• Aucun résultat trouvé

EXEMPLES D'INITIALISATION PHONOLOGIQUE 25 semble prendre de l'importance à partir de 9 mois.

En s'appuyant sur les résultats de segmentation de mots bi-syllabiques obtenus par Jusczyk et coll. (sous presse), Mattys et coll. (1999) ont étu- dié l'interaction entre les régularités prosodiques et phonotactiques. Ils ont pour cela utilisé des mots bi-syllabiques, accentués soit en première, soit en deuxième syllabe, et présentant un groupe de consonnes interne soit fréquent, soit peu fréquent en anglais. L'idée est que suivant la stratégie de segmenta- tion lexicale, les mots accentués en deuxième syllabe sont segmentés comme deux mots. De plus, s'ils comportent un groupe de consonnes interne peu fréquent, cela suggère également qu'il s'agit de deux mots. En manipulant la place de l'accent et la fréquence des groupes de consonnes dans le même mot, on peut donc rendre les indices compatibles ou contradictoires. Les au- teurs ont trouvé que les enfants de 9 mois préfèrent écouter les mots dont les deux types de régularités suggèrent la même segmentation, plutôt que des segmentations contradictoires. Comme dans les expériences de Morgan et Saran (1995), la corrélation des deux indices est importante dès l'âge de 9 mois. De plus, en leur donnant le choix entre des mots où les régularités prosodiques et phonotactiques étaient en conit, Mattys et ses collègues ont trouvé que les enfants préféraient les mots trochaïques, indépendamment des régularités phonotactiques. Ainsi, bien qu'à 9 mois les enfants soient sensibles à la phonotactique et à la manière dont celle-ci est corrélée aux régularités prosodiques, ces dernières restent tout de même l'indice majeur pour la forme typique des mots.

Pour résumer les études exposées ci-dessus et en extrapolant un peu, on peut dire que la sensibilité pour les régularités prosodiques apparaît vers 6 mois, celle pour les régularités distributionnelles à 7 mois et demi, celle pour les régularités phonotactiques à 9 mois, et celle pour les régularités al- lophoniques vers 10 mois et demi. Dès 9 mois, les enfants semblent capables d'intégrer diérents types de régularités et sont sensibles à leurs corrélations. Néanmoins, lorsque les indices sont ambigus ou en conit, ce sont les régula- rités prosodiques qui l'emportent.

1.3.2.4 Conclusion

Parmi les premières étapes de l'acquisition du langage, le domaine de la segmentation de la parole en mots est sans aucun doute celui qui a sus- cité le plus de recherches. Celles-ci ont largement porté leurs fruits et, d'un problème qui semblait inextricable à la section 1.1.1 (et il y a seulement 20 ans), nous sommes passés à un problème qui, s'il est loin d'être encore totalement résolu, est cependant sur la bonne voie : sa solution est connue

dans les grandes lignes19, et les zones d'ombre portent maintenant plutôt sur des détails. Cet exemple est donc emblématique de l'intérêt de rechercher les régularités présentes dans le signal, comme le préconise l'hypothèse de l'ini- tialisation phonologique. Dans les sections qui suivent, nous allons examiner d'autres domaines où cette approche a un rôle à jouer, et qui, bien que moins étudiés jusqu'à présent, sont tout aussi prometteurs.

1.3.3 L'apprentissage des catégories grammaticales

À la Section 1.1.1 nous avons vu que l'apprentissage du sens des mots serait grandement facilité si l'enfant avait accès à l'avance aux catégories grammaticales des mots (c'était l'initialisation syntaxique). Néanmoins, à la Section 1.1.2, nous avons également vu que l'apprentissage de la syntaxe des phrases, et notamment des catégories grammaticales, était dicilement envi- sageable sans le recours au sens des mots (c'était l'initialisation sémantique), conduisant ainsi à une situation paradoxale. Nous allons maintenant voir comment l'initialisation phonologique peut nous sortir de ce mauvais pas. 1.3.3.1 Mots de fonction et mots de contenu

Dénition. Les mots de contenu sont tous les mots ayant un réel contenu sémantique : les noms, les verbes, les adjectifs et les adverbes. Il existe dans chaque langue un très grand nombre de mots de contenu (plusieurs dizaines de milliers), et ce nombre est en principe illimité : de nouveaux mots ap- paraissent tous les jours en fonction des nouveaux concepts que nous avons besoin d'exprimer. Pour cette raison on les appelle aussi les mots de la classe ouverte. Les autres mots sont des mots de fonction, ou mots grammaticaux.

Il s'agit des pronoms, déterminants, prépositions, auxiliaires, etc.20Ces mots

ont un contenu sémantique faible ou indénissable, et sont en nombre très limité et xe (on les appelle aussi les mots de la classe fermée). Les mots de fonction servent à relier les mots de contenu et à véhiculer la structure syntaxique de la phrase. Enn, la distinction entre mots de contenu et mots

de fonction est valable dans toutes langues21.

19. On pourrait ajouter : pour l'apprentissage de l'anglais, et sans doute des autres langues indo-européennes. Pour des langues très diérentes comme les langues aggluti- nantes, où la notion même de mot est à revoir, les données manquent, même s'il est peu probable que les conclusions soient radicalement diérentes.

20. On y inclut aussi les morphèmes de fonction, tels ceux qui marquent le nombre, le genre et autres propriétés grammaticales, et qui sont généralement attachés aux mots de contenu.

21. Dans les langues agglutinantes où la notion de mot est légèrement diérente, les mots de fonction se retrouvent sous la forme de morphèmes de fonction attachés aux mots de

1.3. EXEMPLES D'INITIALISATION PHONOLOGIQUE 27

Outline

Documents relatifs