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Début des années 1930 – fin des années 1950 : le règne des comédies musicales

À partir des années 1930, le règne de la comédie musicale hollywoodienne s’installe et perdure jusqu’à la fin des années 1950 en prenant des visages et des virages successifs : depuis les musicals les plus ciné-chorégraphiques de Busby Ber- keley, ponctués par des numéros grandioses et exubérants avec des stars comme Ruby Keeler et Dick Powell, jusqu’aux films hauts en couleur et oniriques de Vincente Minnelli ou ceux, plus réalistes, de Stanley Donen et Gene Kelly, en passant bien sûr par les films les plus classiques du genre que représentent les œuvres dans lesquelles s’illustrent notamment Fred Astaire et Ginger Rogers. À travers les nombreux nu- méros chorégraphiques qui les jalonnent, les comédies musicales hollywoodiennes donnent à la danse, en particulier aux danses populaires d’alors (claquettes, danses de salon, charleston, danse jazz et modern jazz), mais aussi parfois au ballet et à la danse moderne, une place de choix sur les écrans de cinéma.

Dès le début des années 1930, Busby Berkeley invente une forme de comédie musicale particulièrement originale d’un point de vue ciné-chorégraphique dans la mesure où les danses qui composent les numéros qu’il crée sont davantage fa- çonnées par les stratégies cinématographiques qu’il déploie que par les prouesses chorégraphiques des girls qu’il exhibe. Débauché de Broadway par Hollywood en 1930, Busby Berkeley crée durant cette décennie des numéros musicaux et chorégra- phiques spectaculaires avec des dizaines et des dizaines de danseuses dans des films tels que Whoopee! (Thornton Freeland, 1930), Flying Lessons High (Charles Reisner, 1931), 42ndStreet(42eRue, Lloyd Bacon, 1933), Gold Diggers of 1933 (Chercheuses d’or de 1933, Mervyn LeRoy, 1933), Footlight Parade (Prologue, Lloyd Bacon, 1933), Wonder Bar(Lloyd Bacon, 1934), Dames (Ray Enright, 1934) ou encore Gold Diggers of 1933(Chercheuses d’or de 1935, Busby Berkeley, 1935) et Gold Diggers of 1937 (Chercheuses d’or de 1937, Lloyd Bacon, 1936). Ses films les plus mémorables se concentrent ainsi dans les années 1930, mais Busby Berkely continue à chorégraphier des numéros et/ou à réaliser des musicals jusqu’en 1962.

Innovante, sa signature ciné-chorégraphique est immédiatement reconnaissable. Les numéros qu’il met en scène se distinguent en effet par leur ambition specta- culaire, l’échelle grandiose et l’opulence de leur scénographie, des décors souvent monochromes et graphiques aux dimensions insondables qui induisent parfois l’illu-

sion d’un espace infini, de puissants contrastes entre le noir et le blanc, des costumes exubérants, la récurrence des prises de vue en plongées à la verticale par lesquelles il filme ses chorégraphies comme une suite d’effets kaléidoscopiques ou encore les my- riades de danseuses qui se ressemblent toutes et qui sont régulièrement transformées en motifs représentatifs (étoiles, violons, fleurs, roues) ou en formes géométriques abstraites et mobiles par des accessoires, les costumes, leur disposition dans l’espace et à la faveur de certaines stratégies cinématographiques38.

Ce style ciné-chorégraphique marquera durablement l’esthétique d’un grand nombre de films de danse. Pourtant, les show girls de Berkeley n’ont rien de danseuses hors pair et elles ont d’ailleurs rarement des pas de danse élaborés à exécuter. De fait, les danses que Berkeley met en scène sont le plus souvent rudimentaires sur le plan des techniques chorégraphiques39. C’est que la technicité de ses numéros

ne réside nullement dans la virtuosité individuelle des danseuses, mais dans leur mise en scène millimétrée à l’échelle du groupe (dans leur capacité à se fondre dans un ensemble, à respecter avec précision les déplacements et les rythmes d’un chœur qui doit évoluer le plus souvent à l’unisson et parfois en canon) ainsi que dans les techniques cinématographiques originales que Berkeley mobilise pour les filmer (angles de prise de vue, variations des échelles de cadrage, longs travellings, montage dynamique). Très sophistiqués dans leurs compositions structurelles, c’est-à-dire très précis dans les dessins qu’y forment dans l’espace les poses et les trajectoires des danseuses, ses numéros chorégraphiques, souvent filmés en plongée totale, créent des effets géométriques et kaléidoscopiques particulièrement complexes. Architecte chorégraphique plus que chorégraphe, Berkeley a ainsi tendance à transformer les corps de ses danseuses en des figures mobiles qui doivent s’intégrer dans des « constructions corporéo-plastiques40 » aux rendus visuels graphiques et abstraits (ces qualités graphiques et abstraites de l’image, sa dimension de pure surface, y est

