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DISCUSSION 75 rythme est le seul indice valable pour discriminer des langues.

La resynthèse de parole

3.4. DISCUSSION 75 rythme est le seul indice valable pour discriminer des langues.

Il reste néanmoins à comprendre pourquoi les sujets ont échoué à discri- miner les langues sur la base de l'intonation. La première possibilité est que les intonations de l'anglais et du japonais ne sont pas distinguables. Cela poserait dans ce cas un grave problème à la théorie selon laquelle la proémi- nence de l'intonation pourrait servir à xer le paramètre de direction de la tête (Nespor et coll., 1996). Une deuxième possibilité est que l'intonation est bien plus dicile à apprécier, juger et comparer que le rythme, au moins dans une tâche de catégorisation comme la nôtre. Pourtant, d'autres chercheurs ont montré qu'il était possible de discriminer les intonations de deux langues : c'est ce qu'ont fait Maidment (1976, 1983) pour l'anglais et le français, et Willems (1982) et de Pijper (1983) pour l'anglais et le néerlandais. On peut cependant remarquer que dans ces expériences, les sujets étaient toujours locuteurs natifs de l'une des langues, et leur tâche s'apparentait plus à de la reconnaissance de la langue familière qu'à de la catégorisation pure.

Expérience 2e. An de savoir s'il s'agit là d'une diérence cruciale, nous avons recruté 16 sujets anglophones natifs (4 hommes et 10 femmes, 10 améri- cains, 4 anglais, 1 de Singapour, 1 d'origine inconnue) par petites annonces. Ils ont été payés pour leur participation à cette expérience ainsi qu'à une autre. Leur âge moyen était de 29 ans. Ils ont été testés dans l'expérience aaaa dans les mêmes conditions que les sujets français, à ceci près que les instructions leur précisaient que les deux langues étaient l'anglais et le sa- hatu, et qu'ils devaient diérencier les phrases grâce à leur intonation (voir

Annexe B.3). Ils ont obtenu un score de discrimination A′ moyen de 0.61

(±0.14), signicativement supérieur au hasard [t(15) = 3.25, p = 0.005]. Ils

n'ont pas eu de biais de réponse [B′′

D = 0.09, t(15) < 1]. Par ailleurs la dif-

férence entre ce groupe et le groupe correspondant de sujets francophones a été testée à l'aide d'un test de t pour deux échantillons [t(30) = −1.91,

p = 0.065] et d'un test non paramétrique de Mann-Whitney (p = 0.045, 2-

tail). On peut donc considérer que les deux groupes de sujets se sont compor- tés de manière signicativement diérente. Ainsi, il est eectivement possible de distinguer les intonations anglaises et japonaises, mais cela nécessite l'uti- lisation de connaissances préalables sur l'intonation d'une des deux langues au moins. Ce résultat suggère qu'il est dicile de se représenter l'intonation des phrases, lorsqu'elles ne sont pas dans la langue maternelle. A contrario, les sujets français n'ont eu aucun mal à se représenter le rythme des phrases anglaises et japonaises, alors même que ces langues n'appartiennent pas à la même classe rythmique que le français.

3.4.2 Considérations méthodologiques

Certains détails méthodologiques nécessitent d'être discutés avant de tirer des conclusions plus générales.

Premièrement, nous avions mentionné que les phrases anglaises et japo- naises n'étaient pas de durées rigoureusement égales. Les phrases anglaises étant plus longues d'environ 5%, on pourrait arguer que les sujets ont pu eectuer la discrimination en classiant les phrases les plus longues comme anglaises et les plus courtes comme japonaises. Il serait possible d'eectuer une régression logistique sur les durées pour vérier l'ecacité d'une telle stratégie, mais cela n'est pas nécessaire grâce à l'échec des sujets dans la condition aaaa. En eet, si les sujets avaient eectué la discrimination sur la base de la durée des phrases, ils auraient du faire de même et réussir à discriminer les langues dans cette condition, dans laquelle les phrases sont de mêmes durées que dans les autres conditions. Puisqu'ils ne l'ont pas fait, cette stratégie n'est plausible pour aucune des quatre conditions.

On peut également se demander si la base de diphones et les phonèmes choisis n'auraient pas pu introduire un biais. Cette question ne se pose en fait que pour la condition saltanaj, dans la mesure où les stimuli sasasa ou aaaa ne pourraient guère être diérents avec une autre base de diphones. Les six phonèmes français choisis [s,a,l,t,n,j] existent également en anglais et en japonais, et nous avons vérié que la transposition des phonèmes ne produisait pas de groupes de consonnes illégaux dans la langue concernée. Tous les diphones résultants étaient légaux en français, ce qui conditionnait d'ailleurs une synthèse correcte. On peut éventuellement objecter que dans certains cas la transposition des phonèmes induisait un changement dans la syllabation. Par exemple, le syntagme  the truck  [Strk] est transformé en [satlat]. [tl] est un groupe de consonnes possible en anglais mais seulement à travers une frontière de syllabes (comme dans  butler ), et ceci est vrai en français également. Ainsi, la transformation déplace la frontière de [S.trk] à [sat.lat]. Cela ne pose problème bien sûr que si l'on utilise ces stimuli dans une tâche qui requiert une syllabation précise. Dans notre cas, où la discri- mination était possible grâce à des diérences phonotactiques et rythmiques massives, il n'y a pas lieu de supposer que cela ait une quelconque inuence. Enn, on peut être surpris de ce que d'une part, les scores des sujets soient relativement bas (au maximum 68% de réponses correctes, alors que nos simulations en prédisent 92.5%), et d'autre part, que leurs scores ne soient pas d'autant plus élevés qu'il y a d'indices présents dans les stimuli. Dans nos simulations, la régression logistique a une résolution qui n'est limitée que par la précision des valeurs de %V , et trouve de fait le critère optimal de séparation entre les deux langues. Force est de constater qu'au bout de

3.4. DISCUSSION 77

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