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5.1 Influence des connaissances primaires et secondaires dans la résolution de problèmes

5.1.5 Expérience 4a

5.1.5.1 Participants et procédure

Les participants sont 146 étudiants (39 hommes, 107 femmes) d’âge moyen 22.18 ans (±5.75) recrutés sur les groupes Facebook universitaires français. La passation est faite en ligne grâce au logiciel Qualtrics et dure environ 20 minutes. Tous les participants ont un niveau de français suffisant. Le niveau moyen estimé en mathématiques des participants est de 50.85/100 (±31.04) et ils déclarent aimer faire des jeux de logique à 63.05/100 (±22.89). Les consignes sont les suivantes :

Nous allons maintenant vous proposer des énoncés. Ces énoncés se présenteront comme suit:

« Toutes les choses qui ont un moteur ont besoin d'huile, Or les voitures ont un moteur,

Donc les voitures ont besoin d'huile. »

Les prémisses (deux premières lignes) doivent être considérées comme vraies.

La conclusion (dernière ligne) ne devrait être acceptée que si elle découle logiquement des prémisses.

93 Pour chaque énoncé, vous allez devoir juger si les différentes conclusions que nous allons vous proposer découlent de leurs prémisses ou non.

Sur chaque page internet, des blocs de quatre syllogismes sont affichés à chaque fois. Chaque bloc contient deux syllogismes conflictuels (le statut logique de la conclusion entre en conflit avec les croyances) et deux syllogismes non conflictuels (le statut logique de la conclusion est en accord avec les croyances) :

Habillages liés aux connaissances primaires (nourriture et caractéristiques de la faune) : Tous les gâteaux se mangent,

Or les marbrés au chocolat se mangent,

Donc les marbrés au chocolat sont des gâteaux (conflictuel : statut logique invalide vs. conclusion croyable).

Tous les mammifères peuvent marcher, Or les chats sont des mammifères,

Donc les chats peuvent marcher (non conflictuel : statut logique valide vs. conclusion croyable).

Habillages liés aux connaissances secondaires (grammaire et mathématiques) : Tous les nombres premiers sont impairs,

Or 2 est un nombre premier,

Donc 2 est impair (conflictuel : statut logique valide vs. conclusion incroyable). Tous les verbes français du premier groupe finissent par -er,

Or « aller » finit par -er,

Donc « aller » est un verbe français du premier groupe (non conflictuel : statut logique invalide vs. conclusion incroyable).

Les participants répondent à chaque syllogisme en cochant la case « la conclusion découle logiquement des prémisses » ou la case « la conclusion ne découle pas logiquement des prémisses ». Chaque participant est confronté à deux blocs de syllogismes à habillage de connaissances primaires et deux blocs de syllogismes à habillage de connaissances secondaires (un bloc sur chaque page internet). L’ordre de présentation des connaissances primaires et

94 secondaires est contrebalancé et la présentation des syllogismes est aléatoire dans chaque bloc. Normalement, quatre syllogismes conflictuels et quatre syllogismes non conflictuels (pour chaque type de connaissances) devaient être présentés aux participants. Cependant, une erreur dans la construction du matériel s’est produite : un syllogisme AB CB CA non conflictuel a été construit comme un syllogisme AB CA CB devenant conflictuel pour chaque type de connaissances (Annexe C, Tableau C3). De fait, chaque participant a été confronté à cinq syllogismes conflictuels et trois syllogismes non conflictuels. Comme cette erreur s’applique autant aux connaissances primaires que secondaires et comme les performances sont notées en pourcentage, les résultats ne sont pas invalidés.

Comme dans les expériences 2 et 3, en plus de leur (i) performance, pour chaque bloc de syllogismes, les participants renseignent sur une échelle visuelle analogique (de 0 à 100) (ii) à quel point répondre aux questions leur a plu (investissement émotionnel), (iii) à quel point ils ont eu envie de trouver les bonnes réponses (investissement cognitif), (iv) à quel point ils sont confiants dans leurs réponses et (v) à quel point ils sont d’accord avec les phrases « le sujet abordé était complexe » et « vous vous êtes beaucoup concentré(e) pour réaliser cette tâche » (charge cognitive perçue). La (vi) vitesse moyenne (nombre de problèmes résolus en une minute) pour répondre à une page de questions est également mesurée. Enfin, les participants renseignent quelques informations personnelles comme leur niveau estimé en mathématiques et leur enthousiasme à participer à des jeux de logique.