38 Sur les films de Busby Berkeley, voir Tony Thomas, Jim Terry et Busby Berkeley, The Busby Berkeley

Book, London, Thames et Hudson, 1973 et Martin Rubin, Showstoppers: Busby Berkeley and the

Tradition of Spectacle, New York, Columbia University Press, 1993. Plus spécifiquement, pour des analyses de la danse dans les films dont Berkeley a dirigé les numéros, voir Jerome Delamater,

Dance in the Hollywood Musical, op. cit. Sur le traitement de l’image de la femme dans les numéros de Busby Berkeley pour le cinéma, voir Lucy Fisher, Shot/Countershot: Film Tradition and Women’s

Cinemaet notamment le chapitre « Woman and the Musical », Princeton, Princeton University Press, 1989. Un extrait de ce chapitre a été traduit en français et publié sous le titre « L’image de la femme comme image : la politique optique de Dames et autres numéros musicaux de Busby Berkeley », in Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud, CinémAction : 20 ans de théories féministes sur le cinéma, février 1993, n°67, pp. 129-134.

39 Busby Berkeley le reconnaissait lui-même sans vergogne : « Cela m’a toujours été égal qu’une fille ne sache pas reconnaître son pied droit de son pied gauche du moment qu’elle était belle. Je pouvais toujours la faire bouger ou danser, ou faire quelque chose. Toutes mes filles étaient belles et certaines savaient danser un petit peu, d’autres ne savaient pas ». Cité par Lucy Fisher, « L’image de la femme comme image : la politique optique de Dames et autres numéros musicaux de Busby Berkeley », traduit par Violaine Lenoir et Ginette Vincendeau, op. cit., p. 132.

en partie due à « l’aplatissement » des corps que produisent les très hautes plongées verticales).

Cet accent porté sur les effets compositionnels émergeant à grande échelle plutôt que sur la virtuosité des interprètes s’explique en partie par le parcours du ciné- chorégraphe. Busby Berkeley n’a reçu aucune formation en danse mais a en revanche été marqué par son rôle d’organisateur de marches et de parades militaires lors de son passage par l’armée en tant que second lieutenant ainsi que par l’observation aérienne de ses troupes, c’est-à-dire par un regard surplombant qui éclaire son goût cinématographique pour les plongées à la verticale et les effets visuels abstraits qui peuvent résulter du filmage de ses « armées » de danseuses depuis de très hauts top shots41. Fort de cette expérience militaire, il a ensuite chorégraphié une bonne vingtaine de musicals pour Broadway au cours des années 1920 avant d’être engagé par Hollywood (par la Warner Bros d’abord, puis par la MGM à partir de 1939).

Outre l’influence de son expérience militaire, les numéros de Berkeley té- moignent aussi de son passage par Broadway en s’ancrant presque toujours dans un contexte théâtral. En effet, ses numéros sont le plus souvent présentés sur une scène et devant un public, comme c’est d’ailleurs le cas dans un grand nombre de comédies musicales dites « de coulisse »42. Toutefois, chez Berkeley ce cadre théâtral disparaît très vite au cours des séquences pour faire place à des mises en scène spécifiquement cinématographiques. De fait, je l’ai dit, les effets chorégraphiques de ses numéros dépendent souvent d’un angle de prise de vue, notamment de plongées totales, ou de la mobilité de la caméra qui multiplie les points de vue par rapport à celui, fixe, d’un spectateur de théâtre : la caméra de Berkeley aime par exemple se faufiler entre les jambes des danseuses dans des travellings suggestifs ou faire varier les échelles de cadrage dans un même plan grâce au déplacement de la caméra. De plus, la référence à l’espace scénique tend à s’estomper au cours des numéros qui en débordent totalement les dimensions traditionnelles : peu de scènes de théâtre de l’époque auraient effectivement pu accueillir les scénographies démesurées du cinéaste, qui nécessitaient pour leur mise en œuvre les plus vastes et les plus hauts studios hollywoodiens.

