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Sur les neuf établissements interrogés, trois mentionnaient dans leur projet d’établissement l’accompagnement à la fin de vie, mais un seul semble avoir développé un dispositif global d’accompagnement de la personne en fin de vie90

. Avant de le décrire, précisons quelques aspects : en règle générale, la notion de fin de vie apparaît lorsque le pronostic vital est engagé. L’accompagnement de la personne en fin de vie91 revêt un caractère programmé, ce qui le différencie du décès accidentel. Ce dernier peut être vécu sur un mode plus traumatique par les équipes dans la mesure où elles sont davantage susceptibles de se demander, sur un mode culpabilisant, si elles ne sont pas « passées à côté de quelque chose » qui les rendrait « responsables » du décès. La définition, fondatrice des politiques ultérieures en matière de fin de vie 92, est celle proposée par le Conseil économique et social en 199993 : les soins palliatifs sont des soins actifs dans une

approche globale de la personne en phase évolutive ou terminale d’une maladie potentiellement mortelle. Prendre en compte et viser à soulager les douleurs physiques ainsi que la souffrance psychologique, morale et spirituelle devient alors primordiale.

Sans doute que le flou qui entoure l’échéance de la fin de vie peut produire de la confusion entre accompagnement au vieillissement et accompagnement à la fin de vie. Sans doute serait-il utile de définir précisément ce que les uns et les autres entendent comme étant la période de la fin de vie. En général, le terme de fin de vie, nous l’avons dit, est utilisé lorsque le pronostic vital d’une personne est engagé sans qu’il y ait de termes précisément énoncés pour l’accompagnement. Cependant, par exemple, la loi portant sur la création de l’allocation d’accompagnement de la fin de vie, et qui a été adoptée par le Parlement le 16 février 2010, précise qu’elle sera versée pendant vingt et un jours au maximum à une personne interrompant son activité professionnelle pour accompagner à domicile un proche en fin de vie. Un directeur confiait par ailleurs, sur le ton de la plaisanterie, qu’il avait dans son établissement un résident « en fin de vie depuis huit ans ». La notion de fin de vie est ainsi relativement flexible et dépendante des conventions en cours. S’agissant de l’accompagnement de fin de vie, les établissements qui le réalisent sont en relation étroite avec le secteur hospitalier.

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Notons, à la décharge des établissements interrogés, que le groupe de travail « directeurs » (chercheur inclus) avait omis lors de la constitution du guide d’entretien de proposer des questions sur ce thème de l’accompagnement à la fin de vie. Ce n’est qu’à la découverte de cette omission que nous sommes retournés interroger les établissements qui spontanément en avaient parlé. Comme on pourra le constater en annexe, le questionnaire ne contient pas de questions précises sur ce sujet.

91 Plusieurs termes différents peuvent être employés pour signifier la même notion qu’est

« l’accompagnement de la personne en fin de vie ». On pourra lire, « accompagnement à la fin de vie », « accompagnement de fin de vie » pour désigner in fine la même action et les mêmes intentions.

92 Principalement, la loi n°99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins

palliatifs ; la Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie. Notons que cette loi a été complétée par le décret n°2006-122 du 6 février 2006 relatif au contenu du projet d’établissement ou de service social ou médico-social en matière de soins palliatifs.

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« L’accompagnement des personnes en fin de vie », synthèse de Donat Decisier au nom de la section des affaires sociales, lors de l’assemblée plénière des 23 et 24 février 1999.

Pour eux, la coordination avec l’hôpital va sans dire, même s’ils disposent de leur propre plateau technique médical.

Avant de rapporter précisément la pratique de l’établissement en matière d’accompagnement de fin de vie, il faut souligner que les directeurs qui en parlent ont comme même principe de considérer cet accompagnement comme un moment de projet de vie et non comme une préparation à la mort. L’établissement ne doit pas être un mouroir, tel est le sens de cette déclaration d’intention. Sur les trois établissements impliqués dans l’accompagnement de la fin de vie, deux accompagnent en leur sein les publics (multihandicapés pour l’un et trisomiques vieillissants pour l’autre) qu’ils accueillent depuis fort longtemps. Ce parti pris renvoie, comme nous l’avons vu en introduction de cette partie, au choix d’offrir au public de vieillir sur place. Mais ce choix, qui résulte du constat du vieillissement de la population, n’est pas notifié en tant que tel dans leur projet d’établissement. Il n’est sans doute pas anodin de réaliser que l’établissement ne se propose pas comme étant la dernière demeure de la personne accueillie. Alors que pour le troisième établissement, celui dont nous allons restituer les modalités d’accompagnement de la fin de vie, les aidants familiaux, et les résidents (personnes handicapées mentales) savent — plus ou moins consciemment pour les résidents — qu’ils passent la porte de leur dernière demeure (en huit ans, l’établissement compte deux réorientations pour vingt-trois décès).

