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C R EGULATION T RANSCRIPTIONNELLE PAR LES E2F S

Les facteurs E2Fs régulent des ensembles de gènes distincts mais superposables. Les approches d’Immunoprécipitation de Chromatine (ChIP) ont permis d’identifier des cibles qui sont exclusivement régulées par un seul membre de la famille E2F, et d’autres qui sont « co régulées » par plusieurs E2Fs (Chen et al, 2009). Ainsi, il apparaît que certains E2Fs ont des « fonctions antagonistes » au niveau de la régulation de certaines cibles. Ce mode de régulation a été d’abord décrit chez la Drosophile (Frolov et al, 2001). Dans ce modèle animal, la régulation transcriptionnelle par les E2Fs est simplifiée du fait qu’il ne possède que deux gènes e2f, codant pour un facteur dE2F1 activateur et un facteur dE2F2 répresseur. Les activités de deux facteurs sont antagonistes in vivo.

Cependant ce mode de régulation binaire : positif ou négatif en fonction du type de E2F engagé, s’avère en réalité beaucoup plus souple et complexe chez les mammifères. La spécificité de l’activation ou de la répression exercée par un facteur E2F est dictée par la nature des cofacteurs qu’il est capable de recruter et du contexte génétique (Balciunaite et al, 2005; Iwanaga et al, 2006; Wells et al, 2003). Plusieurs membres de la famille E2F ont été décrits comme activant ou réprimant la transcription selon le contexte cellulaire. Notamment E2F1, qui est principalement connu pour activer l’expression de nombreux gènes du cycle cellulaire, est aussi capable de réprimer la transcription d’un nombre équivalent de gènes (Ma et al, 2002; Muller et al, 2001; Young et al, 2003). De façon étonnante, la répression exercée par E2F1 s’est révélée être parfois directe et indépendante de pRb (Koziczak et al, 2000; Weinmann et al, 2001). Inversement, lorsque surexprimés, les facteurs répresseurs E2F4 et E2F5 peuvent s’associer avec certains coactivateurs et peuvent stimuler la transcription de gènes cibles (Ginsberg et al, 1994; Morris et al, 2000). Il a aussi été montré qu’E2F4 peut

réguler l’expression de certains gènes pendant la phase G1 sans faire appel à la famille des protéines pRb (Balciunaite et al, 2005).

Dans les deux parties qui suivent, seront détaillés les mécanismes les plus communs de régulation de la transcription par les facteurs E2Fs, en association ou pas avec les protéines pRb.

Figure 6. Régulation du cycle cellulaire par les différents E2Fs.

Ce diagramme montre le spectre et la localisation subcellulaire des complexes E2F/« pocket proteins » de la phase G0 (quiescence) à la fin de la phase G1 (point de restriction). L’abondance relative de chaque complexe est proportionnelle à la taille des modules du schéma. Chaque complexe contient une unité DP, mais elle a été exclue dans un but de clarté. (d’après Trimarchi & Lees, 2002)

1. Répression de la transcription

Pendant les phases G0 (cellules quiescentes) et G1, les protéines pRb sont dans un état hypophosphorylé. Sous cette forme, elles se lient aux facteurs E2F1 5 au niveau des promoteurs cibles et verrouillent la transcription des gènes selon deux mécanismes distincts (Figure 7).

Le premier mécanisme de répression par les protéines pRb est dit « passif ». Les protéines pRb s’associent aux facteurs E2F au niveau des promoteurs cibles (Figure 7). Elles se lient à un motif de 18 acides aminés au sein du domaine de transactivation E2F. Cette interaction bloque la capacité des facteurs E2F à recruter la machinerie de base de la transcription (Helin et al, 1993; Verona et al, 1997). Les facteurs E2F sont considérés dans ce contexte comme des répresseurs « passifs » : ils occupent les sites de liaisons E2F au niveau des promoteurs, mais ne sont pas capables d’activer l’expression des gènes.

Figure 7. Mécanisme général du contrôle de l’activité répressive des E2Fs.

