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C - ETUDE DU VIOL CHEZ L'HOMME DANS LA COHORTE DE TOURS

communauté où l'un des membres était victime d'inceste. Focaliser des interventions sur ces populations à risque pourrait être une façon appropriée de s'attaquer dans un premier temps à ce trop vaste problème.

B - IMPACT DU VIOL CHEZ LES HOMMES

Les abus sexuels des garçons sont moins rapportés que ceux des filles, mais leurs conséquences sont aussi moins bien connues. La question de savoir si le traumatisme du viol provoque des réactions psychologiques et des troubles mentaux différents chez les garçons et les filles est une question d'actualité.

Bolton et ses collègues (1989) ont publié une revue de la littérature sur l'impact de l'abus sexuel chez les hommes. Neilsen (1983) concluait que les deux tiers des garçons victimes faisaient l'expérience d'un trouble émotionnel d'une forme ou d'une autre secondairement à leur agression. Les réactions émotionnelles les plus courantes étaient le sentiment de culpabilité, la dépression, la mauvaise estime de soi, les troubles du sommeil et le retrait social. D'autres études ont noté la grande anxiété des garçons (Burgess et al. 1981 ; Dixon et al. 1978 ; Rogers et Terry 1984 ; Mendel 1995). D'autres remarquent les peurs intenses des garçons victimes (Sebold 1987). Les réactions de colère et d'agressivité sont notées par Summit (1983). Ainsi, dans l'ensemble des études, comme le remarquent Browne et Finkelhor (1986), la détresse psychologique ne semble pas s'exprimer avec une moindre intensité chez les garçons. Plusieurs auteurs ont souligné que, parmi les victimes de violences sexuelles, les troubles des conduites étaient plus fréquents chez les garçons que chez les filles (Sebold 1987 ; Friedrich et al 1988 ; Bolton 1989). Les tentatives de suicide ont aussi été trouvées élevées chez les garçons (Spencer et Dunklee 1986). Des préoccupations concernant l'identité sexuelle ou l'orientation sexuelle pourraient être fréquentes (Johnson et Shrier 1987).

C - ETUDE DU VIOL CHEZ L'HOMME DANS LA

COHORTE DE TOURS

des entretiens avec un psychiatre, répétés sur une période de douze mois après l'agression et que leur psychopathologie a été évaluée par un ensemble d'instruments cliniques structurés pour le diagnostic de troubles mentaux (cf.

chapitre IV)

Dans l'enquête du centre médico-légal de Tours, la proportion d'hommes parmi les victimes de viols venant de survenir s'élève à 14%, et à 21% chez les sujets âgés de treize à vingt ans (au lieu de 10% et 14% dans l'ensemble de la cohorte où des viols anciens sont aussi inclus). Cela montre que si le viol touche en premier lieu les femmes, les hommes sont loin d'être en proportion négligeable. La comparaison des fréquences qui précèdent avec celles de l'enquête nationale INSERM, effectuée dans la population générale, suggère aussi que le viol chez l'homme est plus souvent méconnu que chez la femme.

L'enquête de Tours a donc exploré dix hommes victimes de viol. Il va être présenté des portraits rapides de ces victimes car ils peuvent au fond constituer autant de types qui sont retrouvés régulièrement.

CAS 1. Garçon de treize ans. Viols répétés pendant plusieurs années de son grand-père et de son père. Pas de violences physiques surajoutées.

CAS 2. Garçon de treize ans. Viol unique par un pédophile dans les vestiaires d'une piscine. Pas de violence physique surajoutée.

CAS 3-4-5. Trois garçons de quatorze ans dans une même institution de garçons. Viols multiples par un autre pensionnaire. Violences physiques surajoutées.

CAS 6. Garçon de quinze ans. Viols répétés pendant plusieurs années par un oncle pédophile. Pas de violence physique surajoutée.

CAS 7. Homme de dix-huit ans. Viol unique par un ami homosexuel de même âge.

Violence physique surajoutée.

CAS 8. Homme de dix-huit ans. Jeune psychotique vivant dans une institution et allant chez sa mère le week-end. Viol unique par son beau-père. Pas de violence physique surajoutée.

CAS 9. Homme de 19 ans. Sans domicile fixe. Victime d'un viol lors d'une fête dans un squat. Avait beaucoup bu.