41 Elizabeth Zimmer, « Optic Nerve: Busby Berkeley and the American Cinema », Envisioning Dance on

Film and Video, op. cit., p. 68.

42 Avec le « folk musical » (la comédie-folklore) et le « fairy-tale musical » (la comédie-conte de fée), le « show musical » (la comédie-spectacle) est l’une des trois grandes catégories de musicals que définit Rick Altman dans son ouvrage de référence sur le genre. C’est dans cette dernière catégorie (le « show musical ») qu’il range l’une des plus grandes tendances du musical hollywoodien, le « backstage musical » ou la comédie musicale de coulisse. Rick Altman, The American Film Musical, Bloomington, Indiana University Press, 1987 / La Comédie musicale hollywoodienne, Paris, Armand Colin, 1992.

Dès Whoopee!, le premier film auquel il contribue en tant que chorégraphe, Berkeley impose l’une de ses marques de fabrique dans la séquence « The Cowboy Song » : les numéros kaléidoscopiques. Dans cette scène, il fait se mouvoir des danseuses en deux cercles concentriques tournoyant dans des directions opposées et les filme de très haut en plongée verticale afin de révéler les effets graphiques et labiles que produisent leurs mouvements et leur costume d’Indiennes. Cette esthétique kaléidoscopique se retrouve ensuite dans bon nombre de ses films et notamment dans les plus célébrés tels que 42ndStreet, Footlight Parade, Dames ou

encore la série des Gold Diggers43. Les panoramiques et les travellings qui scannent

les corps et les visages des girls représentent un autre effet de signature de Berkeley. Le procédé est notamment à l’œuvre dans ses fameuses « face parades » dont la séquence « We’re In the Money » de Gold Diggers of 1933 offre un bon exemple, tout comme le numéro final de Dames, où la caméra se retourne pour filmer les visages des girls« à l’endroit » alors que celles-ci, pliées en deux, ont la tête à l’envers entre leurs jambes. L’un des sceaux esthétiques qui estampille également le musical berkeleysien est l’exubérance de ses numéros de chant et de danse. L’une des plus célèbres séquences du choréalisateur, « By a Waterfall » de Footlight Parade, où des centaines de danseuses jouent les naïades et forment à la surface d’un bassin des motifs visuels géométriques, illustre parfaitement l’échelle grandiose et l’extravagance onirique de ses mises en scène ciné-chorégraphiques. D’autres numéros tels que « Shanghai Lil » (Footlight Parade) et « All’s Fair in Love and War » (Gold Diggers of 1937) témoignent plus particulièrement du style militaire des chorégraphies de Berkeley, hérité donc de son expérience en tant que responsable des marches et des parades dans l’armée américaine.

Le fait que ce soit la mise en scène et les techniques cinématographiques qui façonnent si largement les effets produits par ses séquences chorégraphiques tend à faire de Berkeley un précurseur de la symbiose artistique que chercheront à accomplir les artistes de ciné-danses. Toutefois, dans ses films la danse reste clairement au service d’effets visuels spectaculaires, c’est-à-dire au service du cinéma et, qui plus est, d’un cinéma de divertissement populaire. Cela contraste avec l’exigence des artistes de la ciné-danse de faire véritablement fusionner les deux arts et non pas de subordonner la danse aux impératifs visuels d’un cinéma spectaculaire. De plus, l’incursion de ses numéros au sein de films classiquement narratifs éloigne les innovations de Berkeley du projet de la ciné-danse, quoique la grande autonomie de ses séquences autorise à les lire comme des ciné-danses expérimentales enchâssées dans des films plus classiques et narratifs dont elles suspendent le déroulement.

43 Sur cet effet, voir Jean-Louis Comolli, « La Danse des images, kaléidoscopie de Busby Berkeley »,

Illustration 1.3 « Kaléidoscopie de Busby Berkeley » : Gold Diggers of 1933 (Mervyn LeRoy, 1933) et Dames (Ray Enright, 1934)

