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143 J'ai entendu relater que Schwartz enseignait en propédeutique dans le but de trier quelques surdoués qu'il puisse ensuite devenir pour lui des assistants de valeurs. En 1968,

bien qu'engagé à l'extrême gauche Schwartz à été conspué, devant mon étonnement c'est la réponse qui m'a été donnée.

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A charge égale, un agrégé gagne deux à trois fois plus que ses collègues qui

enseignent au même niveau. On va m'accuser de régler des comptes, mais j’affirme qu’en

trente cinq d'années de carrière, les agrégés, imbus de leur personne réussissaient plutôt

moins bien que leur collègues souvent bien plus proches des difficultés des élèves. Le fait

que des agrégés (j'ignore ce qui se passe maintenant, mais c'était vrai voilà encore dix ans)

puissent continuer à enseigner dans le premier cycle était scandaleux ; sans ces prof

étaient-ils en mesure de construire des cours parfaits, mais la plupart du temps incompréhensibles au

élèves. Je me permets ici une petite anecdote. Nous sommes au début des années 70, et je

donne des cours particuliers à une élève de première S ; il est convenu avec la mère que je

me borne à faire des exercices, l'adolescente est une élève sérieuse et suis convenablement

les cours. Un jour cependant l'élève me demande de lui refaire le cours. Mes souvenirs sont

précis ; il s'agit de présenter la notion d'espaces vectoriels. Ce n'est guère difficile, car à ce

Qu'est-ce que l’efficacité ?

On peut faire un exposé parfait et être totalement incompréhensible.

J'ai déjà dit, et je le répète j'ai terminé ma carrière au moment où j'étais devenu un mauvais professeur. Pas pire que les autres, mais ce n'est pas une excuse. Ma seule excuse est le désintérêt pour mon travail qui n'a fait qu'augmenter dès le début des années 90. Mais j'ai connu quelques bonnes années.

Nous sommes au début des années 70, j'enseigne au lycée d'Enghien.

Comme il est d'usage je suis convoqué par le proviseur pour prendre connaissance de l'appréciation de celui-ci sur mon travail et pour signer ma note administrative. Quelque chose comme : « très bon professeur, dévoué et efficace ». Je demande quand même quelques explications, car ce monsieur si gentil n'a jamais mis les pieds dans l'une de mes classes. « Je suis flatté par votre jugement, mais comment pouvez-vous juger de mon efficacité ? » L'homme n'est pas très causant, et d'un ton assez sec me réplique : « Nous avons suivi vos élèves et globalement ils réussissent mieux que les autres dans la classe suivante ». C'est vrai qu'à l'époque, mes rapports avec les parents sont excellents. Il faut dire aussi qu'auprès des élèves je jouis d'un certain prestige. Je suis un athlète médiocre, mais sur le plan régional je gagne de nombreuses courses du 1500m ou 20 000m. J'améliore des records départementaux, ce qui me vaut les honneurs de la presse local, et les adolescents ne font guère de différence entre le tocard qui gagne des courses de patronage et le vrai champion.

Si mes souvenirs sont exacts c'est à la rentrée suivante qu'on me fait subir ma première humiliation, le Rectorat commençant à régler leur compte aux contractuels. Le jour de la rentrée scolaire, après avoir pris connaissance de mon emploi du temps de l'année, comprenant entre 'autres deux classes terminales G, réputées difficiles, et dont les vrais professeurs ne veulent pas, un télex provenant du Rectorat m'interdit d'exercer dans le second cycle, sans s'inquiéter de me donner un complément de service. Cette histoire a une morale : l'une des classes qu'on m'a contraint à abandonner n'aura pas de professeur de math de l'année alors que le coefficient de la discipline au bac pèse assez lourds. A ma connaissance la quasi totalité des élèves de cette classe n'a pas obtenu son bac. Déclaration de l'inspecteur qui a pris la décision : « Il est plus souhaitable pour les élèves de ne pas avoir de professeur qu'un professeur non qualifié ». Il faut préciser que si ces classes m'avaient été confiées c'est que l'année précédente je m'étais bien sorti d'une classe de terminale littéraire, ce qui n'était pas évident.