CAS 10. Homme de 20 ans. Viol unique par un ami de rencontre dans un concert rock. Avait beaucoup bu. Pas de violence physique surajoutée.

A ces dix cas, on peut en ajouter un onzième qui n'a pas pu être interrogé, mais qui est instructif pour le ressentiment violent qu'il dénote chez les victimes. Il s'agit d'un

Tableau 21. - Différences socio-démographiques et cliniques significatives entre les femmes et les hommes victimes de viol dans la cohorte de Tours.

Cohorte de Tours Toute la cohorte Hommes Femmes Différence significative

Age moyen 20.5 ans 15.8 ans 21.1 ans test de Student : p=0.041

Age  20 ans 69% 100% 65% test de Fisher exact : p=0.029

Elèves ou étudiants 61% 100% 58% test de Fisher exact : p=0.012

Anxiété généraliséea 10% 38% 7% test de Fisher exact : p=0.029

a Le trouble a été présent continûment pendant les six premiers mois de suivi

Nous n'avons noté dans le tableau 21, que les différences significatives apparues en comparant les femmes et les hommes de la cohorte de Tours. Sur le plan socio-démographique, seuls l'âge et le statut socioprofessionnel des sujets diffèrent. Les hommes qui se présentent au Centre de Tours sont plus jeunes que les femmes. Les garçons sont plus souvent des élèves ou des étudiants ce qui est à mettre en relation avec la précédente constatation. Les autres variables comme le statut matrimonial, la catégorie socioprofessionnelle du père, ou l'absence, dans l'enfance des victimes, d'un des parents auprès d'eux, ne sont pas significativement différentes. Hormis l'âge plus jeune des hommes, l'étude ne permet pas de repérer chez les garçons une typologie de l'événement traumatique, ou des séquences traumatiques aboutissant aux viols, qui soient spécifiques comparées à la typologie des viols chez les femmes. En particulier, la typologie des viols ne diffère pas significativement entre les hommes et les femmes sur le plan de son caractère incestueux, de son caractère répété, et éventuellement prolongé pendant plusieurs mois ou plusieurs années, de la survenue avant le viol d'une autre agression sexuelle ou physique, du sexe et de la proximité de l'agresseur, de l'environnement social et familial après le traumatisme, de la suite judiciaire qui a été donnée à l'agression, ou de la présence d'une violence physique surajoutée pendant l'agression. Pour apprécier l'importance de ces éléments communs aux victimes des deux sexes, on se reportera au chapitre IV.

Hormis la plus grande prévalence de l'anxiété généralisée chez les garçons, aucun autre trouble mental comme ceux que nous avons décrits au chapitre IV n'a une fréquence significativement différente chez les hommes comparés aux femmes. De même aucune des attitudes psychologiques et comportementales explorées chez les victimes n'est apparue spécifique d'un sexe, que cela concerne les tentatives de suicide, les fugues, les difficultés sexuelles, les difficultés scolaires, l'incapacité à faire confiance, l'incapacité à faire face à l'agressivité, la crainte du SIDA, la consultation d'un psychiatre ou l'absence de discernement dans le choix de ses amis. Ainsi, une moins grande prévalence des troubles mentaux chez les garçons n'apparaît pas dans cette étude. Cela peut tenir à la puissance insuffisante de la comparaison du fait du petit nombre de garçons dans l'échantillon mais cela peut tenir aussi au manque d'évidence de l'assertion que les garçons ont moins de troubles que les femmes.

En définitive, et pour conclure, on a pu voir avec cette étude de la cohorte de Tours que :

(a) la proportion des hommes parmi les victimes de viol est loin d'être négligeable ;

(b) l'évaluation des troubles mentaux présents six mois après le viol montre que les garçons n'ont pas moins de troubles mentaux que les femmes ce qui s'oppose

à la croyance en un impact du viol moindre chez les hommes que chez les femmes ;

(c) les hommes victimes sont en moyenne plus jeunes que les femmes victimes et, en définitive, sont tous des adolescents scolarisés qui ont un âge inférieur ou égal à vingt ans. Cette dernière remarque justifie l'intérêt qu'il y avait à effectuer une étude sur le viol des garçons, dans l'enquête de l'INSERM auprès des adolescents scolarisés.

D - ETUDE DU VIOL CHEZ LE GARÇON DANS