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Dans cette section, nous allons définir une vaste classe de codes correcteurs, appelés codes à projecteurs commutatifs ou CPC, susceptibles de fournir une mémoire auto-correctrice 2D. Ils regroupent la plupart des modèles d’ordre topologique. Les codes CPC topologiques seront nos candidats pour une mémoire auto-correctrice.

Une façon de les introduire est de considérer qu’ils sont une extension des codes stabilisateurs, cf.5.3.1. Un code stabilisateur défini par une famille génératriceg1. . . g` est l’espace fondamental du hamiltonien H =−P`

k=1gk où les gk commutent deux à deux et qui ne présentent pas de frustration. Nous maintenant définir les codes CPC en gardant ces propriétés, mais en levant la restriction d’être lié à un sous-groupe des opérateurs de Pauli.

6.2.1 Hamiltoniens locaux, non-frustrés, commutatifs

Soitnparticules quantiques àdniveaux, ou qudits, placées sur les sites d’un réseauΛ = (V, E) composés de vertex v ∈V et d’arêtes e ∈E en dimension D. Dans le chapitre suivant, nous nous restreindrons à D= 2, mais dans ce chapitre,D ne sera pas fixé. On va s’intéresser à une famille très générale de hamiltoniens locaux, sans frustration et dont les termes commutent de la forme

H =− X

X⊂V

hX (6.2)

oùhX est un opérateur hermitien qui agit non trivialement sur les sitesX. Ce hamiltonien respecte de plus les propriétés suivantes :

1. La norme d’opérateur de chacun des termes est bornée, i.e.,khXk ≡maxψ

qhψ|h2

X|ψi hψ|ψi ≤1.

Puisque hX est hermitien, cela revient à dire que sa plus grande valeur propre en valeur absolue est bornée par 1. Intuitivement, on impose cette condition afin de ne pas tricher en

« cachant » une grande quantité d’énergie dans un des termes du hamiltonien.

2. hX est un terme local au sens où hX est forcément nul si le diamètre de la région X est supérieur à une portée d’interaction w. Le diamètre diam(X) est la plus grande distance entre deux sites de X. On suppose en effet qu’une distance soit définie sur le réseau Λ, par exemple la distance euclidienne sur un réseau carré.

3. Les termes du hamiltonien commutent deux à deux, i.e. [hX, hY] = 0.

4. Le hamiltonien est sans-frustration. Ainsi, un état fondamental global|Ωiest aussi un état fondamental de chacun des termes élémentaires −hX.

Les critères 3 et 4 permettent d’obtenir des hamiltoniens solubles dont on connaît exactement le spectre. Ainsi, ils sont simples à manipuler et il est souvent possible de prouver des résultats rigoureux. L’espoir est que les résultats s’étendent à tous les hamiltoniens de la même phase. Par exemple, un résultat valide pour un espace fondamental topologiquement ordonné sera vrai pour tous les états fondamentaux des hamiltoniens dans la même phase car on passe de l’un à l’autre grâce à des transformations locales. La question intéressante devient alors d’identifier les phases qui possèdent des hamiltoniens locaux, non-frustrés et commutatifs. Le folklore dans la communauté est que tous les hamiltoniens locaux et gappés peuvent être renormalisés vers un hamiltonien local, non-frustré et commutatif, sauf s’ils appartiennent à une phase chirale.

6.2.2 Codes à projecteurs commutatifs

Dans le contexte d’une mémoire quantique, on ne s’intéresse qu’à l’espace fondamental de H et à la variation du gap d’énergie en fonction de la tailleN du système. Il est alors utile de définir un nouveau hamiltonien, noté HCP C, qui a le même espace fondamental queH et dont le gap est minoré par 1. Cette simplification mathématique permet de simplifier la structure du spectre en déplaçant le zéro d’énergie, redéfinissant l’échelle d’énergie et en regroupant les états excités selon le nombre de termes élémentaires dont ils ne sont pas l’état fondamental. Toutefois, les conclusions que nous obtiendrons ne sont pas affectées par cette simplification et restent valides pour tous les hamiltoniens de la forme (6.2). Pour définirHCP C, on décompose spectralement chaque terme élémentaire hX pour ne garder que le projecteur PX associé à sa plus grande valeur propre λ1 que l’on redimensionne à 1

hX =X

λ

λΠλ1Π1+ X

λi1

λiΠi 7→PX ≡Π1. (6.3) L’hamiltonien obtenu appartient alors à la classe des codes à projecteurs commutatifs ou CPC qui sont de la forme

HCP C =− X

X⊂V

PX (6.4)

où les PX sont des projecteurs, i.e., (PX)2 = PX, locaux, qui commutent [PX, PY] = 0 et un fondamental |Ωi de HCP C vérifie ∀X PX|Ωi = +|Ωi. En particulier, le projecteur sur l’espace

Fi g u r e 6.1Structure géométrique d’un code CPC. Avec un regroupement approprié des sites et des projecteurs, on peut supposer queΛ est un réseau carré régulier et que chaque projecteur agit sur une cellule 2x2. Ainsi, chaque rectangle aux coins arrondis représente le support géométrique d’un projecteur et chaque site est représenté par un cercle. Sur la figure, des conditions aux frontières périodique sont utilisées.

fondamental C, souvent appelé code, est

PC =Y

X

PX. (6.5)

Un opérateur logique est un opérateur L qui agit dans le code, i.e.,[L, PC] = 0. Graphiquement, ces codes sont représentés sur la Fig.6.1.

Cette classe de hamiltonien est générale et possède une structure assez simple afin de prouver rigoureusement des résultats généraux. En particulier, dans le but de définir une mémoire quantique auto-correctrice, nous nous intéressons à la sous-classe de ces codes qui présentent de l’ordre topologique, au sens de la condition TQO. D’ailleurs, la plupart des exemples connus de modèles topologiques sont des codes à projecteurs commutatifs. En particulier, les codes stabilisateurs peuvent être mis sous cette forme. Plus généralement, le code torique [80], les codes de couleur [102], les modèles de réseaux de boucles de Levin-Wen [103], les modèles Turaev-Viro [104], les modèles doubles de Kitaev [80] font partie de cette catégorie.

Nous allons maintenant voir que l’on dispose d’un résultat très puissant afin de garantir la stabilité du spectre des modèles CPC qui présentent de l’ordre topologique.