En outre, malgré leurs expérimentations formelles, les numéros de Berkeley reconduisent et exacerbent certaines représentations les plus conventionnelles du corps féminin, participant notamment de sa mise au service d’un regard et d’un plaisir masculins. Il faut en effet reconnaître que la représentation des girls – leur beauté codifiée, leurs sourires offerts à la caméra, leurs tenues légères, l’utilisation ornementale de leur corps qui deviennent les composantes de motifs abstraits ou figuratifs, l’ouverture de leurs jambes, etc. – illustrent particulièrement bien la cri- tique féministe de la mise en scène objectivante et sursexualisante des femmes dans le cinéma classique par Laura Mulvey44. Par ailleurs, la masse des girls, la simplicité

et la précision mécaniques de leurs mouvements, leur synchronisation parfaite ou encore leur désindividuation au profit d’une logique de production (d’effets visuels) qui dépasse l’échelle de l’individu semblent refléter et esthétiser un système socio- économique – la rationalité industrielle du capitalisme – qui n’est jamais réinterrogé en profondeur en dépit du thème de la crise qui sous-tend la série des Gold Diggers. C’est à ce titre qu’on peut voir les girls de Berkeley à la lumière du texte de Kracauer sur l’ornement de la masse dans lequel il analyse le phénomène, extrêmement simi- laire, des « Tiller Girls », une troupe de danseuses très en vogue en Europe durant les années 192045. Dans les revues dansantes dans lesquelles elles se produisent,

les formations géométriques que composent leur corps, la dimension mécanique et la synchronisation millimétrée de leurs mouvements ainsi que la dissolution de leur individualité dans une masse indifférenciée apparaissent à Kracauer comme une allégorie de la rationalisation et de la mécanisation de la vie moderne et, plus particulièrement, comme une manifestation dans le domaine du divertissement des modes de production capitalistes et du travail à l’usine à l’ère du fordisme : « Aux jambes des Tiller girls correspondent les mains dans les usines. [. . . ] L’ornement de masse est le reflet esthétique de la rationalité recherchée par le système économique dominant46,47 ». Contrairement à ces représentations qui légitiment, en les esthéti-

44 Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, n°3, 1975, pp. 6-18. On notera toutefois qu’il n’est pas interdit de privilégier une interprétation non féministe de ces films en soulignant au contraire la dimension légèrement licencieuse de ces représentations du corps dans un contexte américain encore très puritain et dans un contexte cinématographique régit par le code de censure Hays à partir de 1934.

45 Siegfried Kracauer, « L’Ornement de la masse », L’Ornement de la masse. Essais sur la modernité

weimarienne, Paris, La Découverte, 2008 (1927), pp. 60-71. 46 Ibid., p. 63.

47 Teresa Castro propose de voir les Berkeley Girls moins comme le reflet des modes de production capitalistes que comme la manifestation d’un idéal social et militaire et comme le symptôme d’une « recherche d’un équilibre entre individualisme et collectivisme » répondant « à l’effort d’encadrement du corps social caractéristique du New Deal » : « Il est indéniable que l’originale “ingénierie” humaine de Berkeley répond à un moment historique particulier, marqué, aux États- Unis, par l’effort de reconstruction et la mobilisation des masses. Contrairement à ce que suggère Kracauer dans son texte de 1931, l’exactitude des performances des girls évoquerait autant un idéal machinique que militaire – dans le sens d’un corps collectif prêt à se soumettre à une discipline

Illustration 1.5 « Young and Healthy » : 42ndStreet, (Lloyd Bacon, 1933)

sant, des contextes socioéconomiques (l’organisation capitaliste de la production et du travail) ou socioculturels (l’objectivation et l’exploitation sexuelle des femmes), la ciné-danse, on le verra, propose des représentations beaucoup plus critiques des corps qui cherchent à déstabiliser ses images, ses fonctions et ses caractéristiques les plus ordinairement admises.

Dès le milieu des années 1930, des comédies musicales moins spectaculaires mais plus intimistes que celles de Busby Berkeley apparaissent. Dans ces films – dont les héros sont souvent incarnés par Fred Astaire, Ginger Rogers, Judy Garland, Rita Hayworth, Gene Kelly, Cyd Charisse ou encore Leslie Caron – les multitudes de girls de Berkeley font place à des solos et des duos qui tendent à s’intégrer plus organiquement à la trame narrative que les saillies ou excroissances chorégraphiques de Berkeley, qui débordaient toujours les cadres et les espaces narratifs dans lesquels ils s’intercalaient. Avec des danseurs aussi virtuoses que Fred Astaire, Gene Kelly, Cyd Charisse, Vera-Ellen, Tommy Rall ou Russ Tamblin, les musicals hollywoodiens du milieu des années 1930 à la fin des années 1950 donnent au genre ses véritables lettres de noblesse chorégraphiques. En effet, danseurs de formation, ces stars

commune ». Teresa Castro, « L’Ornement de la masse, de Weimar à Hollywood », in Angela Lampe (dir.), Vues d’en haut, Metz, Centre Pompidou Metz, 2013, p. 259.

contribuent à faire de la danse l’ingrédient clé des comédies musicales dans lesquelles ils jouent, au même titre, voire davantage, que la chanson.

