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5.3 Modèle canonique : le code torique

5.3.2 Définition du code torique

Le code torique est un code stabilisateur qui encode k = 2 qubits logiques dans n qubits physiques. Physiquement, il s’agit de l’espace fondamental d’un hamiltonien 2D agissant sur des qubits (ou spin-1/2) placés sur les arêtes d’un réseau carré 2D.

5.3.2.1 Générateurs

On peut définir le groupe stabilisateur du code torique à l’aide de deux familles d’opérateurs, représentés sur la Fig. 5.6.

– Les opérateurs étoiles As, dont un est représenté en rouge sur la Fig. 5.6, agissent sur les 4 qubits adjacents à un site s du réseau. Il s’agit d’une interaction à 4 corps défini par

As = O

i∈N(s)

Xi (5.12)

Remarquons que le support géométrique de ces opérateurs est une plaquette du réseau réciproque.

– Les opérateurs plaquettes Bp, dont un est représenté en bleu sur la Fig. 5.6 agissent sur les 4 qubits appartenant à une plaquette p,i.e. ils sont adjacents à un site du réseau réciproque.

Il s’agit d’une interaction à 4 corps défini par Bp =O

i∈p

Zi (5.13)

5.3.2.2 Stabilisateurs

Par définition, les stabilisateurs sont des produits d’opérateurs étoiles et d’opérateurs plaquettes.

Nous allons voir que ceux-ci ont une interprétation géométrique simple.

Par exemple, prenons le produit de deux opérateurs plaquettes pour des plaquettes adjacentes : le produit des opérateurs Z provenant de chaque générateur sur le qubit partagé se simplifie à l’identité I et on obtient un opérateur « rectangle » agissant sur six qubits, représenté sur la Fig.5.7.

Fi g u r e 5.6 Définition du code torique.

Deux des générateurs du code, un opérateurs étoile As (en rouge) et un opérateur plaquetteBp (en bleu), sont représentés.

Fi g u r e 5.7Le produit de deux opérateurs plaquettes est un opérateur à six corps sur un rectangle.

Plus généralement, en prenant le produit d’opérateurs plaquettes, on obtient des opérateurs boucles ZB ≡N

s∈BZs dont le support géométrique est une boucle fermée sur le réseau. De même, le produit d’opérateurs étoiles génèrent des opérateurs boucles XB ≡ N

s∈BXs dont le support géométrique est une boucle fermée sur le réseau réciproque. Deux exemples de tels opérateurs sont représentés sur la Fig. 5.8.

Ainsi, la multiplication d’un stabilisateur par un autre stabilisateur revient à unir leurs supports géométriques « modulo 2 »,i.e. en retirant les sites qui apparaissent deux fois dans la partieX et la partie Z. Ainsi, le support des stabilisateurs sont toutes les boucles triviales, i.e., celles qui sont la frontière d’une région qui peut se contracter à un point. Nous verrons que les boucles non-triviales correspondent aux opérateurs logiques.

De façon générale, un stabilisateur est donc un produit d’opérateurs boucles,i.e., son support

Fi g u r e 5.8Stabilisateurs du code torique.

Deux stabilisateurs sont représentés : un opérateur boucle XB (en rouge) et un opérateur boucle ZB (en bleu). Ils commutent grâce à deux anti-commutations sur des qubits distincts.

géométrique est une réunion de boucles triviales.

5.3.2.3 Commutation

Afin de vérifier que les stabilisateurs commutent, il suffit de vérifier que les générateurs commutent. Remarquons tout d’abord que les opérateurs étoiles commutent trivialement entre eux.

De même, les opérateurs plaquettes commutent deux à deux. Par ailleurs, deux opérateurs dont les supports géométriques n’ont pas d’intersection commutent trivialement.

Le cas intéressant est donc celui d’un opérateur étoile et d’un opérateur plaquette dont les supports se touchent, comme sur la figure 5.9. Cela ne se produit que si le site s est un coin de la plaquette p. Dans ce cas, le support commun est forcément formé de deux qubits. Or, les opérateurs X et Z anti-commutent. Il y aura donc deux anti-commutations, une pour chacun des qubits communs. Ainsi, les opérateurs As et Bp commutent.

Géométriquement, la commutation des stabilisateurs correspond au fait qu’un opérateur XB

et un opérateur ZB anti-commutent sur les qubits où leurs supports se coupent. Or, les boucles triviales du réseau direct et du réseau réciproque se coupent forcément sur un nombre pair de sites, comme par exemple sur la figure 5.8.

Fi g u r e 5.9Commutation d’un opérateur plaquette et d’un opérateur étoile dont les supports ont une intersection non nulle.

