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Application de la matrice de diffusion hors de l’espace de définition

5. Structure dans les verres Na2O-CaO-Al2O3-SiO2-ZrO2

5.3. Couplages entre les modifications structurales et la mobilité dans le système NCASZ

6.1.2. Application de la matrice de diffusion hors de l’espace de définition

Nous avons vu précédemment que l’utilisation de nos matrices de diffusion nous permettait de prédire avec précision les profils de concentration issus de diffusion au sein de notre espace de composition initial. Cependant, la plupart des problématiques industrielles auxquelles nous nous intéressons concernent des gradients de composition dépassant les limites de notre espace de composition restreint. Dans cette partie, nous allons principalement nous intéresser aux profils de diffusion qui peuvent exister entre les réfractaires des parois d’un four verrier et le verre. En effet la corrosion des réfractaires par le verre en fusion est souvent abordée sous l’angle de la perte de matière en fonction des conditions et du temps sans différencier les phénomènes de perte de matière entre eux (Guzmán et al., 2014), ou alors de manière qualitative (Rahimi et al., 2011, Kasselouri et al., 2002).

Nous allons utiliser nos matrices de diffusion dans ces systèmes malgré la non-validation des hypothèses de conservation de la masse, et de constance du coefficient de diffusion le long du profil de diffusion. De plus, seule la diffusion non réactive peut être décrite, or les interfaces ente verre et réfractaire sont des zones ou la cristallisation peut facilement émerger (Li et al., 2008). Nous avons procédé à des expériences de diffusion entre plusieurs réfractaires industriels avec un verre. Pour simplifier le problème, nous nous sommes légèrement éloignés du cas totalement industriel en choisissant un verre synthétisé en laboratoire dit C0.1. La composition de ce verre est donnée ci-après en poids% et disponible en Annexe 1: 64,5 SiO2 ; 13,3 Na2O ; 10,8 CaO ; 11,3 Al2O3. Ce verre a la même composition que le verre C0 si ce n’est que les 3 poids% de ZrO2 ont été retirés et le ratio des autres éléments conservés. Nous pensons que la composition de ce verre est un bon compromis entre celle d’un verre industriel réel qui ne possède pas de zirconium et moins d’aluminium, et la nécessité de rester au plus près de notre espace de composition pour maximiser la qualité de nos prédictions. Quant aux compositions des réfractaires, seules les concentrations en ZrO2 seront considérées dans ce manuscrit. Le réfractaire R1 contient 36 poids% de ZrO2, R2 contient 40 poids% de ZrO2 et R3 en contient 70 poids%. Le reste du réfractaire étant composé d’alumine et d’une phase vitreuse aluminosilicatée.

Une problématique supplémentaire, une fois que les profils de concentration des cinq éléments sont calculés, est le positionnement de l’interface entre le verre et le réfractaire. Pour procéder à des mesures par microsonde électronique, nous partons toujours du réfractaire pour ensuite continuer les mesures dans le verre. Les grands gradients de concentration sont problématiques car la plupart des éléments nécessitent une référence différente, que l’on mesure en faible ou haute concentration. A ce titre, nous nous basons sur des références précises dans les verres mais pouvant se révéler hors gamme dans les réfractaires. Ajoutons à cela les instabilités possibles sur les quelques premiers microns entre le verre et le réfractaire et la position exacte de l’interface qui devient très difficile à déterminer. Nous n’avons à l’heure actuelle pas trouvé d’autres moyens que de déplacer manuellement l’ensemble des profils théoriques pour que ces derniers s’ajustent au mieux sur leurs profils expérimentaux. Tous les éléments subissent cependant le même déplacement arbitraire.

Les profils de concentration dans le verre en contact avec les trois réfractaires sont présentés dans la Figure 6.4 ci-dessous. Chacun de ces échanges est une diffusion ayant eu lieu entre un réfractaire et le verre C0.1 pendant 40h à 1250°C. Il faut se représenter l’interface entre verre est réfractaire sur la gauche de chacun des graphiques à ݀݅ݏݐܽ݊ܿ݁ ൌ 0.

La tendance des profils de diffusion est correctement prédite par la matrice de diffusion pour le réfractaire à 36 poids% de ZrO2. On peut simplement noter une sous-estimation de notre part du coefficient de diffusion du calcium. Concernant le second profil avec un réfractaire à 40 poids% de ZrO2, on remarque un décrochage entre la prédiction et les mesures au début du profil de silicium. Concernant le dernier réfractaire R3 contenant 70 poids% de ZrO2, les prédictions sont bien plus éloignées de la réalité. Dans un premier temps, le léger gradient de Na2O n’est pas prédit, ensuite il y a un décalage sur l’estimation des profils d’aluminium. Notre prédiction converge à la même distance que le profil expérimental mais le comportement est mal prédit. Pour finir, le profil de diffusion du SiO2 est le cas le moins bien prédit, à savoir que nous n’estimons pas le bon comportement diffusif à proximité du réfractaire avec une pente expérimentale très raide quand nous prédisons quasiment un plateau. A mesure que nous nous éloignons, notre profil décroche de l’expérimental pour surestimer la distance de diffusion.