Concernant cet accompagnement de fin, on peut dire que la démarche est globale et longitudinale. L’admission pour ce foyer d’accueil médicalisé peut se faire à partir de quarante ans sur orientation médicale et orientation MDPH. L’accompagnement du résident doit être obligatoirement médicalisé, raison pour laquelle le directeur est opposé à l’externalisation des soins car il devient pour lui très difficile d’organiser des déplacements des personnes vers l’hôpital pour des raisons de souffrance mais aussi de coût de transport (dans cet établissement, il y a la présence d’un médecin institutionnel). Autre critère d’admission, le résident ne doit pas être affecté de troubles du comportement au moment de son admission. De même, il ne doit pas être orienté au moment de sa fin de vie (l’établissement ne veut pas être un mouroir). Du côté des aidants familiaux, la demande de placement, outre l’éligibilité du résident, est généralement liée à leur âge (parfois à leur départ en maison de retraite, mais parfois les parents sont décédés et la fratrie n’est pas en mesure ou ne veut pas assumer l’accompagnement). Le directeur de cet établissement souligne au passage que les admissions sont encore insuffisamment préparées, les aidants familiaux formulant encore trop fréquemment leur demande d’accueil lorsque les situations sont déjà relativement dégradées et il constate la difficulté des familles à anticiper en cette matière. Les placements s’apparentent encore, pour beaucoup, à des placements en urgence (d’autres établissements soulèvent le même type de problème à savoir qu’ils réalisent des prises en charge en hébergement de longue durée pour des publics qui ont passé toute leur vie au domicile)94. L’établissement souhaite établir un projet personnalisé de vie et non un protocole de soins palliatifs. S’agissant du projet mis en place avec le résident, la partie relative à la participation à des animations (activités, spectacles, sorties, fêtes) est centrale. Cette partie se combine avec un programme d’accompagnement individualisé (éducatif et thérapeutique). En parallèle à ce projet avec le résident, le directeur sensibilise les aidants familiaux à la mise en place d’une convention d’obsèques. S’ils le souhaitent, ils peuvent être accompagnés par un psychologue de l’institution. La

94 Plusieurs directeurs insistent sur l’échec du placement lorsque celui-ci est réalisé en

urgence ou lorsqu’il est insuffisamment anticipé. Les directeurs disent assister à des décompensations sévères de la part des résidents qui sont amenés à changer de lieu de vie sans préparation et brutalement.

famille stipule ses dernières volontés. L’établissement s’attache à ce que la convention d’obsèques soit signée dans les deux mois de l’arrivée du résident. Pour les résidents, tous des majeurs protégés et ayant des tuteurs, tout est juridiquement réglé et payé dès les deux ou trois mois d’admission. Pour le directeur, cette procédure, certes difficile à vivre pour les aidants familiaux notamment, a toutefois l’intérêt d’acter que l’établissement assure bien la fin de vie et parfois, à l’occasion de la conduite de cette procédure, celle-ci donne à réfléchir aux aidants pour ce qui les concerne en matière de souhaits pour leur propre fin de vie. Le dernier souffle95, suivant les circonstances, peut avoir lieu à l’hôpital ou dans l’établissement (qui est le domicile du résident)96

. Une convention a été signée en ce sens avec l’hôpital. S’agissant plus strictement de la période de la fin de vie, le personnel chargé de l’accompagnement est volontaire et formé à cet effet, tant au niveau du portage de la personne, de la préservation de son bien- être, de son ergonomie, qu’au niveau des soins palliatifs et la gestion des « stupéfiants ». Des groupes de parole avec un psychanalyste sont organisés pour les accompagnants volontaires97. L’accompagnement de la personne en fin de vie se manifeste par une présence 24 heures sur 24 auprès de la personne, qu’elle soit à l’hôpital ou dans l’établissement, les aidants familiaux pouvant être présents s’ils le souhaitent. Il s’agit essentiellement de maintenir le lien social et affectif et d’être attentif au confort de la personne (la gestion de la douleur). L’établissement veille à la toilette mortuaire, le directeur a la charge d’annoncer le décès à l’équipe et à la famille. Une information est faite aux résidents qui peuvent venir se recueillir auprès du défunt (un autre établissement organise une journée de recueillement ouverte à tous en l’honneur du défunt, les familles qui le souhaitent peuvent y participer). Ceux qui le peuvent, et qui le souhaitent, peuvent participer à la procession. En général, c’est le directeur, lorsque la famille ne peut plus ou n’est plus là, qui s’occupe de trouver un garde-meuble en attendant la liquidation de la succession.98

95 Nous gardons cette expression qui est utilisée par plusieurs directeurs d’institutions. Elle

montre à quel point le projet est de vie et non pas de mort, car on parle bien du dernier souffle de la vie et non pas du premier souffle de la mort.

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Ce point commun avec les deux autres établissements est que le résident, autant se faire que peut, garde le choix de son dernier lieu, du lieu de son dernier souffle (qui peut dans certaines circonstances être le domicile familial).

97 Le directeur relate que la supervision psychanalytique a été mise en place dès l’ouverture

de l’établissement et a été conçue comme une formation à la gestion des émotions dans les situations d’accompagnement des premières fins de vie. L’idée étant d’accompagner les personnels à élaborer sur leurs émotions et ressentis en rapport avec la fin de vie dans une perspective « préventive » et de préparation du personnel. Cette démarche visait à préparer la pratique de la supervision centrée sur la prise en charge des émotions au moment de la fin de vie. L’une préparant l’autre au sens où le personnel n’a plus « tout l’apprentissage » qu’il y a à faire pour prendre une parole « authentique » et « sincère » dans le cadre d’une supervision d’équipe.

98 L’établissement étant leur domicile, la résolution des successions prend en moyenne un

E CRITÈRE D’INCAPACITÉ AU SERVICE DU PROCESSUS DE

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