La répression de la transcription par l’association de pRb aux E2Fs peut se faire selon deux mécanismes. Le mécanisme de répression « passive » se fait par la liaison de pRb au domaine de transactivation des E2Fs, ce qui empêche le recrutement de la machinerie de transcription par les E2Fs au niveau des promoteurs des gènes cibles. Le complexe E2F/pRb peut renforcer la répression dite alors « active » par le recrutement d’histones déacétylases (HDACs) ou méthylases. La protéine pRb est également capable de réguler l’activité d’E2F1 par une interaction additionnelle qui inhibe la capacité d’E2F1 à lier l’ADN. L’entrée dans le cycle cellulaire est dépendante de l’activation séquentielle des complexes Cdk4/6–cycline D et Cdk2–cycline E qui phosphorylent pRb et provoquent la libération des E2Fs. Les E2Fs activateurs peuvent alors recruter des complexes de remodelage de la chromatine et le complexe basal de transcription. (d'après Trimarchi & Lees, 2002)

Le deuxième mécanisme de répression est dit « actif ». Au niveau des complexes Rb/E2F formés sur les promoteurs cibles, les protéines pRb peuvent recruter plusieurs cofacteurs de remodelage et de modification de la chromatine tels que des histones déacétylases (« HDACS »), des histones / ADN méthyl transférases (SUV39H10, DNMT1, PRMT5), les complexes SWI/SNF, BRM/BRG1, CtIP/CtBP (Figure 7) (pour revue DeGregori & Johnson, 2006). Ces complexes protéiques verrouillent la transcription et empêchent l’association d’activateurs en cis. Le complexe répresseur recruté est spécifique et dépend du promoteur du gène et du contexte cellulaire (par exemple, des cellules quiescentes versus des cellules différenciées).

Ces deux mécanismes de répression peuvent convertir les hétérodimènes E2F DP activateurs en membres d’un complexe répresseur. Cependant, à ces stades du cycle cellulaire (phases G0 et G1), les facteurs répresseurs E2F4 et E2F5 sont les plus abondants et sont nucléarisés grâce à leur association avec les protéines pRB et DP (Figure 6) (Verona et al, 1997).

De façon particulière, la protéine pRb est également capable de réguler l’activité du facteur E2F1 par une interaction additionnelle qui inhibe la capacité d’E2F1 à lier l’ADN (Figure 7) (Dick & Dyson, 2003). Ce type de régulation ne se fait pas sur les autres membres de la famille E2F.

Les membres E2F6 8, plus récemment identifiés, répriment l’expression des gènes indépendamment d’une association avec les protéines pRb (Christensen et al, 2005; Di Stefano et al, 2003; Gaubatz et al, 1998).

Le facteur E2F6 exerce sa fonction en s’associant aux répresseurs transcriptionnels de la famille du Polycomb. Ces répresseurs sont impliqués dans la régulation des gènes Hox, au moment du développement embryonnaire (Gould et al, 1997).

Les facteurs E2F7 et E2F8 sont capables de former des homodimères ou des hétérodimères qui peuvent réprimer la transcription de gènes. Les cibles de ces facteurs sont principalement impliquées dans le cycle cellulaire et l’embryogenèse (Li et al, 2008). A ce jour, les corépresseurs associés à ces deux facteurs ne sont pas encore connus.

2. Activation de la transcription par les facteurs E2Fs

Quand les cellules rentrent dans le cycle, les protéines pRb sont phosphorylées et perdent leur capacité à lier les facteurs E2Fs (Harbour et al, 1999). Parallèlement, les niveaux des facteurs E2F1 3 augmentent au fur et à mesure que la transition G1/S approche, alors que les facteurs E2F4 5 sont exportés hors du noyau (Figure 6). Les facteurs E2F1 3a libres peuvent alors activer les promoteurs cibles en fin de phase G1 et en phase S. Ce pic d’activation transcriptionelle par les E2Fs est atténuée en phase G2 en raison : 1) de modifications post traductionnelles qui entraînent la séparation du dimère actif E2F/DP et qui induisent l’adressage des sous unités E2Fs au protéasome où elles seront être (Dynlacht et al, 1994; Marti et al, 1999; Xu et al, 1994) ; 2) par l’activité des répresseurs E2F6 8 qui exercent leur effet indépendamment des protéines pRb et DP (Li et al, 2008).

L’activation de la transcription par les facteurs E2F1, E2F2 et E2F3a (en association avec les protéines DP) se fait via le recrutement du facteur TFIID, du complexe basal de transcription. Le facteur TFIID peut se fixer alors au niveau de la boîte TATA, première étape nécessaire au recrutement de l’ARN Polymérase II. Les facteurs E2Fs activateurs recrutent également des coactivateurs et des complexes de remodelage de la chromatine, tels que p300/CBP, TRAPP, GCN5, Tip60 et ACTR/AIB1 (Figure 7) (pour revue DeGregori & Johnson, 2006). L’association avec des enzymes de modification des histones (principalement des histones acétyle transférases) permet de changer la conformation de la chromatine, dans le but de la rendre « ouverte » et accessible aux facteurs d’initiation de la transcription.