Je m'excuse de m'être, dans ce paragraphe donné un rôle flatteur. Mais je règle aussi mes comptes, car deux ans plus tard je ferai au Rectorat de Versailles un procès administratif pour irrégularité dans une procédure de titularisation. Lequel Rectorat se déchargera de la procédure, ce procès sera

niveau d'étude l'élève à déjà rencontré la notion mais d'une façon implicite. Justification de la

gamine : notre prof passait son épreuve orale du CAPES (pour devenir professeur certifié), il

y avait un inspecteur et il a été obligé (le prof lui-même avait prévenu les élèves) de faire le

cours comme on lui avait demandé de le faire durant ses cours de formation. Comme me

confiait un agrégé de math au début de ma carrière : je ne refais jamais mes cours, même si

les élèves n'ont rien compris, car ils sont parfaits. Comme ceux du prof dont les élèves

passant le BEPC, n’avaient pas compris le premier mot de ce qui leur était enseigné.

donc celui d'un minable prof contre le Ministre de l'Education Nationale. Mais j'ai relaté les faits dans un autre chapitre.

Pour en revenir à notre question de départ Qu'est-ce que l'efficacité concernant l'enseignement, la réponse est la même que celle qu'on peut faire en médecine : personne ne peut répondre en connaissance de cause à cette question. Ce qui peut paraître profitable à brève échéance peut se révéler une catastrophe à long terme.

On gave les oies pour leur bouffer le foie. Dans certaines usines à former ce qu'on appelle l'élite future de la nation, on gave les cerveaux pour plus tard bouffer l'esprit et la conscience, ou ce qu'il en reste. On retrouve Mime, le précepteur de Siegfried dont l'idée fixe et de donner à celui, la force et l'arme nécessaire au héros pour tuer Fafner transformé en dragon.

Evidemment pour se rendre ensuite maître du trésor.

Dans la mythologie économique moderne c'est la main invisible145 qui dirige le marché, autrement dit qui mène le monde. Dans la tétralogie, la main invisible est celle de Wotan, qui continue après la fin du second acte de Siegfried à être omniprésent. Mais tout cela a été suffisamment évoqué dans les livres précédents. C'est Wotan qui conduit le destin du jeune Siegfried.

Wotan durant le Crépuscule des Dieux n'est plus qu'une entité qui hante le Walhall, sans aucun but. Cette entité on la retrouve aujourd'hui comme une puissance désincarnée qui à l'instar du dieu ne sait plus ce qu'elle représente.

Mais je pêche par anthropomorphisme, car cette entité ne pense pas, ne représente plus rien. Elle est une chose obscure, sans consistance, sans nom, derrière qui se retranchent tous ceux qui à un moment donné se saisissent du pouvoir. Naguère cette entité portait un nom, elle était incarnée par un être de chair, le Roi dont le pouvoir était donné par Dieu. Aujourd'hui on veut nous faire croire que c'est une incarnation du peuple, que nous sommes, nous une

