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Le développement ou la restructuration des établissements ne semble pas s’opérer sur un modèle unique et la prise en compte du vieillissement peut n’être qu’un aspect parmi d’autres dans les stratégies du redéploiement. Sur ce sujet, l’Etat ne semble pas marqué par une doctrine spécifique, ni faire preuve de dirigisme, l’option qu’il a retenue étant d’agréer le projet offrant le meilleur ratio entre prestations et moyens (coûts). Le caractère limité de notre échantillon ne permet pas de repérer s’il s’agit d’une standardisation des redéploiements, sauf à penser que la médicalisation progressive qui apparaît dans tous les cas de figure en est le signe. La médicalisation devient un passage finalement obligé étant donné la configuration sociodémographique de la population accueillie. On repère, cependant, une orientation dans les choix de la médicalisation. Les entretiens réalisés comme le programme pluriannuel de création de places en établissements

et services pour un accompagnement adapté au handicap tout au long de la vie de 2008-201267 font apparaître une orientation plutôt en faveur de la médicalisation des structures existantes que de la construction de nouvelles structures. L’échantillon est, par ailleurs, suffisamment riche pour mettre en évidence l’hétérogénéité des démarches des associations pour leur adaptation aux besoins. On peut constater, sans avoir les moyens d’en proposer une vision précise et exhaustive, que les démarches des structures correspondent finalement à trois grandes options.

§ La première s’étaye sur une vision centrée sur le public accueilli qu’il faut suivre au nom de la continuité de l’accompagnement. Les structures concernées sont plutôt les associations de type familial, ancrées dans la proximité locale. Leur vision reste une vision du moyen terme centrée sur l’accompagnement du vieillissement sans intégrer fortement la médicalisation que nécessite l’accompagnement de la fin de vie. Ce modèle supporte une subdivision. En effet, certaines structures envisagent la réorientation du public au moment de sa fin de vie, alors que d’autres se disent prêtes à l’accompagnement de fin de vie, celui-ci étant référé au « salut de l’âme » plutôt qu’à la médicalisation des corps (ce sont notamment les associations à caractère religieux qui défendent cette orientation).

§ Le deuxième type de structure est plutôt centré sur une vision du territoire comme un marché sur lequel il faut prendre place68. Ces associations développent une vision stratégique à long terme, c’est-à-dire avec une projection sur une cinquantaine d’années.

§ Enfin, le troisième type d’association ou troisième modèle d’association concerne l’approche spécialisée sur l’accompagnement de la fin de vie, le raisonnement est centré sur la médicalisation importante de l’établissement.

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Publié par la CNSA et disponible en ligne. http://www.cnsa.fr/article.php3?id_article=607

68 Le terme de « marché » est employé ici au sens positivement institutionnel, il s’agit du

positionnement entre des concurrents associatifs. La concurrence porte plus sur les valeurs, options pédagogiques et des moyens mis en œuvre. Mais il pourra bientôt s’agir de marchés concurrentiels au sens libéral et capitalistique du terme à la recherche de créneaux solvables et là nous serions plutôt sur un marché du type libéralisé.

Sans doute que ces différentes approches de l’adaptation des structures n’est pas seulement en lien avec le thème du vieillissement. En effet, à y regarder de près, on se rend compte que nombres de variables influent sur le choix de ces redéploiements : d’abord la taille de l'association, certaines associations ayant un établissement sur un lieu unique, très intégré dans la vie locale. Celles-ci raisonnent en termes de déploiement à l’intérieur même de leur propriété foncière. Et au fond, leur objectif est de continuer à accompagner la population qu’elles accueillent déjà. Cette même logique peut se retrouver lorsqu’une association gère plusieurs établissements. Ces organisations procèdent à des restructurations internes autosuffisantes, c’est-à-dire qu’elles ne cherchent pas à se rapprocher d’autres associations pour mutualiser ou fusionner certains domaines de leurs compétences. Ces organisations restent relativement compactes et constituent des filiales à l’intérieur même de leur périmètre d’activités et sont ainsi en mesure de proposer un parcours pour leurs résidents de la jeunesse jusqu’au décès. D’autres associations prennent plutôt le parti d’une mobilité du public en ayant recours à des accompagnements partagés entre partenaires aux compétences spécifiques. D’autres encore feront le choix d’un accueil très ciblé du public, et se positionneront sur un segment d’âge particulier (tel établissement peut accueillir les quarante/soixante ans avec une réorientation à la date anniversaire de la personne, tel autre afficher l’objectif d’accompagnement jusqu’à la fin de la vie). La situation locale est une autre caractéristique très importante. Effectivement, selon les choix associatifs ou les opportunités et les contextes locaux on peut relever que dans certaines configurations la survie de l’organisation passe par la nécessité du partenariat, soit une nécessité de l'association en direction des partenaires, soit une nécessité du partenariat en direction des associations. C’est notamment le cas des hôpitaux qui cherchent à se restructurer pour cause de fléchissement de leur activité et qui sont intéressés par l’accompagnement médicalisé des personnes multihandicapées. Et cette situation de demande correspond à une opportunité pour l’association qui peut, du coup, proposer un projet complet d’accompagnement de la population vieillissante.

