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3.3 Discussion

4.1.3 Classes variationnelles d’états

Un exemple particulièrement important de classes d’états est celle des classes variationnelles qui sont très utilisées en physique. Formellement, une classe variationnelle est un ensemble de familles d’états indicés par des paramètres variationnels α∈CN où N est une fonction polynomiale du nombre n de particules. Les classes variationnelles sont très utilisées analytiquement et surtout numériquement afin de résoudre des problèmes à n corps.

4.1.3.1 Ansatz pour des problèmes à n corps

Un problème à n corps est un problème qui fait intervenir un grand nombre de particules qui ne peuvent pas être traités individuellement. Or, il est hors de question d’écrire l’état à n corps comme un état pur dans un espace de Hilbert de dimension exponentielle. Ainsi, plusieurs classes variationnelles ont été proposées comme ansatz pour différents problèmes. Par exemple, l’approche champ moyen correspond aux états produits et la méthode de Hartree-Fock est une recherche variationnelle sur les états produits antisymmétrisés (déterminants de Slater).

Souvent, de grands progrès ont été faits en physique quand des classes variationnelles ont été proposées, car elles cristallisent les connaissances antérieures et sont le reflet de l’intuition de leurs auteurs. Ainsi, la fonction d’onde de Laughlin [62] a permis de mieux comprendre l’effet Hall quantique fractionnaire (FQHE) et la fonction d’onde BCS résultait d’une théorie microscopique pour la supraconductivité [63, 64].

4.1.3.2 Structure de l’intrication : loi d’aire (area law)

Une propriété vérifiée par les états fondamentaux de nombreux hamiltoniens locaux est la loi d’aire pour l’entropie. Cette propriété est importante car elle a mené au développement de plusieurs classes variationnelles. Nous allons donc définir la loi d’aire avant de s’intéresser à la classe variationnelle qui lui correspond en 1D : les MPS.

L’intrication est une quantité particulièrement étudiée en informatique quantique qui mesure l’écart à un état produit et donc les corrélations quantiques entre particules. Un objectif important du domaine est de mieux comprendre la structure des états intriqués.

Considérons un état |ψi de n qubits disposés sur un réseau Λ. À un sous-ensemble de particules X⊂Λ correspond l’étatρX =TrΛ\X[|ψihψ|]. Une façon de quantifier l’intrication entre la régionX et le reste du réseau est de calculer son entropie (de von Neumann)

SX ≡S(ρX)≡ −Tr[ρXlogρX]. (4.1)

Une question importante est alors de comprendre comment cette quantité varie en fonction de X. Pour un état choisi aléatoirement dans l’espace de Hilbert, l’entropie varie comme le nombre de particules dans la région X. En effet, avec grande probabilité, l’état ρX sera proche de l’état complètement mélangé I/dX dont l’entropie est logdX qui est proportionnel au nombre de particules. Formellement, on a SX ∈ O(|X|) et on parle de loi de volume.

Toutefois, pour des états physiques, la situation est souvent dramatiquement différente. En particulier, certains états obéissent à une loi d’aire : leur entropie varie comme la taille de la frontière ∂X

SX ≤ O(|∂X|). (4.2)

Intuitivement, cela correspond au fait que l’intrication soit concentrée sur la frontière. Notons tout de suite que le terme « loi d’aire » est malheureux lorsqu’il est utilisé en 1D et en 2D : on devrait

plutôt parler de loi de périmètre en 2D et d’entropie qui sature en 1D. Le vocable « loi de frontière » serait peut-être plus approprié. Toutefois, nous sacrifierons à la tradition en utilisant le terme « loi d’aire ».

Pour quels états cette loi d’aire est-elle respectée ? Le folklore voulait que l’état fondamental d’un hamiltonien local obéisse à une loi d’aire. Toutefois, cette intuition s’est révélée fausse. En effet, même en 1D [65] et même avec un modèle invariant sous translation [66], il existe des hamiltoniens dont l’état fondamental obéit à une loi de volume,i.e., l’entropie de l’état fondamental est proportionnelle à la longueur de la chaîne. Il s’agit toutefois d’états fondamentaux de modèles critiques dont le gap se ferme. Le gap d’un hamiltonien est la différence d’énergie entre l’énergie fondamentale et l’énergie des premiers états excités. La notion de hamiltonien gappé ou non doit se comprendre dans la limite thermodynamique, quand le nombre de particules n tend vers l’infini.

Un hamiltonien sera gappé si son gap est plus grand qu’une constante indépendante de la taille du système et non-gappé sinon. Ainsi, un système non-gappé aura souvent un gap qui décroit en 1/poly(n) ouexp(−n). En 1D, pour un hamiltonien local gappé, un fondamental aura une entropie qui sature, i.e., SX sera borné par une constante indépendante de la taille du système [67,68, 69].

Il est possible de construire des classes variationnelles basés sur la loi d’aire. En 1D, cela mènera à la notion d’états à produit matriciel (MPS) qui fera l’objet de la section 4.2. Les MPS fournisse une bonne approximation des fondamentaux de hamiltonien 1D gappé puisque leur entropie sature [67]. Après avoir défini les MPS, nous nous intéresserons à la question suivante : est-il possible d’apprendre les paramètres variationnels d’un MPS à l’aide d’un petit nombre de mesures expérimentales ? Nous montrerons que oui en proposant un protocole basé sur la représentation d’un MPS en tant que sortie d’un circuit quantique dans la section 4.3. Ceci fournit un outil utile pour caractériser les états fondamentaux de hamiltoniens gappés en 1D.

Toutefois, les MPS ne sont pas adaptés pour les modèles critiques, en particulier ceux dont l’entropie du fondamental diverge logarithmiquement, indiquant de l’intrication à plusieurs échelles.

Dans ce cas, il faudra utiliser une classe variationnelle plus grande, celle des MERA, abordée dans la section 4.5. Après avoir défini cette classe, nous montrerons qu’il est aussi possible de les apprendre avec un petit nombre de mesures simples et un traitement numérique efficace en 4.6.