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A A CTIVATION D ’E2F1 EN R EPONSE AUX D OMMAGES A L ’ADN

1. Fonction transcriptionnelle d’E2F1 dans les points de contrôle et dans

la réparation de l’ADN

Les points de contrôle sont des voies moléculaires qui à un stade précis, lient la progression du cycle cellulaire au maintien de l’intégrité de l’information génétique de la cellule. Ce sont freins qui peuvent être activés en réponse à des stress extracellulaires, mais aussi intracellulaires tels que des lésions de l’ADN.

La signalisation des dommages à l’ADN consiste en une réponse moléculaire extrêmement conservée. Schématiquement, le système de surveillance de l’intégrité de l’ADN est organisé en trois niveaux : des détecteurs, qui sont sensibles aux anomalies de l’ADN (mais aussi, aux défauts du cytosquelette ou aux perturbations métaboliques) ; les messagers, qui sont généralement des protéines kinases et des molécules régulatrices ou adaptatrices ; des effecteurs, qui modifient directement les molécules impliquées dans le cycle cellulaire, la réplication et la réparation de l’ADN, ou l’apoptose. En cas d’anomalie, ces mécanismes stoppent la progression du cycle cellulaire, en même temps qu’ils activent des processus de réparation de l’ADN et de mort cellulaire par apoptose.

Chez les mammifères, en présence de dommages à l’ADN, la cascade de phosphorylations est initiée par deux kinase de la superfamille des Phosphatidylinositol 3 kinases : ATM (« Ataxia Telangectasia Mutated ») et ATR (« ATMRad3 related »). ATM est essentiellement activée suite aux cassures double brin causées par des radiations ionisantes,

alors que ATR est capable de répondre aussi aux radiations ultraviolettes (UV) et à l’arrêt de la fourche de réplication (Osborn et al, 2002). Ces deux kinases transduisent le signal à des cibles effectrices en aval de la cascade de signalisation et aux deux kinases des points de contrôle, Chk1 et Chk2, qui provoquent rapidement l’arrêt du cycle cellulaire (pour revue Shiloh, 2001; Smith et al, 2010).

Un grand nombre de gènes intervenant dans la réparation de l’ADN (RPA1 3, RAD51/54, MSH2/6, et MLH1), la recombinaison et les points de contrôle des dommages à l’ADN (BRCA1/2, ATM, Chk1, TP53) a été isolé lors de cribles cherchant à identifier des promoteurs cibles d’E2F1 (Ishida et al, 2001; Polager et al, 2002; Ren et al, 2002). Il semblerait que ces gènes soient différemment régulés par E2F1 selon le contexte cellulaire.

L’expression d’une partie de ces gènes est régulièrement induite au cours du cycle cellulaire, suite à la libération du facteur de transcription E2F1 par pRb en approchant la transition G1/S. L’accumulation de ces protéines prépare la cellule à de possibles événements délétères ou à des réarrangements génomiques lors de la réplication de l’ADN ou la ségrégation des chromosomes, qui activeraient les points de contrôle (Myung et al, 2001). Ainsi, dans les cellules non stressées la régulation positive des ces protéines fait partie de la progression normale du cycle cellulaire. Dans ce sens, la kinase Chk1 s’accumule en phase S dans des cellules non stressées en division et garantit que la réplication de l’ADN a été complétée avec succès, avant d’entrer en phase M (Bartek & Lukas, 2003). La régulation de l’expression de Chk1 par E2F1 dans ce cas est un moyen que la cellule se donne pour contrôler la succession harmonieuse des phases du cycle cellulaire. De la même manière, l’expression des caspases 3, 7 et 9 est naturellement activée par E2F1 à approche de la transition G1/S, sans pour autant déclencher l’apoptose (Nahle et al, 2002). Les caspases nécessitent d’être clivées pour être catalytiquement actives. Si les cellules sont exposées à un stress génotoxique important, la cascade de signalisation peut alors induire le clivage et l’activation des caspases accumulées pour déclencher rapidement l’apoptose, sans attendre la boucle d’activation transcriptionnelle pro apoptotique. E2F1 n’induirait donc pas l’apoptose dans des conditions physiologiques, mais préparerait les cellules à la possible survenue d’un stress.

