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B L A FAMILLE E2F CHEZ LES EUCARYOTES SUPERIEURS

Chez les mammifères, la famille E2F comprend huit gènes (e2f1 à e2f8), qui expriment neuf protéines E2F différentes (Figure 4). Le gène e2f3 code pour deux protéines, E2F3a et E2F3b, selon l’utilisation de deux promoteurs alternatifs (He et al, 2000; Leone et al, 2000).

Le point de plus forte similarité entre les différents E2F se situe au niveau de leur domaine de liaison à l’ADN, ce qui est en accord avec le fait que chaque E2F est capable de reconnaître la même séquence consensus. L’activité des différents E2F semble s’exercer sur différents ensembles de gènes. Toutefois, de nombreuses données montrent que ces ensembles de gènes se chevauchent. La spécificité d’un des membres E2F par rapport à un gène donné peut être dictée par la séquence ADN environnant le consensus et par l’interaction avec d’autres facteurs de transcription fixés au niveau d’éléments régulateurs proches (DeGregori & Johnson, 2006).

Les membres de la famille E2F sont traditionnellement classés dans trois sous familles sur la base de leur activité transcriptionnelle, leur structure et leur interaction avec la famille des protéines pRb. Cette classification récurrente dans la littérature va être détaillée dans les parties qui suivent (pour revue : Chen et al, 2009; DeGregori & Johnson, 2006; Dimova & Dyson, 2005) ; bien qu’un nombre grandissant de données montre que cette classification est réductrice et que la régulation transcriptionnelle par certains E2F est plus complexe.

1. Les E2Fs activateurs

De façon générale, E2F1, E2F2 et E2F3a sont considérés comme faisant partie du sous groupe des E2Fs « activateurs », leur fonction étant principalement associée à l’activation de la transcription de leurs gènes cibles.

Les gènes e2f1, e2f2 et e2f3 sont situés respectivement dans les chromosomes 20 (20q11.2), 1 (1p36.12) et 6 (6p22.3) et ils codent pour trois protéines nucléaires d’un poids moléculaire d’environ 45 50kDa. Leur expression est régulée au cours du cycle cellulaire : un pic d’expression est observé en fin de phase G1 et en début de phase S après stimulation

mitogène. Ce pic est suivi d’une forte décroissance en fin de phase S, principalement due 1) à la perte de la stimulation transcriptionnelle sur leurs gènes ; 2) et à des modifications post traductionnelles des facteurs, imposées par le complexe E3 ubiquitine ligase SKP2, qui les adressent au protéasome (Marti et al, 1999) (Figure 5).

Figure 4. La famille de facteurs de transcription E2F chez les eucaryotes supérieurs.

La famille de facteurs de transcription E2F est définie par le domaine de liaison à l’ADN conservé (DBD, en rouge). La famille est traditionnellement divisée en E2Fs activateurs (E2F1 3a), E2Fs répresseurs (E2F3b 5) et E2Fs atypiques (E2F6 8). La plupart des membres de la famille E2F (E2F1 6) se lie à l’ADN sous forme d’hétérodimère en association avec une des trois protéines DP. L’hétérodimérisation fait intervenir les domaines leucine zipper (LZ, en gris foncé) et « Marked Box » (MB, en gris foncé). Le motif de liaison aux « pocket proteins » (RB, en bleu clair) se trouve au niveau du domaine de transactivation (en bleu clair) des E2F1 5. E2F1 3 possèdent un NLS (en orange) et un domaine de liaison à la cycline A (CycA, en jaune). E2F4 et E2F5 ont un signal d’export nucléaire bipartite (NES, en en bleu). E2F6 8 ne possèdent pas une extrémité COOH canonique et ne peuvent donc pas lier les protéines pRb. Les deux isoformes de E2F3 sont produites à partir de deux promoteurs alternatifs, alors que les deux isoformes de E2F7 sont produites par épissage alternatif d’un même transcrit. (adapté de Chen et al, 2009)

Structuralement, les E2Fs activateurs contiennent une NLS dans leur extrémité N terminale, qui leur confère une localisation nucléaire. Ils possèdent également plusieurs domaines d’interaction protéine protéine : un domaine d’interaction avec les protéines Cycline A et p53 (Braithwaite et al, 2006) (les deux protéines sont en compétition au niveau de ce site de liaison, sous le nom de CycA au niveau de la Figure 4), un domaine de dimérisation avec les cofacteurs DP (leur rôle sera détaillé par la suite) et une « Marked Box » (motif de liaison avec d’autres partenaires protéiques). Enfin, dans leur extrémité C terminale, on trouve le domaine de transactivation et au sein de celui ci, le motif de liaison aux protéines pRb (Figure 4). Les E2Fs activateurs interagissent uniquement avec la protéine pRb.

2. Les E2Fs répresseurs

Le deuxième sous groupe comprend les facteurs E2F3b, E2F4 et E2F5, qui sont considérés comme les E2Fs « répresseurs ». Ils ont une faible capacité à activer la transcription quand ils sont surexprimés. Par contre, ils fonctionnent comme des puissants répresseurs de la transcription en association aux membres de la famille pRb.

Le facteur E2F3b est issu du même gène que l’activateur E2F3a, mais est transcrit à partir d’un promoteur alternatif (Leone et al, 2000). L’expression d’E2F3b est constante au cours du cycle cellulaire. Structurellement, ils ne diffèrent que par leur extrémité N terminale. Comme E2F3a, le facteur E2F3b se lie uniquement à pRb.