5.3.2.4 Code torique

Le code torique est donc le code stabilisateur associé aux opérateur étoiles et aux opérateurs plaquettes, i.e., l’ensemble des états |ψi tels que

∀s As|ψi= +|ψi ∀p Bp|ψi= +|ψi (5.14) ou encore l’espace fondamental du hamiltonien

H =−X

s

As−X

p

Bp (5.15)

qui est local, gappé et sans-frustration et dont nous allons voir qu’il admet un espace fondamental dégénéré.

5.3.2.5 Dégénérescence

Le code torique est défini sur un réseau carré avec conditions périodiques, autrement dit un tore. Afin de calculer la dimension du code, il suffit de compter le nombre de générateurs indépendants. Pour ce faire, il faut compter le nombre de sites s et le nombre de plaquettes p.

Il est possible d’associer deux qubits à chaque site. Ainsi, il a n/2 sites10. De même, il y a n/2 plaquettes. On obtient ainsi n générateurs... mais qui ne sont pas tous indépendants !

En effet, les conditions périodiques ajoutent des contraintes sur ces opérateurs. Considérons le produit de tous les opérateurs étoiles Q

s∈ΛAs. Chaque qubit est affecté par deux opérateur étoile,

10. Le nombrende qubits est toujours pair par construction.

l’un à sa gauche, l’autre à sa droite. Ainsi, la contribution sur chaque qubit est X×X =I. On en déduit que le produit des opérateurs étoiles agit trivialement sur tous les qubits, i.e.,

Y

s∈Λ

As =I. (5.16)

De même, le produit de tous les opérateurs plaquettes est trivial Y

p∈Λ

Bp =I. (5.17)

On en déduit qu’il n’y a que `=n−2 générateurs indépendants et que la dimension du code est donc 4. Il permet donc d’encoder k= 2 qubits logiques.

5.3.2.6 Opérateurs logiques

Les opérateurs logiques du code torique sont complètement délocalisés, contrairement au code d’Ising où un d’entre eux n’était que l’aimantation Zk d’un seul spin. Afin de déterminer les opérateurs logiques, il faut trouver des opérateurs qui commutent avec tous les stabilisateurs mais qui n’en sont pas. Le plus simple est d’exhiber 4 générateurs du groupe logique. On choisit alors les 4 opérateurs représentés sur la figure 5.10

Considérons par exemple X¯1. Il commute trivialement avec tous les opérateurs étoiles et a deux qubits en commun avec tout opérateur plaquette dont il intersecte le support, ce qui implique qu’il commute avec les opérateurs plaquette. De plus, il n’est pas dans le groupe stabilisateur car son support n’est pas une boucle triviale. De même, les opérateurs X¯2, Z¯1 et Z¯2 sont des opérateurs logiques. Comment s’assurer qu’ils sont indépendants ? Il suffit de s’intéresser aux relations d’anti-commutation par ces opérateurs. Remarquons queX¯1 et Z¯1 ne se croisent qu’au niveau d’un seul qubit et anti-commutent donc. De même,X¯22 =−Z¯22. De plus, les opérateurs X¯1 et X¯2 (resp. Z¯1 et Z¯2) commutent car leurs supports ont une intersection vide. Ainsi, ces opérateurs ont les mêmes relations d’anti-commutation que les matrices de Pauli. En fait, il s’agit des matrices de Pauli des qubits logiques. Ces 4 opérateurs logiques génèrent donc l’espace des opérateurs logiques.

On pourrait se poser la question du choix du support de X¯1 : pourquoi choisir cette ligne verticale du réseau réciproque plutôt qu’une autre, voire une ligne qui zigzague ? Ce choix est complètement arbitraire. En effet, en multipliant X¯1 par un opérateur étoile, on peut déformer son

Fi g u r e 5.10Générateurs du groupe logique du code torique.

support afin d’obtenir une autre courbe, mais qui fera toujours le tour du tore. Formellement, on a défini une relation d’équivalence sur les opérateurs par A ∼ B ⇔ ∃S ∈ S A =BS. Ainsi, deux opérateurs équivalents ont exactement le même effet dans l’espace fondamental puisque, par définition, les stabilisateurs agissent trivialement sur le code. Les quatre opérateurs X¯1,2, Z¯12 sont donc des représentants canoniques qui génèrent l’algèbre du groupe logique.

Voilà la nature essentielle de l’opérateur logique : son support géométrique est une boucle non-triviale sur le tore, i.e., une courbe qui ne peut être contractée vers un point. En effet, les stabilisateurs correspondent à toutes les boucles triviales d’opérateurs et ont un effet trivial sur le code. Ainsi, les quatre opérateurs logiques correspondent à des boucles non-triviales suivant les deux directions du tore, soit avec des opérateurs X, soit avec des opérateursZ. On voit ainsi poindre la nature topologique du code torique. Quels sont les autres propriétés qui manifestent sa nature topologique ?