Le public accueilli originellement est aussi une variable déterminante dans la stratégie des établissements. Certaines associations cherchent à se généraliser et donc à accueillir des publics plutôt hétérogènes en termes de pathologies mais aussi en termes d’âge, de même que certaines associations peuvent proposer de mettre à profit leur compétence originelle avec certains publics en accentuant leur spécialisation en direction d’une offre de services d’accueil des personnes âgées relevant exclusivement des pathologies pour lesquelles l’association s’est déclarée compétente. Ces stratégies de cœur de métier sont mises en avant dans le but d’anticiper, en l’affirmant d’office, un positionnement qui devient difficile à négocier pour les autres parties, si d’éventuels débats devaient naître, entre associations, sur un « partage » du marché.

Enfin, une autre variable déterminante est l’histoire de la structure. Les structures d’orientation familiale ou confessionnelle sont plutôt des structures de petites tailles, où l’orientation sociale et éducative prédominent. Lorsque les structures sont plutôt d’orientation professionnalisée et notamment celles qui l’ont été par des médecins, prédomine la logique du médico-social (au sens paramédical du terme) et du soin. Comme on le voit, les configurations sont multiples et il est difficile de les réduire à quelques cas de figures.

§ S’agissant du premier cas de figure, celui des établissements à caractère « familial », la logique d’établissement des associations, en règle générale de petite taille et possédant un petit patrimoine, vise la proposition d’extensions sur leur propre territoire afin d’assurer la continuité de l’accueil des résidents, mais aussi celle du service auprès des aidants, dans un souci de proximité. La majorité de ces établissements propose une offre de services départemental qui a pour effet de faciliter l’intégration de familles au conseil d’administration. Par ailleurs, ces établissements sont des entreprises pourvoyeuses d’emplois de proximité, ce qui contribue à une synergie importante du local qui peut expliquer le succès des manifestations organisées par ces établissements. Le vieillissement est ainsi une source d’activité, et en même temps, le vieillissement des personnes est source de cercles festifs et attentionnés autour des ainés. Nous avons dit par ailleurs, que les associations d’orientation confessionnelles (qu’elles le soient ou non actuellement) s’intéressaient à la spiritualité des personnes vieillissantes. Nous l’avons souligné, ces établissements développent très peu l’aspect médicalisé et sont plus orientés vers le travail de l’âme. Elles sont enclines à passer des conventions avec l’hôpital plutôt que de médicaliser leur établissement. Ainsi, ces établissements cherchent la continuité de l’accompagnement de résidents déjà connus sans chercher à se spécialiser. Ces structures proposent une vision relativement intégrée de la vie en institution, c’est-à-dire que les espaces de repos et les espaces de vie collective (repas, espaces télévision, espaces d’activités) restent très proches géographiquement les uns des autres. Au contraire, d’autres associations séparent, dans un objectif pédagogique de différenciation des fonctions et de stimulation physique des résidents et des professionnels, les lieux d’hébergement (dans une vision hôtelière de celui-ci) des lieux de vie (des espaces d’activités), et des espaces de repas. On pourrait dire que nous avons affaire à deux logiques différentes dans la manière d’aborder la démarche d’accompagnement de la personne multihandicapée vieillissante : la première correspond à une logique sociale et familiale, la deuxième correspond à une logique éducative et thérapeutique.

