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2. Méthodes expérimentales

2.3. Détermination de l’arrangement structural du verre

2.3.2. Absorption des rayons X

Les méthodes de caractérisation par absorption des rayons X permettent d’obtenir des informations sur l’environnement proche de l’élément étudié à travers l’obtention de fonctions de distributions de paires. Les informations obtenues peuvent être variables en fonction de l’élément étudié mais les caractéristiques classiquement déterminées sont la coordinence, les distances interatomiques ou encore l’état d’oxydation. Avant de rentrer dans le détail de nos expériences, nous allons brièvement introduire la spectroscopie par absorption des rayons X.

2.3.2.1. Processus d’absorption

La première étape d’une mesure d’absorption X est l’irradiation de notre échantillon sous un flux de rayons X à énergie maitrisée. En effet, il s’agit dans un premier temps d’avoir en tête un élément et un seuil énergétique de ce dernier pour procéder à un balayage en énergie depuis quelques eV avant le seuil jusqu’à environ 1500eV après en fonction des cas. Les transitions électroniques engendrées par le balayage de ces seuils vont engendrer des phénomènes d’interférences liées aux voisins. Suite à l’interaction entre un photon X incident et l’atome absorbeur, un électron de cœur est éjecté sous forme d’un photoélectron se propageant comme une onde sphérique diffractée par les atomes environnant et interagissant avec l’onde sortante. Ces interactions donnent lieu à des oscillations d’interférence dans une zone s’étendant environ 50eV au-dessus du seuil d’absorption et renseignant sur les distances interatomiques et la nature des voisins, au-delà de la première sphère de coordinence.

Le rapport d’intensité entre le faisceau incident et transmis, soit :

ൌ ࡵࢋ࢞࢖ሺࣆ࢞ሻ ( 2.9 )

avec I0 le rayonnement incident, It le rayonnement transmis, x l’épaisseur de l’échantillon et μ le coefficient d’absorption qui est lié à la section efficace d’absorption σ dans le matériau par :

ࣆ ൌ ࣌ࡺ ( 2.10 )

avec N la densité d’atomes par unité de volume. On peut ainsi écrire la fonction d’interférence en fonction de l’absorption :

࣑ሺࡱሻ ൌࣆሺࡱሻିࣆ૙ሺࡱሻ

ࣆ૙ሺࡱሻ ( 2.11 )

avecμ0 qui correspond à l’absorbance que l’on mesurerait si l’on avait un atome seul isolé de toute interaction. Dans le but d’augmenter l’amplitude des oscillations du signal qui sont

donc les interférences donnant les informations sur les voisins, la fonction d’interférence est exprimée en fonction de k l’énergie convertie en unité des vecteurs d’onde :

࢑ ൌ ට૛࢓

ࢎ૛ ሺࡱ െ ࡱ૙ሻ ( 2.12 )

Par la suite, l’approximation d’une diffusion est faite. Cette approximation de diffusion simple nécessite de ne pas considérer les quelques premières oscillations les plus proches du seuil de l’élément excité car ces dernières sont liées à des phénomènes de diffusions multiples. Ce faisant, la partie oscillante du coefficient d’absorption linéaire est alors donnée par :

࣑ሺ࢑ሻ ൌ|ࢌሺ࢑,࣊ሻ| ׬ ࢍሺ࢘ሻష૛࢘ࣅሺ࢑ሻ࢙࢏࢔ሺ૛࢑࢘ା∑ ࣐ሺ࢑ሻሻ

࢘૛ ࢊ࢘ ( 2.13 )

avec g(r) représentant la fonction de distribution radiale, traduisant le paysage atomique local autour de l’atome sondé projeté à une dimension. Elle peut être considérée comme une distribution gaussienne des distances interatomiques si l’on considère l’approximation harmonique,f(k, ߨ) l’amplitude de rétrodiffusion de l’onde, λ(k) le libre parcours moyen d’un photoélectron et Σϕ(k) la somme des déphasages du photoélectron introduits par l’atome excité et les atomes rétrodiffusant. Il est possible d’inclure les effets de désordre statique et thermiques dans la fonction d’interférence. Dans ce cas des modèles de type anharmonique sont utilisés : ࣑ሺ࢑ሻ ൎ ∑ ࡿሺ࢑ሻ ࢑ࡾ|ࢌሺ࢑, ࣊ሻ|ࢋି૛࣌࢑૛ି૛ࡾ࢐⁄ࣅ࢐ሺ࢑ሻܛܑܖ ቀ૛࢑ࡾ൅ ࣐ሺ࢑ሻ൅࣐ሺ࢑ሻ ൅ ࣐ࢇ࢔ࢎሺ࢑ሻቁ ( 2.14 )