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Cette main invisible me remet en mémoire un épisode des aventures de Zadig. Au cours de son vagabondage celui-ci rencontre un ermite à la barbe blanche, avec qui il poursuit son chemin. Un soir l'asile leur est offert par un hôte raffiné qui les comble d'attention. Le lendemain, l'ermite retrouve Zadig de très bonne heure et lui déclare vouloir remercier leur hôte du chaleureux accueil qu'ils ont reçu ; puis saisissant une torche il met le feu à la maison dont il ne reste aussitôt qu'un tas de cendre. Scandalisé, mais subjugué, Zadig continu son chemin avec l'ermite. Ils arrivent ainsi, et sont hébergés, chez une « veuve charitable et vertueuse qui avait un neveu de quatorze ans, plein d'agréments et son unique espérance » ... le jeune neveu raccompagne les deux compères pour leur éviter les embûches d'un pont chancelant. " venez dit l'ermite, il faut que je marque ma reconnaissance à votre tante.". Il saisit alors l'adolescent par les cheveux et le précipite dans la rivière. « O monstre ! O le plus scélérat de tous les hommes ! S'écrit Zadig», et l'ermite de répliquer : « Vous m'aviez promis plus de patience...apprenez que sous les ruines de la maison où la providence a mis le feu, le maître a trouvé un immense trésor, apprenez que le jeune homme dont la providence a tordu le cou aurait assassiné sa tante dans un an, et dans deux...». Puis l'ermite se métamorphose, il est l'ange Jesrad, envoyé de Dieu. Etonnant de la part du libre penseur qu'était sensé être Voltaire ; mais là n'est pas la question. On trouve ici le maître argument de tous les mystificateurs de l'humanité : vous pensez que nous agissons mal, mais en fait la souffrance que nous vous infligeons apportera le bien...plus tard. La version moderne de la maison incendiée est la suivante : le propriétaire périt dans les flammes ainsi que ses héritiers

; un promoteur achète la ruine et les terres qui l'entourent pour une bouchée de pain. Il y

construit un immense complexe de maisons d'hôtel et de commerces et réalise ainsi une

colossale fortune. Et tout cela grâce à la main invisible. dejavu

partie de cette entité, mais c'est une farce, et malheur à ceux qui ne veulent pas être dupes.

Devant une telle imposture comment pouvons-nous croire que les tenants du pouvoir ont, vis à vis des citoyens d'un pays qu'autres motivations que de créer des esclaves au service de ce pouvoir, ou plus exactement de ceux qui l'incarnent. Le jeu démocratique, c'est la douce comptine qu'on chante aux citoyens pour les faire dormir et rêver du monde illusoire qu'on leur promet.

L'efficacité c'est finalement ce qui permet le meilleur sommeil.

Dormez, rêvez, nous nous occupons du reste.

Je voudrai quand même conclure sur une note plus optimiste.

Exactement comme il existe des remèdes et des soins efficaces pour les vrais malades, il existe encore de nombreux secteurs de l'éducation où l'enseignement est largement à la hauteur de sa tâche. D'abord l'enseignement élémentaire où les instituteurs continus à avoir un rôle essentiel. Leur dévouement et leur compétence jusqu'aux années 1990146 ont permis de continuer à donner aux jeunes cerveaux les bases nécessaires à leur développement ultérieur. Les enseignants du second degré ne se gênent pas pour mettre en cause dans les échecs scolaires des collégiens la compétence de ces maîtres des écoles. Mais ils feraient mieux de balayer devant leur porte. C'est d'ailleurs une constance dans le comportement des enseignants de toujours mettre leurs propres échecs sur le dos de ceux qui les ont précédés dans leurs tâches éducatives147. Sans doute ne trouve-t-on pas parmi les jeunes diplômés d'aujourd'hui le même dévouement que chez leurs aînés, mais peut-être faudrait-il voir du côté de la formation. En effet voici encore 40 ans, la plupart des instituteurs et des professeurs de collèges se formaient sur le tas, ce qui était manifestement la meilleure méthode. Dejavu depuis un moment

On avait confié à une institutrice148 que je connaissais fort bien une classe pour le moins difficile : des gamines liées par l'obligation scolaire de 14ans, ne pouvant prétendre, ni au certificat d'étude de l'époque (nous sommes à la fin des années 60), ni à l'entrée au collège. Se pointe un inspecteur primaire, qui devant le désarroi de l'enseignante se propose de lui donner des conseils. Celui prend même la classe en main et s'évertue durant une bonne demi-heure à forcer la compréhension des adolescentes. Puis il interroge quelques élèves. Consternation du pauvre homme, celles-ci n'ont pas compris un seul mot de son discours portant joliment tourné. Puis

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La situation semble actuellement se dégrader, mais la faute en incombe à la

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