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Essai de classification des films de danse : entre distinction et porosité des genres

1960 – années 2010 : l’ère des (mélo)drames dansants et des vidéo-clips

1.3 Essai de classification des films de danse : entre distinction et porosité des genres

Ce tour d’horizon de la danse au cinéma a fait apercevoir l’éventail des styles chorégraphiques qui se sont manifestés sur les écrans ainsi que la diversité des genres cinématographiques dans lesquels ces danses se sont illustrées. Ce survol historique a en effet permis de mettre en évidence que des types très divers de films de danse ont apparu (et certains, peut-être, disparu) au cours de l’histoire du cinéma : des captations de danse les plus littérales aux vidéo-clips les plus morcelés par le montage, en passant par les comédies musicales et chorégraphiques les plus enlevées et les ciné-danses les plus expérimentales. Néanmoins, si ces divers genres de films de danse sont bien distincts et le plus souvent très identifiables, ils se nourrissent et s’influencent mutuellement, comme j’ai tenté de le souligner en évoquant certains films qui puisent leurs sources d’inspiration dans des œuvres s’inscrivant dans d’autres genres ciné-chorégraphiques (Beat It et Bad de Michael Jackson qui font référence à West Side Story, la danse sur les murs d’Astaire dans Royal Weddingqui reprend un « truc » que Méliès avait expérimenté dans L’Homme- mouche, le vidéo-clip Countdown de Beyoncé qui « plagie » une ciné-danse de Thierry De Mey et d’Anne Teresa De Keersmaker, etc.).

Par conséquent, et comme je le suggérais en introduction, si le film de danse n’est pas traditionnellement reconnu comme un genre cinématographique, il apparaît néanmoins comme une catégorie générique pertinente pour regrouper cet ensemble de films qui s’attachent à filmer la danse, quels que soient les techniques, l’esthé- tique, le ton ou l’orientation (narrative ou abstraite, fictionnelle ou documentaire, commerciale ou expérimentale) qui les caractérisent. Partant, le genre du film de dansepermet de désigner et donc d’englober quasiment tous les films décrits dans la section précédente, à l’exception de certains films qui ne présentent qu’une ou que quelques séquence(s) chorégraphiée(s) sans pour autant constituer des films de danse à proprement parler. Toutefois, la diversité de ces films exige d’identifier des catégories plus fines ou des « sous-genres » du film de danse.

Pour mieux distinguer l’originalité des formes esthétiques et des tendances dramaturgiques des ciné-danses, il semble donc utile de proposer une brève synthèse des caractéristiques formelles, narratives et/ou tonales des différents sous-genres de films de danse qui ont jalonné l’histoire du cinéma. Ainsi, je dégagerai dans les pages qui suivent les spécificités de quelques types de films chorégraphiques suffisamment importants (par la quantité et/ou l’originalité des œuvres qui les illustrent) pour

constituer des sous-genres du film de danse. La distinction de ces sous-genres repose sur quelques critères que les questions suivantes fournissent : quelles fonctions revêt la danse dans chacune de ces catégories de film (divertissantes, spectaculaires, narratives, commerciales, expérimentales) ? Dans quelles structures formelles et/ou narratives s’y manifeste-t-elle ? Comment y est-elle filmée ? Quelle tonalité affective, quels publics et quels styles de danse définissent respectivement ces sous-genres ?

À nouveau, il ne s’agit aucunement d’être exhaustif ici, mais bien plutôt de dégager les particularités de certaines catégories du film de danse afin de mieux déterminer celles des ciné-danses. De fait, à l’instar de l’histoire de la danse au cinéma que j’ai esquissée, cette typologie n’inclura toujours que des formes occidentales du film de danse et occultera même certaines catégories comme les publicités chorégraphiées ou les vidéos Internet de « danses virales » (Harlem Shakes85 et Flash

Mobs86en particulier). Cette classification est donc délibérément plus schématique que systématique, mais elle devrait se révéler éclairante pour la suite de cette recherche et participer à définir plus spécifiquement la forme ciné-chorégraphique qui m’occupe. Dans le cadre de cette étude, je me limiterai donc à la distinction de sept grandes catégories de films de danse (qui admettent elles-mêmes une diversité de sous-catégories plus fines).

• Les comédies chantées et dansées

• Les drames et mélodrames chorégraphiques (et musicaux)

• Les documentaires sur la danse

• Les vidéo-clips chorégraphiés

• Les films d’animation dansants

• Les captations de danse

• Les ciné-danses

85 « Un Harlem shake est une vidéo présentant un groupe de personnes, souvent vêtues de costumes, dansant de manière loufoque sur le morceau Harlem Shake du compositeur de musique électronique Baauer. » Cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Harlem_Shake_(meme). Dans ces vidéos, il s’agit le plus souvent de faire surgir des danses saugrenues dans des environnements qui ne s’y prêtaient pas ou à des moments inattendus et de perturber ainsi le quotidien et l’ordre de certains espaces et/ou de certains contextes. Le principe, en effet, est de « secouer » les conventions de certains codes comportementaux par ces mouvements soudains, chaotiques et incongrus.

86 « Une foule éclair (de l’expression anglaise identique flash mob), ou encore mobilisation éclair, est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. Le rassemblement étant généralement organisé au moyen d’Internet, les participants ne se connaissent pas pour la plupart. La caractéristique de ce phénomène est la convergence rapide d’individus a priori sans lien préalable, puis la disparition tout aussi rapide des participants. L’impression d’improvisation et le facteur de surprise pour les spectateurs en sont les éléments clés. Sur Internet, des sites permettent de s’inscrire, par ville, pour recevoir des instructions et participer à la prochaine “mobilisation éclair” ». Cf. https: //en.wikipedia.org/wiki/Flash_mob. Il faut préciser qu’un grand nombre de flash mobs sont d’ordre chorégraphique.