Cette équation traduit une somme de sinusoïdes sur j avec chacune un terme d’amplitude. J étant le nombre de couche d’atomes rétrodiffusant de façon identique. Les autres termes de l’équation correspondent à Si(k) le facteur d’échelle représentant le terme de réduction dû aux effets multi-électroniques, Ni le nombre de coordinence, Ri la distance interatomique entre l’atome excité et la couche d’atome rétrodiffusant, σ²i le facteur de Debye-Waller traduisant le désordre thermique et statique. Pour finir ϕi(k) et ϕj(k) traduisent les déphasages introduits par les potentiels atomiques de l’atome central et des atomes rétrodiffusés quand ϕanh(k) les contributions anharmoniques de déphasage qui vont être liées au désordre structural et thermique. L’ajustement des paramètres de cette équation théorique (Eq 2.14) pour correspondre au mieux à l’acquisition expérimentale permet de remonter aux informations recherchées et ce pour chaque couche atomique :

 Rj donne les distances interatomiques  Nj donne la coordinence

 σ donne le désordre structural et thermique

Cet ajustement se fait par analyse de la transformée de Fourrier de notre signal décrit par :

On passe ici, en terme de distances interatomiques du domaine réciproque décrit par Rj(Eq 2.14) au domaine réel décrit par R’ (Eq 2.15). Une illustration de ce que peut donner un

spectre d’absorption X dans les deux espaces est présenté Figure 2.9.En raison des termes de déphasages dans la fonction sinus (Eq 2.14), les distances dans l’espace réel sont plus courtes que les distances réelles.

Nous préciserons quand même ici qu’il s’agit d’un spectre d’absorption X de type EXAFS, à

savoir que la partie XANES a été retranchée. La différence entre les deux méthodes d’absorption est présentée dans la partie suivante.

2.3.2.2. Différence entre EXAFS et XANES

D’une manière générale, la différence entre l’absorption X de type XANES (X-ray Absorption Near Edge Structure) et EXAFS (Extended X-ray Absorption Fine Structure) se fait sur la gamme d’énergie étudiée autour de l’énergie de seuil. La Figure 2.10 présente un spectre d’absorption X dans son ensemble, comprenant les parties EXAFS et XANES :

Figure 2. 9: La figure de gauche présente un signal d’absorption X dans l'espace réciproque

quand la figure de droite présente le même signal dans l'espace réel après transformation de Fourrier

XANES

EXAFS

Figure 2. 10 : Spectre d'absorption X sur une étendue énergétique couvrant le

La spectroscopie XANES s’intéresse donc aux quelques eV avant l’énergie de seuil et s’étend jusqu’à 50-100eV après. Elle est de ce fait très bien résolue en énergie (<0.2eV). Elle permet d’avoir accès à des propriétés très locales de l’élément étudié tel que l’hybridation des orbitales, le champ cristallin ou encore la coordinance. Cependant, tel que nous l’avons déjà introduit dans l’équation (2.13), l’utilisation des équations (2.13 à 2.15)ne peut pas être appliquée dans cette zone sujette aux contributions de diffusions multiples. L’obtention d’informations recherchées peut se faire par simple comparaison du spectre XANES avec des références cristallines aux caractéristiques bien connues, ou encore à travers des calculs théorique tentant de reproduire le spectre.

La spectroscopie EXAFS considère le spectre d’absorption X à partir de l’énergie à laquelle l’approximation de diffusion simple est correcte. La zone est floue entre la partie XANES et EXAFS mais on peut considérer que ce dernier s’étend depuis 50eV après le seuil d’énergie jusqu’à plusieurs centaine d'eV au-delà. La gamme en énergie plus étendue permet de considérer les équations (2.13 à 2.15) et donne ainsi accès à des informations sur la structure locale du site de l’élément étudié mais aussi sur ses quelques premiers proches voisins. Les différentes distances interatomiques ainsi que les coordinences sur une échelle des 2 à 3 premiers voisins sont des informations classiquement recherchées par spectroscopie EXAFS.