D’autres cibles des points de contrôle, notamment pro apoptotiques tels que p73 et Apaf 1, ne voient leur expression activée par E2F1 que de façon ponctuelle, en réponse à un stress génotoxique (Komori et al, 2005; Pediconi et al, 2003). Cette activité serait abolie dans

les cellules non stressées par la présence de facteurs de survie ou de croissance, et plus précisément par la voie de signalisation Ras PI3 kinase Akt (Hallstrom & Nevins, 2003). Il a été observé dans plusieurs études, que les niveaux de la protéine d’E2F1 augmentent quand les cellules sont traitées par des agents génotoxiques (Blattner et al, 1999; Hofferer et al, 1999; Huang et al, 1997). Dans ce contexte, l’accumulation d’E2F1 va induire l’expression spécifique de gènes de la réponse aux dommages à l’ADN et des points de contrôle, mais aussi de l’apoptose. En effet, la génération de dommages à l’ADN est un des premiers signaux identifiés comme induisant l’activité apoptotique d’E2F1 (Blattner et al, 1999). De façon analogue, une expression aberrante d’E2F1 ou une activité inappropriée du facteur de transcription, conduit à une apoptose massive in vitro et in vivo (Hsieh et al, 1997; Kowalik et al, 1995; Pierce et al, 1999; Qin et al, 1994; Shan & Lee, 1994).

2. Activation d’E2F1 en réponse à un stress génotoxique

En réponse aux dommages à l’ADN, les niveaux de la protéine E2F1 sont régulés positivement, tout comme ceux du suppresseur de tumeur p53 (Blattner et al, 1999; Hofferer et al, 1999; Huang et al, 1997). L’accumulation de la protéine E2F1 reflète l’augmentation de la stabilité du facteur par des modifications post traductionnelles, mais aussi une synthèse de novo. Les modifications post traductionnelles ont aussi pour conséquence la stimulation de l’activité apoptotique du facteur de transcription.

Suite à l’activation de la cascade de signalisation des dommages à l’ADN, E2F1 est phosphorylé sur les résidus sérine 31 et 364 par les kinases ATM, ATR, Chk1 et Chk2 (Figure 16) (Lin et al, 2001; Stevens et al, 2003; Urist et al, 2004). In vitro, l’utilisation d’ARNs interférents contre les kinases Chk1/2 empêche l’accumulation d’E2F1 en réponse à des lésions de l’ADN (Urist et al, 2004). Ces phosphorylations stabilisent la protéine E2F1. Il est connu que la région N terminale d’E2F1 est impliquée dans la reconnaissance par SKP2 et l’adressage au protéasome. Dans le cas de la phosphorylation de la sérine 31, cette modification post traductionnelle bloquerait la reconnaissance par SKP2 (Iaquinta & Lees, 2007). Par ailleurs, le promoteur des gènes des kinases ATM/Chk2 étant sous le contrôle du facteur E2F1, la stabilisation d’E2F1 par ces kinases provoque une boucle de rétrocontrôle positif sur leur expression (Berkovich & Ginsberg, 2003; Rogoff et al, 2002). Un autre site de

phosphorylation sur la sérine 403 d’E2F1, nécessaire à son activité dans un contexte de stress génotoxique, a été identifié lors d’une étude récente (Real et al, 2010). Cependant, il reste à déterminer quelle kinase est responsable de cette phosphorylation et, en quelle mesure, celle ci influence l’activité apoptotique du facteur E2F1.

Dans le processus de stabilisation du facteur E2F1, il se produit également une interférence de la voie de dégradation d’E2F1 par le protéasome via l’interaction avec la protéine 14 3 3t (Figure 16). Cette « phosphoserine binding protein » a une forte affinité envers la forme d’E2F1 phosphorylée par ATM. Dans un contexte de dommages à l’ADN, la protéine 14 3 3t se lie à E2F1 et empêche son ubiquitination (Wang et al, 2004).