C’est d’abord (chronologiquement et qualitativement) Fred Astaire qui, par sa virtuosité, a fait prendre à la comédie musicale hollywoodienne son tournant plus chorégraphique après les œuvres plus chantantes et/ou plus visuellement spectaculaires que dansantes de la toute fin des années 1920 et du début des années 1930. Le mythique couple de danseurs qu’il forme dès 1933 avec Ginger Rogers contribue de manière décisive à faire de la danse le sel de la comédie musicale classique. Astaire et Rogers feront dix films ensemble, les neuf premiers entre 1933 et 1939 avec la RKO et le dernier en 1949 avec la MGM : Flying Lessons Down to Rio(Carioca, réal. Thornton Freeland, chor. Dave Gould et Hermes Pan, 1933), The Gay Divorcee(La Joyeuse divorcée, réal. Mark Sandrich, chor. Dave Gould et Hermes Pan, 1934), Roberta (réal. William A. Seiter, chor. Fred Astaire et Hermes Pan, 1935), Top Hat (Le Danseur du dessus, réal. Mark Sandrich, chor. Fred Astaire, Hermes Pan et William Hetzler, 1935), Follow the Fleet (En suivant la flotte, réal. Mark Sandrich, chor. Hermes Pan, 1936), Swing Time (Sur les ailes de la danse, réal. George Stevens, chor. Hermes Pan et Fred Astaire, 1936), Shall We Dance (L’Entreprenant Monsieur Petrov, réal. Mark Sandrich, chor. Hermes Pan et Harry Losee, 1937), Carefree(Amanda, réal. Mark Sandrich, chor. Hermes Pan, 1938), The Story of Vernon and Irene Castle(La Grande Farandole, réal. Henry C. Potter, chor. Hermes Pan, 1939) et The Barkleys of Broadway (Entrons dans la danse, réal. Charles Walters, chor. Fred Astaire et Alex Romero, 1949). Avec, en moyenne, au moins cinq numéros dansés par film (de un à trois solos d’Astaire environ et au moins deux duos avec Rogers), le succès de la formule de musicals que promeut Astaire et qu’entérine l’immense popularité de son couple à l’écran avec Rogers révolutionne la comédie musicale et offre à la danse une exposition sans précédent au cinéma.

Fred Astaire s’est aussi associé avec toutes les grandes danseuses du cinéma américain des années 1940 et 1950 : des danseuses de claquettes comme Eleanor Powell dans Boadway Melody of 1940 (Broadway qui danse, Norman Taurog, 1940), des danseuses de salon telle que Rita Hayworth dans You’ll Never Get Rich (L’Amour vient en dansant, Sidney Lanfield, 1941) et You were Never Lovelier (Ô toi ma char- mante, William A. Seiter, 1942) ou des danseuses de formation classique à l’instar de Vera-Ellen dans Three Little Words (Trois petits mots, Richard Thorpe, 1950) et The Belle of New-York(La Belle de New-York, Charles Walters, 1952), Cyd Charisse dans The Band Wagon (Tous en scène, Vincente Minnelli, 1953) et Silk Stockings (La Belle de Moscou, Rouben Mamoulian, 1957) ou encore Leslie Caron dans Daddy Long Legs(Papa longues jambes, Jean Negulesco, 1955).

Illustration 1.6 Le couple Astaire et Rogers : Top Hat (Mark Sandrich, 1935)

Danseur, mais aussi chorégraphe – on l’omet parfois, peut-être parce qu’il est rarement crédité en tant que tel – Fred Astaire a imposé un style chorégraphique sur les écrans qui a largement contribué à définir le musical classique : un mélange élégant de claquettes et de danses de salon avec, parfois, des traces de danse jazz et de ballet. Danseur fluet d’une distinction et d’une grâce toujours impeccables, c’est sans doute l’absence apparente de tout effort, la légèreté des pas et un certain flottement aérien des mouvements qui caractérisent le plus évidemment le style astairien. Comme l’affirme Alain Masson, c’est la précision des pas et la discrétion de leur sophistication qui singularisent Astaire et le distinguent notamment de l’explosif Gene Kelly : « Comme danseur il ne mise pas [. . .] sur l’éclat, mais sur l’exactitude