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Excitations de basse énergie d’un hamiltonien topologique

7.3 Article : « Local topological order inhibits thermal stability in 2D »

7.4.3 Excitations de basse énergie d’un hamiltonien topologique

L’intuition de notre résultat repose sur la capacité pour l’environnement de créer une excitation localisée à une frontière du réseau, la déplacer sur une distance macroscopique jusqu’à atteindre une autre frontière, puis retourner au vide en fusionnant cette excitation à cette autre frontière.

Or, rien dans notre raisonnement formel ne fait apparaître de modèle d’anyons. En effet, le point de départ de notre travail est un hamiltonien CPC défini par ses projecteurs élémentaires auquel on impose les conditions d’ordre topologique et de cohérence locale. On ne sait pas si cela suffit à garantir l’existence d’un modèle anyonique pour décrire ses excitations de basse énergie. Cette question constitue l’inverse de l’approche courante où le hamiltonien topologique est construit à partir d’un modèle anyonique, comme pour les quantum double de Kitaev [80] ou les modèles de Levin-Wen [103]. Soulignons que même s’il existe, déterminer les caractéristiques du modèle anyonique correspondant à un hamiltonien microscopique est un problème non-trivial pour lequel

des procédures numériques ont été proposées récemment [126, 127].

Intuitivement, la présence d’un opérateur logique non-trivial en ruban laisse supposer qu’il existe des excitations anyoniques correspondant à l’application partielle de cet opérateur. Une façon de formaliser l’application partielle jusqu’au site k est de considérer la décomposition de Schmidt L =P

αk+1L[1;k]αk+1⊗L[k+1;`]αk+1 . L’application partielle de l’opérateur logique correspond à P

αk+1L[1;k]αk+1 où l’indice αk+1 énumère soit les charges topologiques qui peuvent apparaître sur la région k+ 1 ou encore l’historique des canaux de fusion. Ainsi, αk+1 pourrait prendre plusieurs valeurs dans le cas d’anyons non-abéliens dont la fusion n’est pas déterministe.

Notre résultat peut-être vu comme un premier pas vers la formalisation rigoureuse de cette intuition. En effet, la séquence d’erreur logique est compatible avec la vision en terme d’anyons.

La transformation unitaire sur le site 1 crée de façon probabiliste une excitation locale qui n’est détectée que par la contrainteP1,2. Puis, une transformation unitaire sur la région 2 qui parvient à satisfaire la contrainte P1,2 correspond à bouger cette excitation sur le support de la contrainte P2,3. Ainsi, chaque itération consiste à déplacer l’excitation avant de finalement fusionner cette excitation à une extrémité afin de revenir au vide en ayant probablement appliquer une transformation non-triviale sur l’espace fondamental. Un résultat intéressant serait d’éliminer le caractère aléatoire du choix des transformations unitaires afin de rendre la procédure déterministe.

Caractérisation pratique des systèmes quantiques

La première partie de cette thèse s’est intéressée à la caractérisation pratique des systèmes quantiques. Nous avons d’abord montré au chapitre2 que la technique utilisée jusqu’à présent, dite de tomographie, demande une quantité de ressources expérimentales et numériques rhédibitoire pour des systèmes de plus d’une dizaine de particules. Nous avons expliqué que le coût exponentiel de la tomographie est lié à la généralité de la tâche qui consiste à reconstruire la fonction d’onde globale dans un espace de Hilbert dont la taille grandit exponentiellement avec le nombre de particules. Cela nous a amené à suggérer des tâches réduites qui visent à acquérir moins d’information et qui pourraient donc être accomplies avec des ressources moindres. Cette idée, bien qu’évoquée dans des travaux antérieurs, est un apport novateur de cette thèse.

Dans le chapitre3, nous avons proposé la tâche de certification qui estime la distance entre l’état expérimental et l’état cible que l’expérimentateur voulait préparer. Ce protocole est très efficace pour plusieurs classes d’états importantes pour l’informatique quantique et demande systématiquement moins de ressources expérimentales et numériques que la tomographie. De plus, ce protocole est très flexible et peut être adapté afin de répondre aux contraintes d’un dispositif expérimental particulier. Ainsi, un projet mené conjointement avec un groupe expérimental serait la continuité logique de ce travail théorique. Rappelons à ce sujet que le protocole de certification a été utilisé expérimentalement [16].

