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EXEMPLES D'INITIALISATION PHONOLOGIQUE 29 que dans les mots de contenu.

 En termes de mesures acoustiques, les mots de fonction tendent à avoir une moindre durée et une moindre amplitude, ainsi qu'un contour in- tonatif plus plat et plus bas que les mots de contenu.

 Enn, les mots de fonction présentent également une régularité distri- butionnelle, qui est qu'ils se situent souvent en bordure d'unités pro- sodiques (dans notre phrase d'exemple p. 11, trois mots de fonction sur quatre sont en début de groupe phonologique). On peut ajouter que les mots de fonction sont les mots qui se rencontrent à la fois le plus fréquemment, et dans les contextes les plus variés : l'article  le  peut être suivi de n'importe lequel des noms masculins de la langue française, alors qu'un nom masculin sera quasiment toujours précédé d'un déterminant ou d'un adjectif pré-nominal, qui sont en nombre très limité. Ce sont donc les meilleures candidats à une segmentation par analyse des probabilités de transition.

Bien entendu, ces propriétés générales se traduiront dans chaque langue par un ensemble d'indices spéciques. Mais globalement, on peut considé- rer comme plausible que les enfants remarquent assez tôt ces petits mots qui reviennent tout le temps, souvent en bordure d'unité prosodique (donc plus facilement repérables), et qui ont des propriétés assez constantes.

Notons enn que chacune des propriétés sus-mentionnées, prise séparé- ment, peut n'être qu'un prédicteur assez faible du fait qu'un mot est de fonction ou de contenu. Pour l'anglais par exemple, Morgan et coll. (1996) ont trouvé que la nature des voyelles permettait de classier correctement au mieux 63% des mots, et la durée des voyelles 64%. Néanmoins, le fait que ces deux indices soient corrélés est un indice supplémentaire. En entraînant des réseaux de neurones formels sur les deux indices à la fois, ces auteurs ont ainsi vu le taux de classication correcte dépasser 80%. Ils ont depuis généralisé ce résultat avec le même succès à une dizaine d'indices diérents, et à deux autres langues, le mandarin et le turc (Shi, Morgan, & Allopenna, 1998).

Perception par le nourrisson. En utilisant une procédure de succions de haute amplitude (cf. Annexe A.1), Shi, Werker, et Morgan (1999) ont récemment montré que des nouveau-nés âgés de quelques jours, qu'ils soient de milieu anglophone ou pas, étaient capables de discriminer une liste de mots de fonctions d'une liste de mots de contenu anglais, même lorsque les mots étaient appariés en nombre et complexité des syllabes, et en fréquence d'apparition des exemplaires. Ce résultat montre que les nouveau-nés sont capables de distinguer les deux catégories sur la base des indices restants

(durée, amplitude, contour intonatif), sans nécessiter une expérience par- ticulière avec l'anglais. Cette expérience ne montre cependant pas que les nouveau-nés peuvent déjà catégoriser ces mots en mots de fonction et mots de contenu, mais qu'ils possèdent un pré-requis, l'aptitude à distinguer les deux catégories.

La sensibilité aux mots de fonction en tant que tels ne semble apparaître que bien plus tard (mais étonnamment tôt cependant). En ce qui concerne la capacité à segmenter les mots, nous avons vu que Jusczyk et ses collègues en ont démontré les débuts aux alentours de 7 mois et demi, mais il s'agissait toujours de noms. Des expériences récentes utilisant les mêmes techniques (Shady et Jusczyk, en préparation) semblent montrer qu'il faut attendre 10 mois et demi pour que les enfants américains segmentent les mots  a  et  the  de la parole continue.

Shafer, Gerken, Shucard, et Shucard (1992), Shafer, Shucard, Shucard, et Gerken (1998) ont par ailleurs montré que des enfants de 11 mois avaient des potentiels évoqués diérents lors de l'écoute de phrases où les mots de fonction avaient été remplacés par des syllabes arbitraires, par rapport à l'écoute de phrases normales. Un résultat similaire a également été obtenu par Shady, Jusczyk, et Gerken (1998) sur des enfants de 10 mois et demi en utilisant la technique d'orientation préférentielle de la tête (Annexe A.2). Ces auteurs ont de plus répliqué ce résultat en utilisant des faux mots de fonction qui avaient des propriétés phonologiques similaires aux mots d'ori- gine. Ce résultat suggère qu'à 10 mois et demi, les enfants connaissent déjà un certain nombre de mots de fonction, plutôt que seulement leurs propriétés phonologiques générales. En revanche, dans une autre expérience où ce sont les mots de contenu qui ont été remplacés par des faux mots similaires, les enfants ne se sont pas orientés préférentiellement vers les vraies phrases. Ce résultat se comprend en rappelant que les mots de contenu sont très nom- breux, et à 10 mois et demi les enfants sont de toute évidence prêts à en apprendre de nouveaux. Cela semble donc moins être le cas pour les mots de fonction. Shady et ses collègues ont ensuite permuté les mots de fonction au sein des phrases test (typiquement les auxiliaires étaient échangés avec les déterminants). Les enfants de 10 mois et demi n'ont pas réagi non plus à cette manipulation, montrant que s'ils connaissaient un certain nombre de mots de fonction au point de pouvoir s'étonner de leur remplacement par des syllabes sans signication, ils ne savaient pas pour autant quel était leur rôle exact dans la phrase. Cette sensibilité à la position des mots de fonction dans la phrase n'a été montrée qu'à partir de 16 mois (Shady et coll., 1998). En résumé, ces études montrent que les mots de fonction semblent eec- tivement être appris sur la base de leurs propriétés phonologiques et distri- butionnelles distinctives. De ce fait, au moins un certain nombre de ces mots

1.3. EXEMPLES D'INITIALISATION PHONOLOGIQUE 31

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