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ARRIERE-PLAN THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

3. L’écriture romanesque, entre témoignage et engagement

4.2. Enonciateur/ Co-énonciateur

Dans les approches énonciatives en linguistique et en analyse du discours, la notion d’énonciateur est capitale malgré l’instabilité de sa valeur en raison des relations qu’elle entretient selon D. Maingueneau, avec d’autres notions analogues comme locuteur, sujet parlant, point de vue (Maingueneau ,2002 : 224).

Dans une perspective de distinction entre locuteur et énonciateur, Siouffi souligne que : « le locuteur est l’auteur de l’acte de parole, celui qui produit véritablement, matériellement, l’énoncé, alors que l’énonciateur est celui à qui est attribuée l’énonciation dans l’énoncé» (Siouffi et Raemdonck, 2009 : 144). Le concept a connu son statut avec Culioli qui l’associe à celui de

co-énonciateur. De ce fait, la notion d’énonciation est également associée à celle

de co-énonciation ; une interaction s’impose entre les deux protagonistes puisqu’ils participent tous les deux à l’acte de la communication verbale.

Toutes les définitions du concept énonciateur s’accordent qu’il est l’une des deux coordonnées de la situation d’énonciation. C’est un élément essentiel du système de repérage lui-même occupant une place importante dans la théorie de l’énonciation.

L’édification de l’énonciateur se fait à partir du locuteur, élément avec lequel il ne doit pas être confondu. Il entretiendra d’abord une relation de repérage avec le locuteur puis avec le co-énonciateur, qui s’édifie également par rapport au locuteur. Les deux relations étant de caractère altérable, donnent lieu à la représentation des différentes postures énonciatives du locuteur par rapport à son énoncé.

En théorie de l’énonciation le concept énonciateur diffère de celui de locuteur; élément pertinent chez E. Benveniste vu l’emploi très rare du premier.

35 4.3. Subjectivité/ Intersubjectivité

Le langage ne peut se limiter à la simple fonction de moyen ou

instrument impartial chargé uniquement de transmettre un message ou des

informations. Il se pose aussi comme une activité entre deux protagonistes, acteurs ou animateurs de la communication : un locuteur et un allocutaire, où le premier se situe par rapport au second, en fonction de son énoncé, au monde ainsi qu’aux autres énoncés; c’est-à-dire du passé et de l’avenir. D. Maingueneau, signale ce fait, comme une activité qui laisse des traces de son énonciation dans son énoncé. Le discours est une prise en charge : le discours n’est discours que s’il est rapporté à une instance qui, à la fois se pose comme source des repérages personnels, temporels et spatiaux et indique quelle attitude il adopte à l’égard de ce qu’il dit et de son interlocuteur (processus de modalisation). Le locuteur peut moduler son degré d’adhésion en rattachant la responsabilité à quelqu’un d’autre par exemple. Il peut commenter sa propre parole, faire des remarques, des observations, convaincre, etc. Il peut même signaler à son interlocuteur qu’il fait mine tout simplement de le divertir. Le langage est donc expressif, il est le véhicule de la pensée affective. K. Orecchioni, en poursuivant la démarche de Benveniste, explique dans son ouvrage l’énonciation que les paroles sont aussi des actions : dire, c’est sans doute transmettre à autrui certaines informations sur l’objet dont on parle, mais c’est aussi faire, c’est-à-dire tenter d’agir sur son interlocuteur, voire sur le monde environnant. La parole elle-même est donc action. Elle tente d’étendre la liste des marques de la subjectivité dans le langage qu’elle nomme subjectivèmes, et ce, en précisant la différence entre les déictiques, les termes affectifs, les évaluatifs, les modalisateurs, entre autres. Elle dégage également les importantes ambiguïtés existant entre les deux notions paradoxales: subjectivité/ objectivité.

E. Benveniste qui réussit à faire de la phrase et du discours l’objet d’une discipline qui s’est imposée en linguistique, souligne que discours est proche

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d’énonciation et ajouter que : « pour que la parole assure ‘’communication’’, il faut qu’elle y soit habilitée par le langage dont elle n’est que l’actualisation » (Benveniste, 1966 : 259).

C’est en effet, dans et par le langage que l’homme se constitue comme sujet d’où le fondement d’une réalité basée sur l’être ; l’égo. On désigne par l’énonciation, les traces linguistiques de la présence du locuteur au sein de son énoncé, c’est-à-dire tous les phénomènes de la subjectivité dans le langage. Il définit cette dernière comme étant :

La capacité du locuteur à se poser comme ‘'sujet’’. Elle se définit, non par le sentiment que chacun éprouve d’être lui-même (ce sentiment, dans la mesure où l’on peut en faire état, n’est qu’un reflet, mais comme l’unité psychique qui transcende la totalité des expériences vécues qu’elle assemble, et qui assure la permanence de la conscience. (Benveniste, 1966 : 259,260).

Le langage est la possibilité de la subjectivité du fait qu’il recèle toujours les formes linguistiques appropriées à son expression et le discours quant à lui, provoque la manifestation de cette subjectivité du fait qu’il consiste en instances discrètes.

L’expérience humaine n’appartient pas à un être isolé ou coupé du monde, mais elle est celle d’un être en perpétuelle relation avec l’Autre. C’est pourquoi, l’Autre est toujours présent dans la conscience de l’être.Le sujet, ne peut se constituer et constituer son univers que dans et par son rapport à autrui. Dans le cadre du discours qui est la langue en tant que prise en charge par l’homme, il s’avère que l'intersubjectivité seule rend envisageable l’acte de la communication. Aubert souligne à ce propos :

Le terme d’intersubjectivité désigne, de prime abord, tout autant une relation entre deux sujets connaissant qu’une interaction entre des acteurs. Ce qui explique que Husserl mette l’accent

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sur l’aspect cognitif de l’intersubjectivité, tandis que Fichte s’intéresse à l’action réciproque. Alors que ces auteurs développent chacun une position bien distincte, Habermas tente, quant à lui, de lier ces deux aspects en faisant de la communication une action, où le langage sert de médium pour reconnaître autrui et coopérer avec lui. (Aubert, I : 2008).

La notion d’intersubjectivité renvoie aussi bien à la relation présente entre les deux protagonistes de l’acte de communication, l’énonciateur et son co-énonciateur que l’interaction générée suite à l’échange langagier entre les deux. Benveniste qui soutien l’idée souligne:

… la possibilité même du discours » est déterminée par ‘’ l’expérience centrale ‘’, ‘’ l’expérience essentielle’’ de l’intersubjectivité ; dont on ne conçoit pas que l’instrument puisse jamais manquer à une langue (…) Dès que le pronom je apparaît dans un énoncé où il évoque — explicitement ou non — le pronom tu pour s’opposer ensemble à il, une expérience humaine s’instaure à neuf et dévoile l’instrument linguistique qui la fonde. (Benveniste, 1974 : 68).

J.P.Sartre cité par Sylvie Courtine-Denamy dans son article intitulé Altérité, philosophie, souligne qu’il faut que le sujet, sous le prisme de l’intersubjectivité, ne doit pas être coupé et isolé du monde, car l’Autre existe comme l'autre conscience, "c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi" 1.

En praxématique, et dans une perspective de l’actualisation des marques de la subjectivité dans le langage, J.M. Barbéris, précise que : actualisation et subjectivité relèvent de la dimension processuelle de l’activité du langage :

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l’actualisation de l’énoncé construit une représentation du réel et que la subjectivité ancre le dire dans la dynamique co-énonciative.