Dans le chapitre 4, nous avons proposé le paradigme de la tomographie variationnelle. Celui-ci consiste à ne considérer qu’une classe variationnelle d’états lors de la reconstruction de l’état expérimental. L’espoir est alors de trouver des protocoles qui permettent d’identifier le petit nombre de paramètres variationnels grâce à un petit nombre de mesures expérimentales. Nous avons

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exhibé de tels protocoles pour les classes variationnelles des états à produits matriciels ou matrix product states (MPS) et celle de l’ansatz pour intrication multi-échelle ou multi-scale entanglement renormalization ansatz (MERA). Ces deux classes variationnelles sont très utilisées numériquement, p.ex. afin de déterminer les états fondamentaux de hamiltoniens locaux. Ainsi, la tomographie variationnelle pourrait servir à confirmer expérimentalement des prédictions numériques. Des systèmes prometteurs pour cette comparaison théorie/expérience sont les simulateurs quantiques : des systèmes expérimentaux hautement contrôlables qui peuvent reproduire la dynamique d’autres systèmes quantiques. Un travail conjoint avec des expérimentateurs pour mettre en place expéri-mentalement ces techniques de tomographie variationnelle serait prometteur. Par ailleurs, notre travail ne fait qu’initier l’idée de la tomographie variationnelle : il serait intéressant de considérer d’autres classes variationnelles plus générales, p.ex. les états à produits de paires intriquées ou projected entangled pair states (PEPS). De plus, la question de l’élaboration une théorie complète de la tomographie variationnelle reste ouverte : des liens intriguants existent entre les classes d’états à description efficace et ceux qui peuvent être identifiés expérimentalement de façon efficace.

Mémoires quantiques auto-correctrices 2D

La seconde partie de la thèse s’intéresse à l’existence d’un système auto-correcteur constitué de particules disposées sur un réseau bidimensionnel (2D). L’information y serait encodée dans la superposition arbitraire d’états fondamentaux. Afin de préserver la cohérence de la superposition, il convient de trouver un hamiltonien dont le fondamental est dégénéré et qui ne possède pas de paramètre d’ordre local. Ainsi, les modèles à symétrie brisée doivent être évités et cela nous a amené à nous intéresser à des systèmes topologiques dans le chapitre 5. Après avoir introduit le modèle des liquides de spin pour des raisons pédagogiques, nous avons exploré en grand détail le modèle canonique d’ordre topologique : le code torique. Ce modèle fournit une intuition utile pour toutes les notions introduites ultérieurement.

Préserver la cohérence d’une superposition arbitraire est étroitement lié à la stabilité du spectre de basse énergie du hamiltonien. Le chapitre 6 introduit la classe des hamiltoniens locaux, non-frustrés, commutatifs pour lesquels il existe un critère qui garantit la stabilité spectrale. Ces modèles à spectre stable sont précisément les modèles topologiques. Toutefois, la stabilité du spectre ne garantit pas la robustesse de l’information face à un environnement thermique. Nous quantifions cette robustesse en évaluant la barrière d’énergie que doit surmonter toute séquence

de transformations locales faisant passer un état fondamental à un autre. Nous justifions qu’un système dont la barrière d’énergie grandit avec sa taille serait auto-correcteur. La formulation formelle de ce critère est un apport novateur de cette thèse, mais n’est qu’une première tentative afin de déterminer la robustesse d’un système face à la thermalisation. La question devient alors : parmi les modèles topologiques, en existe-t-il un qui soit auto-correcteur ? Le chapitre7, et plus précisément notre article, répond à cette question par la négative.

L’intuition est que les systèmes topologiques admettent des excitations de basse-énergie qui sont des quasi-particules anyoniques. Dans ce cas, l’environnement peut créer facilement de telles quasi-particules. Deux états fondamentaux distincts vont alors aboutir dans le même état de basse énergie et l’information encodée dans l’état initial aura été perdue. Or, on ne sait pas démontrer que tout hamiltonien topologique (au sens du critère de stabilité spectrale) admet des excitations anyoniques. Il s’agit en fait d’une question ouverte importante. Toutefois, la littérature montre qu’il est possible de passer d’un état fondamental à un autre grâce à un opérateur agissant sur un ruban, une propriété remarquable pour un système 2D. Notre résultat propose une transformation stochastique qui déplace des paquets d’énergie afin de passer d’un état fondamental à un autre.

Cela suffit à démontrer qu’aucun système 2D topologique ne peut avoir une barrière d’énergie grandissant avec la taille du système.

Ce résultat impose de très grandes contraintes sur l’existence éventuelle d’un système auto-correcteur 2D. Toutefois, on peut imaginer des mécanismes plus subtils, qui vont au-delà des considérations énergétiques. Nous suggérons l’exploration de mécanismes d’origine entropique afin de protéger l’information. De plus, notre résultat est un premier pas afin de démontrer rigoureusement l’existence d’anyons pour les systèmes topologiques. Établir ce lien rigoureusement serait une avancée majeure dans notre compréhension des systèmes topologiques.

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Éléments techniques sur les MPS

A.1 MPS comme états peu intriqués