Figure 16. L’accumulation des E2Fs « activateurs » fait partie de la réponse aux dommages à l’ADN.

Les agents cytotoxiques stimulent les kinases ATM/ATR et CHK1/2, senseurs des dommages à l’ADN, qui en réponse phosphorylent E2F1 sur les résidus sérine 31 et 364 (et E2F3a, sur le résidu sérine 124), entrainant une stabilisation rapide de la protéine. La liaison des protéines 14 3 3t à E2F1 le protège d’une déphosphorylation. L’auto activation du promoteur d’E2F1/3a induit leur synthèse de novo, dans le but de maximiser les niveaux protéiques d’E2F1. Quand E2F1 est acétylé (résidus lysine 125, 120, 117) par les histones acétyle transférases PCAF ou p300, sensibles aux dommages à l’ADN, il peut transactiver un panel de gènes cibles pro apoptotiques. Dans ce sens, E2F1 est l’unique E2F exécuteur de la mort programmée de la cellule en réponse aux dommages à l’ADN. (adapté de Engelmann & Putzer, 2010)

L’acétylation est une autre modification traductionnelle qui stimule l’activité apoptotique d’E2F1 sous stress génotoxique, en renforçant son recrutement au niveau des promoteurs des gènes pro apoptotiques (Figure 16). Les histones acétyle transférases P300 et P/CAF (« p300/CREB binding protein associated factor »), inductibles en réponse aux stress cellulaires, sont les responsables de l’acétylation d’E2F1 (Galbiati et al, 2005; Ianari et al, 2004). Cette modification post traductionnelle semble affecter le choix des promoteurs cibles. Elle dirige l’activité transactivatrice d’E2F1 vers des promoteurs de gènes pro apoptotiques tels que p73, à la faveur d’une réponse apoptotique (Pediconi et al, 2003).

Enfin, il a été récemment démontré que la synthèse de novo joue un rôle important dans l’accumulation d’E2F1 en présence de dommages à l’ADN. La stimulation de la synthèse d’E2F1 se fait en partie en réponse à une boucle de rétrocontrôle positif, où le facteur E2F1 stabilisé et activé, transactive son propre promoteur (Carcagno et al, 2009). Cependant cette boucle de transactivation est plus complexe. Il a été montré que le facteur E2F3a est le seul E2F additionnel capable de répondre au stress génotoxique et qu’il exerce son activité pro apoptotique en stimulant la transcription d’E2F1 (Lazzerini Denchi & Helin, 2005; Martinez et al, 2010).

De façon intéressante, le facteur E2F3a n’est pas capable d’induire l’apoptose dans des cellules déficientes en E2F1, alors qu’E2F1 peut induire efficacement l’apoptose malgré l’absence de E2F3a (Lazzerini Denchi & Helin, 2005). Ces observations accentuent le rôle clé joué par E2F1 dans la prise de décision qui détermine si les cellules doivent se diriger vers l’apoptose ou non.

La fonction essentielle d’E2F1 dans l’induction de l’apoptose est aussi soulignée par sa relation avec pRb dans un contexte de stress génotoxique. La protéine pRb exerce son rôle de suppresseur de tumeur essentiellement par son habilité à lier et inactiver les facteurs de transcription E2Fs. Dans le cas d’E2F1, pRb est capable d’établir une interaction additionnelle grâce à un domaine en C terminal spécifique d’E2F1 (Dick & Dyson, 2003). Il a été montré qu’en présence de dommages à l’ADN cette interaction additionnelle est levée par l’acétylation du domaine C terminal de pRb (Markham et al, 2006). Cette modification n’affecte pas la liaison de pRb aux autres E2Fs, ce qui permet de maintenir verrouillés les promoteurs des gènes du cycle cellulaire, alors qu’E2F1 peut activer ses cibles pro apoptotiques. De plus, d’autres études montrent que pRb en association avec E2F1, peut stimuler l’activité pro apoptotique de celui ci, en recrutant l’histone acétylase P/CAF sur les promoteurs des gènes de p73 et la caspase 7 (Ianari et al, 2009).