2.3.2.3. Seuil L particulier

La spectroscopie d’absorption X se fait sur différents seuils (K,L,M), le plus courant étant le seuil K. Le seuil L possède certaines particularités dans le cadre des métaux de transition de type 4d à savoir qu’il est dédoublé. Les seuils L2 et L3 sont en effet dus à des transitions de l’état 2p à 4d lors de l’excitation. Or dans une symétrie octaédrique, les deux pics de chacun des niveaux L2 et L3 sont associés avec la déformation de champs cristallins de l’état 4d en deux niveaux plus ou moins séparés t2g et eg. Le nombre de voisins change directement le remplissage de ces niveaux d’énergie, affectant ainsi leur niveau d’énergie. La Figure 2.11 présente schématiquement le phénomène dans le cadre du seuil L2,3d’un atome de Zr :

Figure 2. 11 : Schéma du cas particulier du seuil L dans un atome de zirconium avec la

séparation du niveau d’énergie 4d en deux niveaux d’énergie définissant le champ cristallin Dans un premier temps, la figure de gauche présente un faisceau de rayons X avec une énergie nécessaire à l’éjection d’un électron situé sur la couche L. Cet électron éjecté

entraine la migration d’un électron des couches externes vers la couche L. La figure de droite présente ce qu’il se passe au niveau du seuil L irradié, à savoir le remplissage des niveaux d’énergie t2g et eg. Les positions des niveaux d’énergie d’un atome variant légèrement en fonction de son état d’oxydation, de ses voisins et de leur arrangement, l’énergie du signal émis par désexcitation varie lui aussi. Les informations concernant la phase et l’état d’oxydation sont de ce fait accessibles.

2.3.2.4. Expériences réalisées

Une première campagne de mesure par spectroscopie XANES s’est déroulée sur la ligne LUCIA du synchrotron SOLEIL. Elle a fait suite à la demande de temps de faisceau N°20150961 donnant accès à la ligne du 1er au 7 Juillet 2016 avec Nicolas Trcera comme contact de ligne. L’objectif étant d’exciter les seuils L2et L3 du zirconium pour obtenir des informations sur la première sphère de coordinence des atomes de zirconium intégrés dans différents verres. Les échantillons sélectionnés que nous avons passé ont des compositions variables en plusieurs éléments ce qui permet d’étudier l’impact de ces éléments sur cette première sphère de coordinence. A ce

titre, le faisceau de rayons X a balayé les énergies allant de 2200 à 2338 eV. L’énergie du faisceau a été sélectionnée grâce à deux monochromateurs Si(111). Un détecteur de type diode silicium a été utilisé pour l’acquisition des données par fluorescence. Chaque spectre est la moyenne d’un minimum de deux acquisitions avec un pas en énergie de 0.1eV et un temps de comptage de 3 secondes. Après une normalisation du saut d’énergie à 1 grâce au logiciel Athena(Ravel & Newville, 2005), le

background résiduel a été retiré avec la soustraction d’une fonction arctangente(Jollivet et al., 2013) tel que présenté Figure 2.12. Pour finir, les spectres XANES ont chacun été ajustés avec deux fonctions pseudo-Voigt, correspondant chacune aux niveaux d’énergie t2g et eg du niveau 4d.

Au final, l’acquisition de spectres XANES s’est faite sur deux types d’échantillons :

 Les premiers se présentant sous forme de poudre à composition homogène subirent une irradiation à travers un faisceau défocalisé de l’ordre du mm². Leur composition est listée dans le tableau 2.2.

 Le second type d’échantillon a pleinement exploité les spécificités de la ligne LUCIA offrant une résolution spatiale en étudiant des échantillons le long de profils de diffusion. Les profils de diffusion de spectres XANES entre les couples de verres ZN|NZ, ZC|CZ, AZ|ZA et AN|NA ont été ainsi mesurés. Le faisceau est dans ce cas focalisé en un spot de 5µm² avec une résolution spatiale de 1µm. Une telle résolution spatiale était bienvenue car la plupart de nos profils de diffusion de zirconium ne s’étendent que sur une cinquantaine de microns.

Figure 2. 12: Retrait de la ligne de base sur un

Ces mesures ont été complétées par une campagne de mesures EXAFS pour obtenir les distances entre Zr et les premiers et seconds voisins. La campagne a eu lieu sur la ligne XAFS du synchrotron ELETTRA en Italie près de Trieste. Elles ont fait suite à la demande N°2016549 et ont eu lieu du 21 au 25 février 2017 avec GiulianaAnquilanti comme contact de ligne. Les spectres EXAFS ont été acquis sur des échantillons de verre massif à composition bien maitrisée, refroidis par un dispositif de réservoir remplis d’azote liquide. Cette température permet de limiter les vibrations du réseau vitreux liées à la température et ainsi avoir des profils mieux définis (le désordre thermique est réduit dans σ²). L’absorption s’est cette fois faite sur le seuil K du zirconium sur une plage d’énergie allant de 18 à 19.5 KeV. Cette absorption a été normalisée en régulant l’épaisseur des échantillons en fonction de leur coefficient d’absorption théorique sous un flux de photons X à ces énergies.