§ S’agissant du deuxième cas de figure, celui des établissements privilégiant une approche territoriale, nous avons décrit, dans la présentation, une association importante de professionnels issue du secteur médical et qui développe une approche stratégique et globale en région parisienne, une logique de pôles sur un territoire qui, historiquement, a toujours accueilli de nombreuses structures pour les personnes handicapées. Aujourd’hui, le département tient à garder cette spécificité d’accueil de la population handicapée, d’où les restructurations qui sont proposées à cette association. Il s’agit d’une restructuration sur deux créneaux, l’accueil des personnes en situation de multihandicap et celui de l’accompagnement, via la médicalisation des services et des établissements, des personnes vieillissantes. Cette association a fait ce choix opportunément puisqu’elle propose une solution à la baisse d’activité de l’hôpital et au fléchissement de l’emploi local. Mais ce positionnement rapide de l’association vise aussi à ne pas se faire imposer les changements de métier, notamment avec la mise en place des ARS et pour se positionner très rapidement dans la logique d’une concurrence entre les organisations face à la logique de réponse aux appels à projets qui remplace les procédures d’instruction antérieures (Dossier CROSMS). Ces associations visent, à travers l’approche globale, à assurer la continuité de l’accompagnement global du plus jeune âge jusqu'à la fin de vie. Cette approche, construite aussi grâce aux conventions signées avec le secteur hospitalier, a pour but d’organiser des passerelles permettant au public d’évoluer d’un pôle à l’autre sans préjudice pour la continuité de son identité et pour sa trajectoire sociale et médicale. Enfin, la vision hôtelière de l’association en séparant fortement l’hébergement des lieux de vie et de restauration vise à

accentuer la stimulation motrice et à obliger le personnel à se déplacer avec les personnes polyhandicapées, à l’intérieur de parcours sensoriels qui invitent aux apprentissages ou au maintien des acquis (distinction les lieux de nuit et les lieux de jour, les saisons, le froid et le chaud, le sec et l’humide).

§ Troisième type d’institution dont nous avons parlé, celles qui proposent des approches spécialisées. La création de ces établissements fait suite au besoin d’accueil des résidents qui avaient moins de 40 ans et qui manifestent le besoin d’un accompagnement plus médicalisé du type foyer d’accueil médicalisé. Le choix de l’implantation est primordial puisqu’il s’agit de se rapprocher des hôpitaux tout en disposant d’une médicalisation sur place importante. Ces établissements se proposent explicitement pour in fine accompagner la fin de vie. Cette option ne manque pas d’orienter fortement la dynamique du management de l’établissement, ainsi que nous le verrons plus loin.

La question du vieillissement n’est pas appréhendée, on le voit, de la même manière selon les publics mais aussi selon les finalités que les organisations se donnent.

§ Un premier groupe d’organisations se donne des finalités relativement familiales à l’intérieur desquelles le vieillissement est perçu comme celui d’aînés plus que celui d’enfants. Cette vision de l’accompagnement au vieillissement des résidents prend sa source dans l’univers de la relation domestique (type de relation relevant des rapports entretenus dans le domaine familial et privé), enchâssée dans les rapports de filiation.

§ Un deuxième groupe se donne comme finalité la continuité de l’identité du résident à travers la possibilité donnée aux personnes multihandicapées d’évoluer dans le cadre d’un parcours entre différents établissements. Cette vision de l’accompagnement prend sa source dans l’univers professionnel inspiré par la conviction selon laquelle l’éducatif est le moyen de socialisation et d’autonomie du sujet (dans ce registre le résident est perçu plus comme un citoyen que comme un parent).

§ Le troisième groupe qui se donne comme finalité explicite l’accompagnement à la fin de vie prend sa source dans l’univers de l’humanisme médical et du soin, visant l’accompagnement du vieillissement en garantissant au patient le plus haut degré de confort.

’ENCADREMENT DES PROFESSIONNELS INTERVENANT AUPRÈS DES

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