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Les captations de danse désignent des enregistrements filmiques qui sont le plus souvent réalisés lors des représentations de spectacles chorégraphiques, c’est-à-dire sur scène et en présence du public. Dans ces cas, la caméra, qui ne doit pas gêner les spectateurs, est le plus souvent frontale et immobile : elle est fréquemment placée en milieu ou en fond de salle. Toutefois, certaines captations, notamment celles qui sont destinées à être diffusées au cinéma ou à la télévision, peuvent être réalisées à l’aide de plusieurs caméras qui permettent alors de faire varier les points de vue sur l’action chorégraphique.

Certes, la complexité du dispositif de tournage et la qualité des équipements – caméra(s) unique ou multiples, mobile(s) ou fixe(s), présence ou non de câbles et/ou de rails pour les déplacements d’appareil, etc. – ont une incidence sur l’esthétique des captations, qui s’avère donc très variable. Ainsi, ces films exploitent plus ou moins la mobilité de la caméra, présentent plus ou moins de coupes, proposent plus ou moins de perspectives, varient plus ou moins les échelles de plan, etc. Néanmoins, ce qui définit et par conséquent rassemble les captations sous une même catégorie, ce sont les objectifs qu’elles partagent toutes et qui consistent à restituer de manière (relativement) fidèle l’intégralité d’une œuvre chorégraphique et à rendre (relativement) discrète l’opération d’enregistrement (bien que cette discrétion puisse passer par un haut degré d’artificialité et par de multiples opérations techniques). Par

définition, en effet, les captations tentent autant que possible de ne pas dénaturer les chorégraphies, leur durée, leur continuité, leurs enchaînements et leurs effets propres. Par conséquent, dans la mesure où ces films visent à reproduire une pièce chorégraphique avec le plus grand degré de transparence et de fidélité possible, ils se veulent relativement neutres sur le plan cinématographique, encore qu’il faille souligner que la neutralité n’est souvent que le produit d’habitudes culturelles (par exemple, les coupes et les variations d’échelles de plan étant devenues des normes filmiques, elles ne nient plus nécessairement le cachet de neutralité d’une captation).

Par rapport à d’autres films du genre, les captations ont aussi la particularité de ne filmer que la danse. Aucun travail de scénarisation, aucun dialogue, aucun entretien, aucune expérimentation formelle trop visible ne viennent se mêler à ces films : ils se contentent d’enregistrer une chorégraphie in extenso en visant à ce que ce processus de médiatisation audiovisuelle altère le moins possible la représentation de l’œuvre. La démarche qui sous-tend l’entreprise de captation n’est donc ni fictionnelle, ni expérimentale, ni même documentariste : il s’agit plutôt d’un travail de reproduction ou plutôt de transcription audiovisuelle.

Par ailleurs, ces films sont réalisés pour des raisons diverses qui s’enchevêtrent souvent. Beaucoup de captations sont tournées en vue de la conservation du réper- toire chorégraphique : elles sont alors destinées à constituer les archives de cet art fugitif qu’est la danse (fonction mémorielle et patrimoniale). Les captations servent également à la diffusion des œuvres chorégraphiques : elles alimentent souvent les sites des chorégraphes et des compagnies de danse, sont diffusées au cinéma, pro- grammées à la télévision, éditées en version DVD ou encore projetées dans certains musées et institutions culturelles (fonction de diffusion promotionnelle, commerciale et/ou muséale). Enfin, ces films facilitent grandement la transmission du répertoire chorégraphique en offrant aux chorégraphes et aux danseurs un système de lisi- bilité des chorégraphies plus accessible et moins complexe que les systèmes de notation chorégraphique (tel que le système Feuillet ou la Labanotation), quoiqu’il soit éventuellement moins objectif (comment départager l’œuvre du chorégraphe de l’interprétation spécifique dont elle fait l’objet dans telle captation ?). Les capta- tions s’avèrent donc aussi de grandes ressources pratiques et pédagogiques pour les professionnels de la danse (fonction didactique).

Enfin, les captations de danse ont la particularité de constituer le plus ancien genre de film de danse puisque un très grand nombre des premières vues du cinéma sont précisément des enregistrements de performances chorégraphiques, comme l’attestent par exemple les innombrables films de danses serpentines réalisés au cours

des dix premières années qui ont suivi l’invention du médium cinématographique. Puis, tout au long du XXe siècle, d’importantes captations ont été réalisées qui nous permettent aujourd’hui de visionner les créations de grands chorégraphes et les performances d’illustres danseurs dont nous n’aurions autrement que des témoignages écrits ou des images photographiques. Toutefois, jusqu’aux années 1960, aucune compagnie et aucun chorégraphe n’a encore entrepris d’enregistrements systématiques de leurs œuvres. Par conséquent, malgré l’existence du médium cinématographique, les archives filmiques de la danse restent, jusqu’à la fin des années 1960 au moins, irrémédiablement lacunaires. Ainsi, par exemple, il n’existe semble-t-il aucun enregistrement filmique de performances de grands danseurs tels que Nijinski ou Isadora Duncan : seules des photographies de Nijinski nous sont parvenues et l’unique fragment filmique dans lequel apparaît Isadora Duncan, qui refusait d’être filmée, a été (mal) tourné en cachette par un spectateur dissimulé derrière un arbre94. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que les captations de

spectacles chorégraphiques se généralisent, même dans certaines compagnies plutôt modestes. Grâce à ces captations, les œuvres des chorégraphes de la seconde moitié du XXe siècle, tels que Merce Cunningham, Maurice Béjart ou Pina Bausch pour

ne citer que les plus célèbres, sont préservées sous forme audiovisuelle. Elles sont ainsi facilement consultables et peuvent être minutieusement étudiées et largement diffusées. Par conséquent, les captations ont permis un accès bien plus facile et bien plus large aux œuvres chorégraphiques (en diminuant, voire en abolissant, les contraintes géographiques, temporelles et financières qui ont longtemps limité leur accès).