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EXEMPLES D'INITIALISATION PHONOLOGIQUE 31 peuvent être appris très précocement, avant même le premier anniversaire de

l'enfant. Cette découverte rend par conséquent assez plausible l'hypothèse selon laquelle un apprentissage précoce des mots de fonction peut servir à initialiser d'autres apprentissages grammaticaux.

1.3.3.2 Noms et verbes

Être capable de classier les mots de la langue en deux catégories rudi- mentaires, les mots de contenu et les mots de fonction, est sans aucun doute un grand pas dans l'acquisition du langage. Ce n'est pourtant pas susant pour apprendre correctement le sens des mots, ni pour eectuer l'analyse syntaxique des phrases. Dans ces deux domaines, il serait d'un grand secours de pouvoir raner un peu les catégories, et notamment au sein des mots de contenu, de savoir distinguer les noms des verbes.

Dans cet esprit, Kelly a abondamment documenté les diérences phono- logiques qui distinguent les noms des verbes en anglais (cf. Kelly, 1992, et Kelly, 1996, pour un panorama). Il cite notamment :

 90% des mots bi-syllabiques accentués en première syllabe sont des noms, et 85% de ceux qui sont accentués en deuxième syllabe sont des verbes ;

 Les noms contiennent généralement plus de syllabes que les verbes, et à nombre de syllabes égal, ils ont plus de phonèmes et sont plus longs (en durée) ;

 Les noms tendent à avoir des voyelles plus basses que les verbes ;  Les noms comportent plus souvent des consonnes nasales que les verbes. Considérant l'étendue des contrastes phonologiques perceptibles par les nour- rissons, que nous avons abondamment décrite dans les sections précédentes, il est à peu près certain qu'au cours de la première année de vie (si ce n'est à la naissance), les nourrissons anglophones doivent être capables de discri- miner les noms et les verbes sur la base de leurs propriétés phonologiques. Savoir quand ils commencent à distinguer leurs propriétés grammaticales est une toute autre question, pour laquelle nous ne disposons actuellement que d'une limite supérieure. Cassidy et Kelly (1991) ont en eet testé des enfants américains âgés de 4 ans dans une tâche d'apprentissage explicite de mots nouveaux, et ont montré que ceux-ci étaient plus susceptibles d'associer un mot nouveau à une action s'il comportait une syllabe, et à un objet s'il en comportait trois. Ce résultat montre que ces enfants étaient capables de s'ap- puyer sur la régularité concernant le nombre de syllabes pour assigner une catégorie grammaticale au mot nouveau. En testant des sujets américains adultes, Kelly et ses collègues ont montré que de manière générale, ceux-ci

utilisaient l'ensemble des indices sus-cités pour déterminer si un mot nouveau était un nom ou un verbe (Kelly, 1988; Cassidy & Kelly, 1991; Kelly & Bock, 1988).

En résumé, ces études montrent que les enfants de 4 ans et les adultes américains sont globalement sensibles aux propriétés phonologiques caracté- ristiques des noms et des verbes. Faute d'études sur des enfants plus jeunes, on ne peut pas savoir si cette sensibilité émerge susamment tôt pour pou- voir jouer un rôle signicatif dans l'acquisition des catégories grammaticales. Un reproche que l'on peut également faire aux études mentionnées est d'avoir toujours mis les sujets dans une situation de choix forcé entre nom et verbe. Or si l'on suppose que l'enfant a avant tout accès à la distinction grossière entre mots de contenu et mots de fonction, encore faut-il qu'au sein des mots de contenu il soit également capable de distinguer les noms et les verbes des autres mots de contenu, les adjectifs et les adverbes. S'il s'avérait que les propriétés phonologiques des adjectifs et des adverbes recouvrent celles des noms et des verbes, l'enfant aurait bien du mal à s'y retrouver. Comment peut-il y parvenir? Les adjectifs et les adverbes possèdent-ils des propriétés phonologiques qui les distinguent des noms et des verbes? Ces questions sont actuellement sans réponse.

Enn, force est de constater qu'un travail similaire à celui de Kelly et ses collègues n'a été fait dans aucune autre langue. On peut d'ores et déjà dire qu'un des principaux indices pour l'anglais, la place de l'accent, est sans eet en français puisque l'accent y est toujours en dernière syllabe. Les autres in- dices restent à explorer. Ainsi, faute d'être validée dans d'autres langues que l'anglais, on ne peut pour l'instant pas considérer que l'acquisition des caté- gories noms/verbes a de manière générale une solution phonologique. L'idée est cependant séduisante et mériterait d'être testée dans d'autres langues.

1.3.4 L'organisation syntaxique de la phrase

1.3.4.1 Les constituants syntaxiques

Un grand nombre d'éléments ont déjà été mentionnés qui sont susceptibles de faciliter l'apprentissage de la syntaxe par l'enfant. Comme nous l'avons dit, les théories classiques de l'acquisition de la syntaxe supposent que la parole est déjà segmentée en mots. Le fait que les régularités phonologiques orent à l'enfant la possibilité de relativement bien segmenter la parole en l'espace de 12 à 18 mois rend tout leur intérêt à ces théories, que nous ne décrirons pas plus en détail ici.

Un autre élément d'un grand secours est la hiérarchie prosodique. Celle- ci permet à l'enfant d'avoir un accès direct à des unités de la parole qui

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