De même que pour l’expérience 2, la charge cognitive est manipulée inter-groupe en inversant l’ordre des mots pour chaque ligne du syllogisme (modalité charge cognitive forte). Par exemple :

Tous les gâteaux se mangent,

Or les marbrés au chocolat se mangent,

Donc les marbrés au chocolat sont des gâteaux Devient :

Mangent se gâteaux les tous,

95 Gâteaux des sont chocolat au marbrés les donc.

Des consignes indiquent aux participants que ces syllogismes doivent être lus de droite à gauche (phase d’entraînement). Les participants dans la modalité charge cognitive faible lisent les lignes dans le sens conventionnel.

Comme dans l’expérience 3, avant de demander aux participants quelques informations personnelles, à la fin de l’expérience, une dernière page a été ajoutée, similaire aux autres pages de questions : les syllogismes présentés sont « A est B, Or C est B, Donc C est A ». Afin d’évaluer la charge cognitive globale sur l’ensemble de la passation, une toute dernière question est ajoutée et demande aux participants à quel point ils sont d’accord avec les propositions « les sujets abordés étaient complexes », « vous vous êtes beaucoup concentré(e) pour réaliser cette étude » et « l’étude était très facile pour vous ».

De façon analogue aux effets de la charge cognitive (faible vs. forte), dans le cas de problèmes non conflictuels, les deux types de connaissances ne devraient pas entraîner de différences de performance alors que dans le cas de problèmes conflictuels, les connaissances primaires, de par leur facilité de traitement et leur coût moindre en ressources cognitives, devraient favoriser la performance comparativement aux connaissances secondaires. Les mêmes types d’analyses que ceux de l’expérience 3 ont été utilisés. Les modèles linéaires complets à effets mixtes incluent le type de connaissances, le type de syllogisme, le type de charge cognitive manipulée, l’ordre de présentation des types de connaissances, le niveau estimé en mathématiques et le sexe des participants.

Concernant la répartition par modalités croisées, 73 participants ont été exposés à des problèmes à habillage de connaissances primaires en premier (37 avec une charge cognitive forte, 36 avec une charge cognitive faible) et 73 participants ont été exposés à des problèmes à habillage de connaissances secondaires en premier (39 avec une charge cognitive forte, 34 avec une charge cognitive faible). Un item permet aux participants de nous informer qu’ils ont fait une pause de plus de 30 secondes pendant leur passation : 124 participants n’en ont pas fait, nous avons donc exclu des analyses les 22 autres lorsque la variable testée est la vitesse.

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5.1.5.2 Résultats et discussion

Par rapport aux connaissances secondaires, les connaissances primaires entraînent une performance et un plaisir à répondre aux questions plus importants ainsi qu’une charge cognitive perçue plus faible (Table 7 et Figure 7).

Tableau 7 : Résultats des modèles linéaires complets à effets mixtes concernant l’influence des deux types de connaissances sur les variables dépendantes de l’expérience 4a. Les analyses sont décrites avec les moyennes (M) et les écarts-types (σ).

Connaissances primaires Connaissances secondaires χ² p

M σ M σ

Performance 73.90 33.50 63.29 32.17 31.33 <.001 Aimer répondre aux questions 63.03 27.11 59.16 26.32 10.87 .001 Envie de trouver les bonnes réponses 66.70 24.80 66.24 25.93 0.18 .67 Confiance dans les réponses données 59.90 27.51 57.43 27.81 3.50 .06 Charge cognitive perçue 35.97 21.34 40.41 21.10 20.28 <.001 Vitesse (pb/min) (n=124) 5.17 10.81 5.18 10.96 <0.001 .99

Figure 7 : Résultats des modèles linéaires complets à effets mixtes concernant l’influence des deux types de connaissances sur les variables dépendantes de l’expérience 4a. Les moustaches représentent 95% de l’estimate et l’intervalle de confiance (IC) (la modalité de référence est « connaissance secondaire »).