Le fait que nous soyons capables de prédire correctement les profils de concentration dans l’échange avec le réfractaire à 36 poids% de ZrO2 suggère que les couplages entre les éléments, traduits par les coefficients de diffusion extra diagonaux (dits couplés) de notre matrice sont similaires à ceux déterminés dans notre espace de composition. A partir de 40 poids% de ZrO2, nous sommes toujours capables de prédire correctement le comportement de la plupart des éléments excepté SiO2 qui est légèrement plus concentré proche de l’interface comparé aux calculs prédictifs. Finalement, avec 70 poids% de ZrO2, nous avons des écarts assez marqués sur la prédiction des comportements du sodium, calcium et silicium.La surestimation ou sous-estimation de l’étendue d’un profil de concentration comparativement à la prédiction correspondrait à une variation des coefficients de diffusion que l’on peut relier à des variations de valeurs propres. Cependant l’erreur sur la prédiction

SiO2

Al2O3 ZrO2

CaO

Na2O

Figure 6. 4 : Profils de diffusion entre des réfractaires et le verre C0.1. De gauche à droite la concentration en ZrO2 du réfractaire est : 36 Poids%, 40 Poids% et 70 Poids%. Les traits pleins

correspondent aux prédictions de la matrice de diffusion quand les points correspondent aux mesures microsonde

du comportement suppose que ces écarts sont liés à des changements d’orientation des vecteurs propres liés aux matrices de diffusion et plus seulement aux valeurs propres.

Pour finir, un résultat étonnant est la très faible concentration en ZrO2 mesurée dans le verre (seulement quelques poids%) alors que les réfractaires en contiennent jusqu’à 70 poids%. A l’inverse, la saturation en aluminium au contact du réfractaire est très grande, quel que soit le type de réfractaire considéré. Il semblerait que dans un processus de diffusion, l’aluminium sature prioritairement le verre avant de laisser le zirconium diffuser. Ces résultats seront développés et discutés dans la partie (6.1.5) traitant de la saturation d’un verre avec des rapports différents d’aluminium et zirconium.

Cette thèse traitant principalement du zirconium, nous allons maintenant étudier plus en détail les profils de diffusion de celui-ci, dont nous avons déjà discuté, et qui sont présentés sur une échelle plus lisible dans la Figure 6.5 (courbes violettes).

Le premier ajustement avec l’équation (4.2) permettant d’obtenir le coefficient de diffusion apparentDZr des données expérimental est représenté par une courbe rouge. Par la suite, nous utilisonscette même équation(4.2) pour déterminer un coefficient de diffusion simple du zirconium tiré du profil de concentration prédit par la matrice de diffusion. Cela nous permet d’avoir deux valeurs à comparer et ainsi de se faire un ordre d’idée de l’erreur que nous faisons dans notre prédiction en fonction du système que nous étudions.

Figure 6. 5 : Profils de diffusion de ZrO2 entre des réfractaires et le verre C0.1. De gauche à droite la concentration en ZrO2 du réfractaire est : 36 Poids%, 40 Poids% et 70 Poids%. Le

trait plein correspond à la prédiction de la matrice de diffusion quand les points correspondent aux mesures microsonde. La courbe représente l’ajustement fait avec

Le Tableau 6.1 présente les coefficients de diffusion ܦ௓௥ extraits des prédictions de la matrice et des profils expérimentaux. On remarque que notre matrice de diffusion a tendance à surestimer les distances de diffusion du zirconium quel que soit le réfractaire. Nous pensons que cela est lié à la viscosité du verre fondu proche de l’interface qui, à cause de sa forte concentration en aluminium, est bien plus élevée que les verres dans notre espace de composition expérimental. La viscosité impacte fortement les coefficients de diffusion telle que le décrit l’équation (4.1).

D (m².s-1) ZrO2 = 36 poids% ZrO2 = 40 poids% ZrO2 = 70 poids% DZr (Matrice) 1,310.10-13 3,407.10-13 4,619.10-13

DZr (Expérimental) 1,190.10-13 1,283.10-13 4,552.10-14

Tableau 6. 1 : Coefficients de diffusion du zirconium dans les échanges entre verre et

réfractaire. L'équation 4.2 est utilisée pour extraire un DZr de profils simulés par notre matrice de diffusion et des profils expérimentaux

Concernant nos prédictions, on remarque que l’accord entre les valeurs prédites et mesurées suit les résultats concernant les autres éléments, à savoir que notre prédiction est très correcte pour 36 poids% de ZrO2, utilisable prudemment pour 40 poids% de ZrO2 et clairement éloignée avec un facteur 10 d’écart pour 70poids% de ZrO2. Cependant, l’allure du profil de diffusion de ZrO2 est toujours bien prédite. Aussi les vecteurs propres impactant la mobilité du zirconium ne semblent pas changer de direction, et ce même dans un système aussi éloigné de notre espace de définition de la matrice de diffusion que l’échange avec 70% poids% de ZrO2.