3.0 2.8 2.6 2.8 2.5 2.8 2.7 0.9 4.5 0.9 4.4 0.9 4.2 4.4 1.1 Al2O3 10.9 14.1 9.5 13.2 9.5 11.6 11.7 11.4 11.4 11.0 11.4 12.7 9.2 11.5 11.5 SiO2 62.5 63.7 62.5 64.2 65.2 61.3 60.1 63.3 63.7 65.4 62.1 61.5 61.2 62.5 61.3

Tableau 2.1: Compositions en pourcentage massique d'oxyde des verres couplés ainsi que de

la concentration centrale C0

La détermination de la matrice de diffusion à travers l’utilisation des lois de Fick (eq3.1) ne vaut qu’avec l’approximation que la diffusion est constante où que l’on se place dans l’espace de composition. A ce titre, il est nécessaire de ne pas choisir un espace trop étendu au risque de fausser les résultats. Nous avons donc centré notre étude sur une composition d’intérêt C0(Tableau 2.1) autour de laquelle chacun des verres est comparativement enrichi de deux pourcents massiques d’un élément (+2 poids%) et appauvri de deux pourcents massiques d’un autre élément (-2 poids%). Cette valeur de gradient total de 4 poids% remplit la condition d’être suffisamment faible pour considérer le coefficient de diffusion constant le long du profil, et suffisamment grande pour que le gradient de composition soit précisément quantifiable par les appareils de mesure.

La première étape, après la définition de notre espace de composition est la synthèse des verres qui sera détaillé dans la partie suivante. Le Tableau 2.1 donne les compositions mesurées des différents couples de verres en utilisant la fluorescence X et la microsonde électronique. On peut remarquer que l’écart entre deux verres d’un même couple n’est pas toujours de 4 poids% sur les deux éléments d’intérêt. Au même titre, certains éléments censés avoir leur concentration constante subissent parfois des écarts en compositions dû à l’écart lié à notre procédé de synthèse. Lors d’un de nos essais de diffusion, un cylindre de d’une dizaine de grammes est prélevé sur chacun des verres à travers un carottage. L’illustration du procédé permettant l’obtention d’un profil de diffusion à partir des deux verres est illustré Figure 2.1. A la suite de ce carottage de 8mm de diamètre, chaque carotte est tranchée à la scie circulaire en cylindre de 4mm de longueur. Une des surfaces de chacun des verres est ensuite polie à la polisseuse mécanique avec des tapis abrasifs jusqu’à un grain de 10µm puis à l’aide d’une suspension diamantée pour le poli dit « optique » jusqu’à un grain de 1µm. Une procédure de nettoyage des surfaces avec un premier bain dans une solution aqueuse avec du RBS dilué à 2% puis un second bain dans de l’éthanol absolu a ensuite eu lieu. Ce faisant, le contact à froid entre les surfaces des verres est optimisé. Ainsi, le nombre d’aspérités de surface ou de pollutions particulaires pouvant entrainer l’emprisonnement de bulles d’air à chaud est très limité.

On remarque que l’un des deux verres est de couleur bleu. Cette coloration est voulue et fait suite à l’ajout de quelques centaines de ppm d’oxyde de cobalt. Grace à la différence de couleur, l’interface est facilement repérable à l’œil nu et la présence de convection est rapidement détectée.

Les deux cylindres polis du couple de diffusion sont ensuite insérés dans un creuset en alumine de diamètre 4mm en prenant soin de positionner le verre le plus dense à haute température au fond. Dans le cas contraire, le verre le moins dense remonterai à la surface une fois à l’état visqueux entrainant des diffusions et mélanges de matière pendant cette remontée, nous éloignant de notre objectif d’isoler la diffusion comme seul mécanisme de transport. Les densités calculées (Priven, 2004) des verres aux différentes températures sont présentées en Annexe 2. Les échantillons sont donc insérés froids dans un four électrique préchauffé à haute température puis trempés à l’air après un temps de diffusion défini. La question de ces temps et températures de diffusion mérite d’être discutée tant ces deux paramètres sont cruciaux en termes de domaine d’intérêt et de limitations expérimentales qu’ils impliquent.

Dans un premier temps, une température d’intérêt serait celle du point chaud à laquelle fonctionnent les fours verriers, à savoir autour de 1500°C. Cependant, il convient d’être prudent sur ce que nous permet notre protocole expérimental. La température est un facteur crucial dans l’apparition de phénomènes de convection. Le nombre de Rayleigh (Eq

2.2) permet d’estimer l’apparition des cellules de convection.

ࡾࢇ ൌ

ࢍ.∆ࢀ.࢒

ࢊ.ࢻ ( 2.2 )

Ou g est la constante gravitationnelle, ∆T la variation de température dans l’échantillon, l3 le volume de l’échantillon, β la dilatation thermique volumique du verre fondu,η la viscosité dynamique, d la densité et α la diffusivité thermique. Lorsque le nombre de Rayleigh est supérieur à 1700-2000, les cellules de convection commencent à apparaitre. La Figure 2.2 représente ce nombre de Rayleigh estimé pour chaque verre avec ∆T = 10K, β = 60.10-6K-1, α = 10-7 m².s-1 et ce pour les viscosités et densités correspondantes aux températures d’intérêt.

Figure 2. 1 : Gauche : Plaque de verre de 1kg après coulée,

centre : cylindres de verres carottés prêts pour la diffusion droite : Couple de diffusion prêt à être analysé

On remarque sur cette figure 2.2 qu’au-dessus de 1300°C, le risque de convection n’est pas acceptable. Trois températures d’analyse ont donc été choisies, 1200°C, 1250°C et 1300°C. Des premiers essais de 1h ont eu lieu, laissant place à des cellules de convection très marquées tel que présenté Figure 2.3. Des essais de ce genre ne permettent pas d’isoler les phénomènes de transports de matière diffusifs et convectifs et ne sont donc pas exploitables.

Un autre facteur influant sur la convection et non inclus dans le nombre de Rayleigh est le temps. En effet tel que le décrit l’équation suivante, le temps est aussi un facteur déterminant sur la formation de cellules de convection(Richter et al., 1998). Des durées de temps de diffusion inférieures à 20mn permettent d’éradiquer toute forme de convection tout en conservant des profils de diffusion suffisamment étendus pour être analysables par nos différents appareils (Microsonde électronique, Raman, absorption des rayons X etc…). Après 20mn à haute température, les échantillons sont retirés du four et trempés à l’air jusqu’à ce qu’ils ne dégagent plus de lumière, ce qui correspond très grossièrement à 700°C. A ce moment-là, ils sont insérés dans un autre four électrique préchauffé à 20°C au-dessus de Tg pour un recuit de 50mn avant une descente en température correspondant à l’inertie du four.

Une fois froid, chaque échantillon est enrobé dans une résine puis tranché à la scie de précision. La surface est ensuite polie à la polisseuse mécanique jusqu’à avoir un poli dit optique avec des aspérités de surface de taille inférieures au micron.

Figure 2. 2 : Nombre de Rayleigh calculés pour chacun des verres couplés. Un nombre de

Rayleigh supérieur à 2000 (barre rouge) assure la présence de convection

Figure 2. 3: Exemple de cellules de convections obtenues lors d’échanges