Les gènes e2f4 et e2f5 sont localisés sur les chromosomes 16 (16q22.1) et 8 (8q21.2) respectivement, et codent pour des protéines d’un poids moléculaire proche de 40kDa. Elles sont exprimées de façon constitutive au cours du cycle cellulaire, mais leur activité de répression de la transcription est principalement exercée dans les cellules quiescentes et en début de phase G1 (Figure 5). A défaut d’une expression transitoire, la régulation de l’activité des facteurs E2F4 et E2F5 se fait au niveau de leur localisation : ils sont exportés au cytoplasme en raison de la présence d’une NES (« Nuclear Export Signal ») dans leur séquence. La liaison avec les protéines DP ou pRb est alors nécessaire pour leur import dans le noyau où ils peuvent exercer leur fonction (Trimarchi & Lees, 2002).

Structurellement, les E2F4 et E2F5 possèdent un domaine de dimérisation avec les cofacteurs DP, une « Marked Box » et dans leur extrémité C terminale, un domaine de

transactivation superposé du motif de liaison aux protéines pRb (Figure 4). E2F4 est capable de s’associer aux trois « pocket proteins » (pRb, p107 et p130) alors qu’E2F5 ne s’associe qu’avec la protéine p130 (Gaubatz et al, 2000; Moberg et al, 1996).

Figure 5. Expression et activité des E2Fs au cours du cycle cellulaire chez les eucaryotes supérieurs.

L’expression des gènes cibles des E2Fs (courbe orange) est régulées par les différents E2Fs au cours du cycle cellulaire (a) en fonction de l’accumulation des E2Fs et leur association aux « pocket proteins » et à des complexes corépresseurs (CoR) ou coactivateurs (CoA) (b). Le pic d’activation transcriptionnelle des gènes cibles des E2Fs en fin de phase G1 et suivi de la mise en place du processus de réplication de l’ADN en phase S (courbe en pointillées). (d’après Chen et al, 2009)

3. Les E2Fs atypiques

Les derniers E2Fs, E2F6, E2F7 et E2F8, sont classés dans le sous groupe des E2Fs « atypiques », principalement par leur divergence de structure par rapport aux E2F1 5. De façon générale, les facteurs E2F6, E2F7 et E2F8 sont responsables de la répression de la transcription de leurs gènes cibles, par d’autres mécanismes que l’association avec les protéines pRb. Ils ont été identifiés plus récemment et pour cela il y a moins de données les concernant.

Le gène e2f6, le premier de ce groupe à être identifié (Trimarchi et al, 2001), se situe dans le chromosome 2 (2p25.1) et code pour deux variants d’épissage de 30kDa et 20kDa. La protéine contient le domaine de liaison à l’ADN conservé dans les autres membres de la famille E2F, ainsi que le domaine d’interaction avec les protéines DP et la « Marked Box » (Figure 4). Cependant le domaine de transactivation est tronqué et la protéine ne porte plus le motif de liaisons aux protéines pRb. Il semblerait que le facteur E2F6 ait une activité

inhibitrice redondante avec celle d’E2Fs répresseurs tels qu’E2F4 au niveau de la cellule quiescente.

Quant à E2F7 et E2F8, ils sont à eux deux une nouvelle classe d’E2Fs. Les gènes e2f7 et e2f8 se localisent respectivement sur les chromosomes 12 (12q21.1) et 11 (11p15.1). Il existe deux isoformes d’E2F7 issues d’épissage alternatif, avec un poids moléculaire de 100kDa et 80kDa. Le gène e2f8 code pour une seule protéine de 95kDa. Moins étudiés, E2F7 et E2F8 sont retrouvés associés aux promoteurs en fin de phase S et en phase G2. Ceci suggère qu’E2F7 8 continuent à exercer une fonction de répression de la transcription (contrôle négatif) alors que les autres E2Fs répresseurs sont inactivés suite à l’inhibition de leur association avec les protéines Rb (Christensen et al, 2005; Di Stefano et al, 2003) (Figure 5). Structurellement, ces E2Fs ne possèdent pas de domaines de transactivation et d’interaction avec les protéines pRb et DP, mais sont tout de même capables de se lier à l’ADN. Ils n’ont en commun avec les autres E2Fs que le domaine de liaison à l’ADN, en tandem au niveau de leur séquence, ce qui semble compenser la perte de la liaison aux protéines DP (Figure 4).

4. Les cofacteurs DP

Les facteurs E2F1 à E2F6 nécessitent la dimérisation avec l’une des 3 protéines DP pour que leur activité transcriptionnelle soit fonctionnelle et pour que la liaison à l’ADN soit de forte affinité (Bandara et al, 1993; Milton et al, 2006; Ormondroyd et al, 1995; Rogers et al, 1996; Wu et al, 1995). Cependant, l’activité transactivatrice et la fonction de l’hétérodimère sont déterminées par la sous unité E2F. C’est pour cela que des abus de langage sont retrouvés dans la bibliographie, réduisant l’appellation de l’hétérodimère au facteur E2F associé. D’autant plus que le rôle des différentes sous unités DP dans la modulation de l’activité E2F n’est pas entièrement compris.

Chez l’Homme il existe trois gènes TFDP : TFDP1 (13q34), TFDP2 (3q23) et TFDP3 (Xq26.2), qui codent pour trois protéines nucléaires DP1, DP2/3 (incluant cinq isoformes issues d’épissages alternatifs) et DP4, d’un poids moléculaire compris entre 45 50kDa. Les différentes protéines DP diffèrent principalement par des expressions tissu spécifiques. Elles sont structurellement et fonctionnellement très proches. De plus, les cofacteurs DP présentent une homologie structurale avec les facteurs E2Fs : ils possèdent une NLS au niveau de leurs

extrémités N terminales, un domaine de liaison à l’ADN et un domaine de dimérisation (Figure 4).