Les syllogismes non conflictuels (M=82.19±22.67) sont mieux réussis que les syllogismes conflictuels (M=55.00±36.45) (estimate=-0.82, ES=0.06 ; χ²=205.51, p<.001). L’interaction entre le type de syllogisme et la charge cognitive manipulée n’est pas significative (χ²=2.31, p=.12).

97 L’effet d’interaction entre le type de syllogisme et le type de connaissances (χ²=14.83, p<.001) rend compte d’un impact significatif du type de connaissances sur la performance des syllogismes non conflictuels (MK1=91.09±17.63 vs. MK2=73.29±23.69) (estimate=-0.78,

ES=0.09 ; χ²=81.29, p<.001) mais pas sur celle des syllogismes conflictuels (MK1=56.71±36.69 vs. MK2=53.29±36.26) (estimate=-0.09, ES=0.06 ; χ²=2.74, p=.10) (Annexe

E, Figure E1a). Les syllogismes non conflictuels sont mieux réussis qu’il s’agisse de connaissances primaires (Mnon conflit=91.09±17.63 vs. Mconflit=56.71±36.69) (estimate=-1.03,

ES=0.09 ; χ²=125.43, p<.001) ou secondaires (Mnon conflit=73.29±23.69 vs. Mconflit=53.29±36.26)

(estimate=-0.62, ES=0.09 ; χ²=49.51, p<.001). L’interaction entre la charge cognitive manipulée et le type de problème n’est ni significative pour les connaissances primaires (p=.40) ni pour les connaissances secondaires (p=.26). Cependant, la charge cognitive manipulée influence uniquement les problèmes à habillage de connaissances secondaires (estimate=-0.25, ES=0.12 ; χ²=3.91, p=.05) : les problèmes à habillage de connaissances secondaires sont mieux réussis lorsque la charge cognitive est faible (M=68.33±32.11) que lorsqu’elle est forte (M=58.64±31.63) (Annexe E, Figure E1b).

La rapidité de résolution des tâches de façon générale est plus importante lorsque la charge cognitive est faible (estimate=-0.25, ES=0.12; χ²=5.45, p=.02) (MCC faible=6.32±12.61 vs. MCC forte=4.07±8.75). Cet effet de la charge cognitive manipulée sur la rapidité se vérifie sur les

problèmes à habillage de connaissances primaires particulièrement (estimate=-0.33, ES=0.13; χ²=6.14, p=.01) (MCC faible=6.79±14.68 vs. MCC forte=3.60±4.13) (Annexe E, Tableau E7, première

ligne).

L’ordre de présentation des types de connaissances influence uniquement les problèmes à habillage de connaissances primaires : le plaisir à effectuer la tâche (MK1premier=68.03±25.03 vs.

MK2premier=58.03±28.25) (estimate=-0.39, ES=0.15; χ²=6.74, p=.01) est alors plus grand lorsque

ces problèmes sont présentés en premier (Annexe E, Tableau E7, deuxième ligne).

Plus le niveau estimé en mathématiques est important, plus la performance (r=0.14; p<.001) est importante (estimate=0.006, ESs=0.002; χ²s=11.20, p=.001) (Annexe E, Figure E3).

Les résultats concernant les derniers problèmes ABC ne rendent pas compte d’une influence significative de l’ordre de présentation des types de connaissances. La charge cognitive

98 manipulée influence marginalement la confiance dans les réponses données (MCC faible=67.54±29.24 vs. MCC forte=58.76±28.23) (F(1,140)=3.51, p=.06, η²p=0.02). Par contre, il n’y

a pas d’effet sur la charge cognitive globale. Plus le niveau estimé en mathématiques est important, plus la performance aux problèmes ABC est élevée (r=0.23, p<.001).

Cette quatrième expérience réplique les résultats obtenus concernant l’effet positif des connaissances primaires et apporte un résultat étonnant concernant l’interaction entre le type de connaissances et le type de problème. En effet, contrairement à ce qui était attendu, le type de connaissances influence la performance pour les problèmes non conflictuels et non pour les problèmes conflictuels. La charge cognitive semble impacter la performance aux problèmes à habillage de connaissances secondaires uniquement. Les connaissances secondaires agiraient donc comme une source de conflit, taxant les ressources cognitives disponibles. Cette expérience ne renseigne que sur les différences de performance entre les types de problèmes. Les études suivantes ont pour objectif d’étendre les observations aux autres variables.